Heraldic Science Héraldique
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    • Les armoiries personnelles en Nouvelle-France >
      • Annexe I - La noblesse contestée de Denis-Joseph Ruette d’Auteuil
    • Les armoiries personnelles au Québec
    • Les origines du castor et de la feuille d’érable comme emblèmes canadiens
    • Les pavillons de la marine marchande en Nouvelle-France
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    • Les symboles monarchiques dans les emblèmes du Québec
    • Où est passée la bibliothèque de l'Institut Drouin?
    • Un puissant symbole de vengeance qui brave le temps
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      • Introduction
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      • Conclusion
    • A GUIDE TO HERALDRY From a Canadian Perspective >
      • ACKNOWLEDGMENTS
      • PREFACE
      • Chapter I BIRTH AND SURVIVAL OF HERALDRY
      • Chapter II TAKING A CLOSER LOOK
      • Chapter III ARMS VERSUS LOGO
      • Chapter IV THE QUEST FOR ARMS
      • Chapter V DESIGNING ARMS >
        • ANNEX I
      • Chapter VI AN AUXILIARY SCIENCE >
        • ANNEX II
      • CHAPTER VII HERALDRY WITHIN THE SYMBOLS’ FAMILY
      • CONCLUSION
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      • BIBLIOGRAPHY
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Où est passée la bibliothèque de l’Institut Drouin?

Auguste Vachon, héraut Outaouais émérite, FRHSC, AIH
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Un récent article de Marc Beaudoin nous apprend ce qui est advenu des archives de l’Institut Drouin [1]. Ces renseignements m’ont rappelé que la bibliothèque de l’Institut avait fait l’objet d’une vente aux enchères à Paris, un événement très peu connu du public et même des amateurs d’héraldique et de généalogie. J’ai alors eu le goût de réexaminer les circonstances de cette vente et de tenter de découvrir des réponses à certaines questions. Pourquoi choisir Paris? Quel genre de livres y figuraient? Des ouvrages canadiens étaient-ils du nombre? 

La source des livres

Michel Pratt nous apprend que l’imposante bibliothèque de l’Institut Drouin provenait surtout de la France et avait été vendue dans ce même pays : « Joseph Drouin fait quelques voyages en France, où il se procure de nombreux ouvrages de référence en histoire et surtout en recherche héraldique. Au fil du temps, sa bibliothèque devient colossale et d’une très grande qualité. Malheureusement, cette bibliothèque sera vendue aux enchères en 1983 à des Français [2]. » En réalité, comme nous le verrons, les ouvrages à teneur héraldique représentaient à peine plus d’un tiers des livres vendus.

Drouin s’était doté d’un bureau à Paris : « Comme son père, Gabriel fait des voyages en France. Il ouvre même un bureau au 5, rue du Mont Thabor où deux personnes y travaillent dont François Dupré. Sa tâche est notamment de rassembler une collection de livres rares sur la généalogie française. Il est certes prestigieux d’indiquer sur la couverture du livre la mention Montréal-Paris [3]. » Drouin inscrivait effectivement Montréal et Paris sur la première de couverture de ses généalogies et comme lieu de publication de certains de ses ouvrages (voir la légende de fig. 2). Par contre, les deux catalogues de vente ne signalent que « l’Institut Drouin de Montréal (Canada) ». L’introduction au catalogue de vente d’avril 1983 précise : « Les ouvrages sont donc revenus à Paris, d’où ils étaient partis il y a plus de trente ans, pour être mis en vente dans les prochaines semaines. »

Le déroulement de la vente
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La bibliothèque donne lieu à deux encans au célèbre hôtel Drouot, le principal hôtel des ventes aux enchères à Paris. La première vente se déroule dans la salle 4, le 27 et 28 avril 1983 et la deuxième dans la salle 8, le 27 et 28 juin suivant. La deuxième page (fig. 1) de chaque catalogue nous apprend une foule de renseignements sur le déroulement des encans dont l’un des plus surprenant pour un Canadien est l’implication directe d’officiers du gouvernement dans le processus. Maîtres Bernard Oger et Etienne Dumont sont des commissaires-priseurs, c’est-à-dire des officiers ministériels titulaires d’une charge conférée par l’État leur accordant le privilège de vendre des biens aux enchères publiques. Ces deux officiers bénéficient des services de Mme J. Vidal Mégret, « Expert près les Douanes Françaises » qui, entre autres, participe à l’élaboration des catalogues et à la mise en place dans les salles d’exposition. 
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Les deux catalogues nous renseignent sur les modalités de paiement. Ils précisent aussi que deux expositions auront lieu, l’une chez l’expert et l’autre à l’hôtel Drouot et que chaque vente se déroulera en deux vacations (séances) échelonnées sur deux jours successifs. Le catalogue de juin ajoute que les ouvrages non catalogués seront vendus à la fin de chaque vacation.
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Fig. 1. Deuxième page du catalogue de vente de la bibliothèque de l’Institut généalogique Drouin, les 27 et 28 avril 1983. Une page analogue figure dans le catalogue de la 2e vente du 27 et 28 juin.
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Les ouvrages vendus

L’encan d’avril inclut 370 livres et celui de juin 360 livres dont huit appartiennent à un Monsieur X, ce qui fait un total de 352 ouvrages provenant de Drouin. Des 370 livres de la première vente, 38% se démarquent par leur important contenu héraldique : armoriaux, traités d’héraldique, recueil de devises et cris de guerre, ouvrages généalogiques illustrés de nombreuses armoiries, sceaux, ex-libris, pierres tombales et autres objets armoriés dont des cloches. Des 352 pièces de la deuxième vente, 28% portent sur l’héraldique. Les deux catalogues incluent un index des noms de lieux où figurent l’Afrique du Nord, l’Angleterre, l’Autriche, le Canada, l’Écosse, l’Espagne, la Hollande et la Suisse. Cette liste n’est pas complète puisque les catalogues décrivent aussi des ouvrages d’autres pays comme l’Allemagne, l’Italie et les États-Unis. Pour les autres noms de lieux, il s’agit surtout des territoires et circonscriptions avant et après la Révolution française. Les armoriaux reflètent aussi les divisions administratives ou ecclésiastiques de la France: anciennes provinces, généralités, élections, départements, arrondissements, villes, communes, sénéchaussées, archevêchés, évêchés, diocèses. Certains armoriaux portent sur les fiefs : principautés, duchés, marquisats, comtés, vicomtés, baronnies, châtellenies, seigneuries. D’autres s’attachent aux maisons royales ou nobles, aux familles bourgeoises, ou encore aux ordres royaux et aux ordres religieux et monastiques.

On y retrouve des grands noms de la généalogie et de l’héraldique dont deux exemplaires de Pierre de Guibours dit le père Anselme, Histoire généalogique et chronologique de la maison royale de France…, 1726-1733, 9 vol.; André Borel d’Hauterive, Revue historique de la noblesse, 1841-1846 et Armorial de Picardie, généralité de Soissons, 1878; Gustave Chaix d'Est-Ange, Dictionnaire des familles françaises anciennes ou notables à la fin du XIXe siècle, 1903-1929, 18 vol.; John Burke, A Genealogical and Heraldic History of the Commoners of Great Britain and Ireland, 1834-1838, 4 vol.; Arthur Charles Fox-Davies, The Book of Public Arms, 1894; Henri Gourdon de Genouillac, Recueil d’armoiries des maisons nobles de France, 1860; sept armoriaux par des membres de la famille d’Hozier; M. Jouffroy d’Eschavannes, Armorial universel, 1844-1848 et Dictionnaire de le noblesse et du blason, s.d.; Henri Jougla de Morenas, Grand armorial de France, 1934, 7 vol.; Franc̜ois-Alexandre Aubert de La Chenaye-Desbois, Dictionnaire de la noblesse …, édition 1770-1786, 14 vol. et édition 1863, 13 vol.; Alexander Nisbet,  A System of Heraldry Speculative and Practical …, 1722-1742, 2 vol.; Charles Poplimont, La France héraldique, 1873-1875, 4 vol.; Théodore de Renesse, Dictionnaire des figures héraldiques, 1892, 7 vol.; Nicolas Viton de Saint-Allais, Armorial des familles nobles de France, 1817 et Nobiliaire universel de France, ou Recueil général des généalogies historiques des maisons nobles de ce royaume, 1872, 21 vol. 

Les ouvrages de certains héraldistes réputés manquent dont les nombreux traités du père Claude-François Ménestrier.  On n’y trouve pas non plus le très populaire Armorial général de Johannes Baptista Rietstap et son complément Planches de l’Armorial général de J.B. Rietstap de V. Rolland en 6 vol. publiés entre 1903 et 1926.

Dans le catalogue d’avril que j’ai en main, les prix d’environ la moitié des articles sont inscrits en marge par l’un des participants à la vente. Il semble s’agir des ouvrages ayant suscité les meilleures offres. Comme ces prix figurent en devises françaises, notons que le dollar canadien vaut alors six francs français. L’Armorial général de la France (1868-1884, 14 vol.) de L.-P. et A.-M. d’Hozier se vend à 7 200 F alors que l’Armorial et nobiliaire de l’ancien duché de Savoie (1863-1938, 4 vol.) du comte A. de Foras remporte 16 500 F. Par contre, l’offre finale pour l’Annuaire de la pairie et de la noblesse de France et des maisons souveraines de l’Europe (1843-1935, 83 vol.) se chiffre à seulement 6 800 F. Les grandes publications en série ou celles comportant de nombreuses composantes, mais sans contenu héraldique, font l’objet des enchères les plus élevées. Le prix ultime de l’Inventaire sommaire des Archives départementales en 976 vol. s’élève à 70 000 F. Une série de 183 cartes de la France créées par Andriveau-Goujon et publiées à Paris vers 1820 par J.D. Cassini de Thury, Camus, Montigny et al. se mérite 20 000 F. L’Intermédiaire des chercheurs et curieux, fondé en 1864 et comprenant 1937 numéros de 1864 à 1940 s’attire 14 500 F.
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Un grand nombre des livres touchent à la géographie de la France, un secteur important pour cerner les lieux d’origines des Canadiens de souche française. Michel Pratt nous apprend que les blasons réalisés par Drouin se fondaient souvent sur celles du département d’origine : « Les armoiries étaient dessinées par Rita Malenfant qui avait été engagée à l’âge de 16 ans; on prenait normalement les armoiries du département d’origine, en France, et on les personnalisait. Cela prenait un avant-midi pour dessiner les lettres dans un arbre généalogique. De 4 à 5 employées étaient affectées à la recherche des données [4]. » Le féminin pour « employées » souligne que Drouin embauchait beaucoup de femmes.
 
On y rencontre aussi un grand nombre de cartulaires et de pouillés dont plusieurs ont trait à des institutions religieuses. Les ouvrages touchant l’histoire religieuse abondent. Ils documentent de nombreux aspects de l’Église catholique en France: ses multiples divisions administratives, sa hiérarchie et ses ordres religieux et monastiques. L’accent mis sur l’Église et la religion catholique ne doit pas surprendre puisque Drouin établissait beaucoup de généalogies accompagnées d’armoiries pour des ecclésiastiques. La bibliothèque contient aussi des informations sur la France protestante.

Une vente controversée?

Les Canadiens doivent-ils regretter la vente en France de la bibliothèque de l’Institut généalogique Drouin? Les ouvrages en soi n’avaient rien d’unique en ce sens que les plus importants se retrouvaient dans les grandes bibliothèques du Canada. Néanmoins, il aurait été souhaitable de conserver la collection intégralement à un seul endroit pour la recherche et à la mémoire de l’entreprise Drouin. En ce sens, il s’agissait d’une grande perte pour les généalogistes et héraldistes canadiens. Cinq ans plus tard, à sa création en 1988, l’Autorité héraldique du Canada s’engageait sur la même voie qu’avait parcourue l’Institut à ses débuts, puisque l’une de ses premières tâches était de se constituer une bibliothèque de base essentielle à son fonctionnement.

En revanche, il faut se garder de jeter le blâme sur l’Institut Drouin. Un seul livre provenait d’un auteur canadien et portait sur la France : J-Edmond Roy, Rapport sur les archives de France relatives à l’histoire du Canada (1911).  Un dictionnaire publié à Paris en 1726 mentionnait la Nouvelle-France : Claude-Marin Saugrain, Dictionnaire universel de la France ancienne et moderne et de la Nouvelle France…, 3 vol. Comme la presque totalité des ouvrages en vente provenaient de sources françaises, les acheteurs qui s’y intéressaient le plus se trouvaient en France. S’il avait existé un marché viable pour la bibliothèque au Canada, Drouin l’aurait sans doute exploité pour éviter les complexités d’une vente aux enchères à Paris. Il est à noter aussi, qu’au moment de la vente, plusieurs ouvrages concernant l’héraldique de la France et d’autres pays paraissaient déjà sous forme de rééditions ou de réimpressions, une tendance qui allait s’accentuer. Notons également que beaucoup de ces livres anciens sont maintenant disponibles en ligne.

L’introduction au catalogue de vente d’avril a pour titre : « Une Bibliothèque exceptionnelle : Sa contribution à l’histoire d’un peuple ». Mais de toute évidence cette contribution est vue comme étant terminée puisque, après avoir fait l’éloge des travaux de l’Institut Drouin, le texte se poursuit : « Ce travail ayant été mené à bien, l’Institut DROUIN a décidé de se dessaisir de cette bibliothèque exceptionnelle. »

Les armoiries de l’Institut Drouin
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Les armoiries de l’Institut Drouin figurent en noir et blanc sur la couverture des deux catalogues de vente de sa bibliothèque. Elles soulignent l’importance de l’héraldique pour cette société. Au début, elle se nomme « Généalogies Drouin enregistré » ou « Joseph Drouin généalogies et armoiries ». Après le décès de son père le 6 octobre 1937, Gabriel Drouin incorpore l’entreprise, sous la raison d’Institut généalogique Drouin [5]. Les armoiries de l’Institut reproduites en couleurs à la figure 2 reflètent une grande simplicité, règle d’or de l’héraldique. Elles peuvent se blasonner de sable au chêne d’or chargé d’un écusson de gueules au chevron d’argent. Bien que je n’aie jamais découvert le symbolisme de la composition, on peut presque le deviner. Le chêne représente sans doute l’arbre généalogique ou la lignée. Le fond noir donne l’impression que la généalogie fait sortir les données ancestrales des ténèbres, de la nuit des temps. L’écusson rouge à un chevron argenté évoque les armoiries que l’Institut conçoit pour sa clientèle. La devise latine Recta linea, qui peut signifier « ligne droite » ou « par la ligne droite », rappelle la lignée familiale que les généalogistes tentent d’établir d’abord en ligne directe.
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Fig. 2. Armoiries de l’Institut généalogique Drouin sur la couverture de Gabriel Drouin présente quelques armoiries épiscopales, municipales etc., créées et réalisées par les Services héraldiques de l’Institut généalogique Drouin, Montréal et Paris, Institut généalogique Drouin [1952].
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Je n’ai rien déniché concernant les couleurs et le symbolisme des armoiries de Gabriel Drouin. Elles sont gravées sur son imposant monument funéraire dans le cimetière Notre-Dame-des-Neiges de Montréal (fig. 3) [6]. Si les hachures (lignes) sont correctes, le champ serait d’azur joint à un chef cousu de gueules. On y retrouve aussi un arbre, un chevron et la devise Recta linea comme dans les armoiries de l’Institut.  Le chef affiche un livre ouvert entre des guidons ou girouettes (?). Comme sur l’écu, des fleurs de lis et des feuilles d’érable ornent le monument lui-même et l’inscription Mors porta coeli (La mort, porte du ciel) figure sur le piédestal d’une sculpture funéraire qui rappelle la Piétà de Michel-Ange où la Vierge Marie tient le corps du Christ sur ses genoux.

Il semble exister une pénurie de renseignements sur les armoiries des Drouin et celles de leur Institut. Par exemple, Joseph Drouin s’était-il doté d’un emblème héraldique? Quels sont le symbolisme et les couleurs des armoiries de son fils Gabriel. A-t-on consigné quelque part le symbolisme des armoiries de l’Institut généalogique Drouin? Si l’un de nos lecteurs possède des renseignements à ce sujet, il serait important de les faire connaître.
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Fig. 3. Armoiries de Gabriel Drouin sur son monument funéraire dans le cimetière Notre-Dame-des-Neiges de Montréal. Voir : https://commons.wikimedia.org/wiki/File:GDrouin.JPG.
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Summary
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The library of the Drouin Genealogical Institute was sold at two auctions at the Drouot Hotel in Paris on 27-28 April and 27-28 June 1983. Of the 370 books in the catalogue of the April auction, 38% are of heraldic interest while this proportion becomes 28% for the 352 books in the June catalogue. Most of these works combine both heraldry and genealogy and the publishers are almost exclusively located in France. A large number of well-known heraldic authors are included and some of their publications comprise many volumes. Most of the heraldic works sold could be found in the numerous libraries across Canada, but it would have been important to keep the collection in one place for genealogical and heraldic research and as a memorial to the institute. Five years later, the newly created Heraldic Authority was confronted, as Drouin had been earlier, with the task of assembling a substantial library essential to its operations. On the other hand, the Drouin Institute can hardly be faulted since only one work is by a Canadian author and it concerns archival documents of Canadian interest in France. As the introduction to the first catalogue puts it, the books were originally from France and are returning there. If there had been a serious buyer in Canada, Drouin would surely have sought that route rather than face the complexities of an auction on foreign soil. The cover of both catalogues is illustrated with the arms of the Drouin Institute in black and white of which fig. 2 presents a colour example. These simple arms convey a clear message that the operations of Drouin were centered around genealogy and heraldry as symbolized by the oak tree and the shield. The Latin motto Recta Linea (direct line) evokes the notion of lineal descent.
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Notes
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[1] Marc Beaudoin, « Quand l’Institut généalogique Drouin créait et vendait des armoiries » dans Heraldry in Canada / L’Héraldique au Canada, vol, 54, nos 1-2 (année 2020), p. 43, 53.
 
[2] Michel PRATT, L’Institut généalogique Drouin, généalogie et histoire d’une entreprise, Montréal, Éditions Histoire Québec, 2010, p. 9 : https://www.genealogiequebec.com/documents/InstitutDrouinHistoire.pdf.
 
[3] Ibid., p. 27.
 
[4] Ibid., p. 15 et 18.
 
[5] Ibid., p. 9, 12.
 
[6] Les armoiries de Gabriel Drouin se retrouvent imprimées en petit format noir et blanc dans Dictionnaire national des Canadiens-Français, 3 vol., édition révisée, Montréal, Institut généalogique Drouin, 1979.
 
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