II
La feuille d’érable en Nouvelle-France
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Il semble exister une volonté tenace de faire remonter la feuille d’érable comme emblème du Canada au temps de la Nouvelle-France. La publication Le drapeau national du Canada (1966) affirme : « La feuille d’érable semble avoir été considérée comme un emblème du Canada dès 1700, sinon plus tôt. [1] » En 1967, Les armoiries, drapeaux et emblèmes du Canada renchérit : « À la suite de recherches, un ancien président de la Société royale du Canada a pu conclure que “la feuille d’érable était considérée comme un emblème approprié pour les Canadiens dès 1700, si ce n’est auparavant”. [2] » La publication de 1978 mentionne à peu près la même chose toujours sans préciser la source des renseignements. L’édition de 1999 se limite à dire : « La feuille d’érable est liée au Canada depuis les années 1700. », ce qui ne signifie pas grand-chose [3]. N’empêche que ces affirmations, vagues dès le départ et de plus en plus diluées, ont permis à de nombreux auteurs de faire remonter les origines de la feuille d’érable comme emblème du pays à 1700 ou avant [4].
Mais qui était cet « ancien président de la Société royale du Canada » qui attribuait une dimension emblématique à la feuille d’érable au temps de la Nouvelle-France? Le germe de cette idée se retrouve sous la plume de Benjamin Sulte, président de la Société de 1904 à 1905. Voici ce qu’il écrit en 1880 : « Rare partout ailleurs, l’érable a dû frapper agréablement l’étranger dès la découverte du Canada. On peut supposer que les colons français lui prêtèrent une attention particulière et s’accoutumèrent à le regarder comme l’arbre canadien. [5] » Sulte ne mentionne pas de date en 1880, mais il le fait dans un article publié en 1895 : « Depuis deux siècles, la feuille d’érable a eu place parmi les insignes du Canada, comme le castor, par exemple. [6] » Ceci nous amène à 1695, ce qui peut se traduire par « dès 1700, si ce n’est auparavant ».
Une lettre de Sulte contient une phrase dans le même sens en réponse à une demande de renseignements sur les origines de la feuille d’érable comme emblème du Canada. Un article de journal sur la feuille d’érable avait suscité la curiosité de Janet Carnochan et, lorsqu’elle avait soulevé les questions qui la préoccupaient lors d’une réunion du conseil de la Société historique de l’Ontario en avril 1905, le conseil lui avait proposé de préparer un article plus détaillé sur le sujet. Ceci l’avait amenée à correspondre avec Sulte dont elle cite la lettre : « Previous to 1690 writers who visited Canada mention with admiration the maple leaf, and I could venture to think that the maple leaf was looked upon as a fit emblem for Canadians as early as 1700, if not before. [7] » Sans l’ombre d’un doute, la supposition hésitante selon laquelle la feuille d’érable comme emblème du pays pouvait remonter à 1700 ou avant est attribuable à Sulte.
L’argumentation de Sulte veut convaincre, mais projette la mentalité d’un contemporain sur une époque antérieure. Dans le dernier quart du XIXe siècle, le Québec et le Canada cherchent leur propre symbolique, alors qu’au temps de la Nouvelle-France le pays est une colonie et ne rêve pas d’emblèmes différents de ceux de la métropole. Sulte ne formule qu’une supposition au sujet de l’adoption de la feuille d’érable par les Canadiens. Cette conjecture ne se transforme pas nécessairement en réalité, car les États du Vermont, du Maine, de New York et du Wisconsin produisent tous beaucoup de sucre d’érable, mais aucun d’eux n’a inclu l’érable ou sa feuille dans leurs armoiries ou leur drapeau. Ce n’est qu’au XXesiècle que trois de ces États, répondant à une tendance moderne d’adopter des symboles arboricoles, animaliers ou autres, choisirent l’érable à sucre comme emblème : Vermont (1949), Wisconsin (1949), New York (1956).
Mais qui était cet « ancien président de la Société royale du Canada » qui attribuait une dimension emblématique à la feuille d’érable au temps de la Nouvelle-France? Le germe de cette idée se retrouve sous la plume de Benjamin Sulte, président de la Société de 1904 à 1905. Voici ce qu’il écrit en 1880 : « Rare partout ailleurs, l’érable a dû frapper agréablement l’étranger dès la découverte du Canada. On peut supposer que les colons français lui prêtèrent une attention particulière et s’accoutumèrent à le regarder comme l’arbre canadien. [5] » Sulte ne mentionne pas de date en 1880, mais il le fait dans un article publié en 1895 : « Depuis deux siècles, la feuille d’érable a eu place parmi les insignes du Canada, comme le castor, par exemple. [6] » Ceci nous amène à 1695, ce qui peut se traduire par « dès 1700, si ce n’est auparavant ».
Une lettre de Sulte contient une phrase dans le même sens en réponse à une demande de renseignements sur les origines de la feuille d’érable comme emblème du Canada. Un article de journal sur la feuille d’érable avait suscité la curiosité de Janet Carnochan et, lorsqu’elle avait soulevé les questions qui la préoccupaient lors d’une réunion du conseil de la Société historique de l’Ontario en avril 1905, le conseil lui avait proposé de préparer un article plus détaillé sur le sujet. Ceci l’avait amenée à correspondre avec Sulte dont elle cite la lettre : « Previous to 1690 writers who visited Canada mention with admiration the maple leaf, and I could venture to think that the maple leaf was looked upon as a fit emblem for Canadians as early as 1700, if not before. [7] » Sans l’ombre d’un doute, la supposition hésitante selon laquelle la feuille d’érable comme emblème du pays pouvait remonter à 1700 ou avant est attribuable à Sulte.
L’argumentation de Sulte veut convaincre, mais projette la mentalité d’un contemporain sur une époque antérieure. Dans le dernier quart du XIXe siècle, le Québec et le Canada cherchent leur propre symbolique, alors qu’au temps de la Nouvelle-France le pays est une colonie et ne rêve pas d’emblèmes différents de ceux de la métropole. Sulte ne formule qu’une supposition au sujet de l’adoption de la feuille d’érable par les Canadiens. Cette conjecture ne se transforme pas nécessairement en réalité, car les États du Vermont, du Maine, de New York et du Wisconsin produisent tous beaucoup de sucre d’érable, mais aucun d’eux n’a inclu l’érable ou sa feuille dans leurs armoiries ou leur drapeau. Ce n’est qu’au XXesiècle que trois de ces États, répondant à une tendance moderne d’adopter des symboles arboricoles, animaliers ou autres, choisirent l’érable à sucre comme emblème : Vermont (1949), Wisconsin (1949), New York (1956).
Le Canada s’identifiait à la France presque exclusivement par trois emblèmes : les armoiries royales, dès la découverte du pays et tout au long de la période française; la bannière de France, arborée seulement au début des premiers efforts de colonisation; le pavillon blanc de la marine royale ou marine de guerre — souvent arboré aussi par la Marine marchande — que les Canadiens percevaient dès le XVIIe siècle comme le drapeau de la nation française (voir http://heraldicscienceheraldique.com/banniegravere-de-france-et-pavillon-blanc-en-nouvelle-france.html). Le castor figurait comme emblème du Canada sur la médaille Kebeca Liberata de 1690 et sur des jetons émis par la France (voir le chapitre suivant sur le castor). Rien n’indique cependant que les Canadiens eux-mêmes cherchaient à s’identifier par des emblèmes différents de ceux de la France.
Les auteurs qui décrivent l’érable à l’époque de la Nouvelle-France ― les premières mentions étant bien avant 1700 ― parlent de son utilité pour fabriquer des manches et des rames, pour se chauffer et surtout pour les propriétés de sa sève qui se transforme en sirop ou en sucre en fonction du temps d’ébullition. S’ils font état de la beauté de l’arbre en général, ils mentionnent rarement la forme de sa feuille et ne s’attardent pas sur son coloris éclatant en automne. Ils n’y attachent pas de valeur symbolique [8].
Le prochain chapitre signale les armoiries que Frontenac proposait pour la ville de Québec en 1673, la médaille Kebeca Liberata célébrant la victoire de Frontenac sur William Phips devant Québec en 1690, et des jetons frappés au temps de la Nouvelle-France. Semblablement, dans des armoiries et sur des médailles et des cartes géographiques, l’Amérindien représente le Nouveau Monde [9]. Notons que les médailles et jetons proviennent de la France, que les armoiries proposées pour Québec reflètent la vision d’un administrateur français. Comme déjà souligné, les Canadiens, ne cherchaient pas à s’identifier par des emblèmes autres que les armoiries et les drapeaux de la France. La feuille d’érable n’apparait nulle part comme symbole au temps de la Nouvelle-France. En plus, force est de constater que l’érable ou sa feuille ne jouissaient pas à l’époque du même statut emblématique que le castor qui avait une forte dimension commerciale et l’Amérindien qui revêtait une dimension exotique pour les Européens. Les Canadiens (au moins 15) qui se sont dotés d’armoiries pendant la période coloniale française en Amérique n’ont retenu ni le castor ni la feuille d’érable [10]. Ce fait constitue un autre indice que les Canadiens ne pensaient pas encore à des symboles du terroir pour s’identifier. Avant le XIXe siècle, il ne semble pas non plus que la feuille d’érable ait pénétré dans la conscience collective comme motif décoratif, pas plus que comme symbole [11].
Le prochain chapitre signale les armoiries que Frontenac proposait pour la ville de Québec en 1673, la médaille Kebeca Liberata célébrant la victoire de Frontenac sur William Phips devant Québec en 1690, et des jetons frappés au temps de la Nouvelle-France. Semblablement, dans des armoiries et sur des médailles et des cartes géographiques, l’Amérindien représente le Nouveau Monde [9]. Notons que les médailles et jetons proviennent de la France, que les armoiries proposées pour Québec reflètent la vision d’un administrateur français. Comme déjà souligné, les Canadiens, ne cherchaient pas à s’identifier par des emblèmes autres que les armoiries et les drapeaux de la France. La feuille d’érable n’apparait nulle part comme symbole au temps de la Nouvelle-France. En plus, force est de constater que l’érable ou sa feuille ne jouissaient pas à l’époque du même statut emblématique que le castor qui avait une forte dimension commerciale et l’Amérindien qui revêtait une dimension exotique pour les Européens. Les Canadiens (au moins 15) qui se sont dotés d’armoiries pendant la période coloniale française en Amérique n’ont retenu ni le castor ni la feuille d’érable [10]. Ce fait constitue un autre indice que les Canadiens ne pensaient pas encore à des symboles du terroir pour s’identifier. Avant le XIXe siècle, il ne semble pas non plus que la feuille d’érable ait pénétré dans la conscience collective comme motif décoratif, pas plus que comme symbole [11].
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Ceux qui s’intéressent à la feuille d’érable se réjouiraient d’apprendre, preuve à l’appui, que son symbolisme remonte à la Nouvelle-France. Mais à défaut de documents fiables, il est permis de mettre en doute une notion énoncée comme une supposition dans le dernier quart du XIXe siècle et comme une quasi-certitude dans la deuxième moitié du XXe siècle en ne citant aucune source précise à l’appui.
Notes
[1] SECRÉTAIRE D’ÉTAT DU CANADA, The National Flag of Canada / Le drapeau national du Canada, Ottawa, Imprimeur de la Reine, 1966, s.p.
[2] MINISTÈRE DU SECRÉTARIAT DU CANADA, The Arms, Flags and Floral Emblems of Canada / Les armoiries, drapeaux et emblèmes floraux du Canada, Ottawa, Imprimeur de la Reine, 1967, p. 12.
[3] MINISTÈRE DU PATRIMOINE CANADIEN, Les symboles du Canada, Ottawa, Travaux publics …, 1999, p. 10.
[4] Bruce PEEL, « Emblems of Canada » dans The Canadian Encyclopedia, vol. 1, Edmonton, Hurtig Publishers, 1985, p. 566; Michel LESSARD, Objets anciens du Québec. La vie domestique, Les Éditions de l’Homme, 1994, p. 204; http://www.fraser.cc/FlagsCan/Nation/NatSym.html#r10 citant The Canadian Encyclopedia; Rick ARCHBOLD, I Stand for Canada, The Story of the Maple Leaf Flag, Toronto, Macfarlane Walter and Ross, [2002], p. 37.
[5] H.-J.-J.-B. CHOUINARD, Fête nationale des Canadiens-Français célébrée à Québec en 1880, Québec, Imprimerie A. Côté, 1881, p. 14 : https://archive.org/details/ftenationalede00chouuoft. Benjamin Sulte est l’auteur du premier chapitre intitulé « Les origines de la Saint-Jean-Baptiste ». Dans son Histoire des Canadiens-Français 1608-1880, (vol. 3, Montréal, Wilson & Cie, 1882, p. 133 : https://archive.org/details/cihm_24444), Sulte écrit à peu près la même chose : « Rare partout ailleurs, l’érable a dû frapper agréablement les découvreurs du Canada. On peut supposer que les colons français lui prêtèrent une attention particulière et s’accoutumèrent à le regarder comme l’arbre canadien par excellence. »
[6] Benjamin SULTE, « Le pavillon canadien » dans Bulletin de la Société normande de géographie, t. 17, Rouen, Imprimerie de Espérance Cagniard, 1895, p. 309.
[7] Janet CARNOCHAN, « The Origin of the Maple Leaf as the Emblem of Canada » dans Ontario Historical Society Papers and Records, vol. 7 (1906), p. 139-141 : https://archive.org/stream/papersrecordsontv78onta#page/n281/mode/2up.
[8] Reuben Gold THWAITES, éd., The Jesuit Relations and Allied Documents …, Cleveland, The Burrows Brothers Company, relation de 1634, vol. 6, p. 272, relation de 1671, vol. 56, p. 100; Pierre BOUCHER, Histoire véritable et naturelle des mœurs et productions du pays de la Nouvelle-France vulgairement dite le Canada, Paris, Florentin Lambert, 1664, p. 44-45; Marc LESCARBOT, Histoire de la Nouvelle-France, Paris, Adrian Perrier, 1617, p. 343; Louis-Armand de LOM d’ARCE de LAHONTAN, Mémoires de l’Amérique septentrionale, ou la suite des voyages de Mr le Baron de Lahontan, t. 2, La Haye, les Frères l’Honoré, 1703, p. 59-60; Joseph-François LAFITAU, Mœurs des Sauvages amériquains, comparées aux mœurs des premiers temps, vol. 2, Paris, Saugrain l’aîné et Charles Estienne Hochereau, 1724, explication des planches et figures (planche VII) et p. 154-155; Pierre-François-Xavier de CHARLEVOIX, Journal d’un voyage fait par ordre du roi dans l’Amérique septentrionnale, Paris, Nyon Fils, 1744, p. 121-123; Pierre KALM, « Voyage de Kalm en Amérique analysé et traduit par L. W. Marchand » (récit de 1749) dans Mémoires de la Société historique de Montréal, 1880, p. 224; Jean-Bernard BOSSU, Nouveaux voyages aux Indes Occidentales, vol.1, 2e éd., Paris, Le Jay, 1768, p. 216-217. D’après Agathe de Saint-Père (Mme Legardeur de Repentigny), la production de sucre sur la seule île de Montréal était de 30 000 livres en 1706 : rapport de Rigaud de Vaudreuil et Jacques Raudot au ministre, 5 octobre 1706, cité dans Joseph-Noël FAUTEUX, Essai sur l'industrie au Canada sous le régime français, vol. 2, Québec, Ls-A. Proulx, 1927, p. 395-396. Louis Nicolas, un missionnaire jésuite qui séjourna en Nouvelle-France de 1664 à 1674, rapporte qu’on exportait des barriques de cendre d’érable en Europe pour faire la lessive et que ce produit se vendait très cher. Voir [Louis NICOLAS], Histoire Naturelle : ou la fidèle recherche de tout ce qu'il y a de rare dans les Indes occidentales..., Bibliothèque Nationale de France, manuscrit français 24225, fol. 35-36. Bibliothèque et Archives Canada en possèdent le microfilm, bobine F-567, et une transcription dactylographiée MG 7 I A2, vol. 24225. François-Marc GAGNON, Nancy SENIOR et Réal OUELLET ont publié une version éditée du manuscrit de Nicolas sous le titre The Codex Canadensis and the Writings of Louis Nicolas, Montréal et Kingston, McGill-Queen’s University Press, 2011. L’érable est décrit en français d’après le manuscrit de Nicolas aux pages 426-427. Nicolas signale aussi que la feuille de l’érable a la forme d’un pied d’oie, ce qui semble être l’un des rares commentaires sur la forme de la feuille au temps de la Nouvelle-France encore que la comparaison au pied d’oie provenait de l’Europe et précédait Nicolas. Voir Jacques DALECHAMPS et Jean DESMOULINS, Histoire générale des plantes…, vol.1, Lyon, Philip. Borde, Laur. Arnaud et Cl. Rigaud, 1653, p. 79.
[9] Auguste VACHON, « L’Amérindien stéréotypé en héraldique canadienne : son évolution en regard de l’image imprimée » : http://heraldicscienceheraldique.com/lrsquoameacuterindien-steacutereacuteotypeacute-en-heacuteraldique-canadienne--son-eacutevolution-en-regard-de-lrsquoimage-imprimeacutee.html; Jos. LEROUX, Le Médailler du Canada / The Canadian Coin Cabinet, Montréal, Beauchemin et Fils, 1888, p. 1-4. Les cartes géographiques où l’Amérindien symbolise le Nouveau-Monde sont abondantes. On en retrouve un bon échantillon dans les ouvrages suivants : Derek HAYES, Historical Atlas of Canada, Vancouver, Douglas & McIntyre, 2002, p. 26-29, 33, 54, 56, 61-62, 64, 66-68; John GOSS, The Mapping of North America, Three centuries of map-making 1500-1860, Secaucus (New Jersey), Wellfleet Press, 1990, p. 18-19, 26-29, 58-59, 62-65, 68-69, 72-75, 90-91, 96-97, 106-107, 110-113, 116-119, 130-131.
[10] Dans son ouvrage, La Noblesse de la Nouvelle-France (Québec, Éditons Hurtubise, 1991, p. 167), Lorraine GADOURY énumère les anoblis canadiens suivant : Robert Giffard, Pierre Boucher de Boucherville, Simon Denys de La Trinité, Jean Godefroy de Linctot (Lintot), Charles Le Moyne de Longueuil, Nicolas Dupont de Neuville, René-Robert Cavelier de La Salle, Nicolas Juchereau de St-Denis, Charles Aubert de La Chesnaye, Jacques Leber et François Hertel. Leurs armoiries sont connues sauf pour Robert Giffart qui ne s’est peut-être pas doté d’armoiries. La noblesse de Louis Couillard de Lespinay est confirmée par lettres du roi datées de 1668, mais il semble bien que Guillaume Couillard de Lespinay et son frère Charles Couillard de Beaumont ont aussi été anoblis (voir
http://heraldicscienceheraldique.com/les-armoiries-personnelles-en-nouvelle-france.html, note 43 et la section 2.1 Les brisures). En 1761, Paul Raimbaut de Saimblin obtenait des armoiries d’un juge d’armes de France pour son père Pierre Raimbault. En 1787, Michel Chartier de Lotbinière demandait à un juge d’armes de France de modifier ses armoiries (voir http://heraldicscienceheraldique.com/les-armoiries-personnelles-au-queacutebec.html, section 1. Continuité de l’héraldique française). Le roturier Antoine Laumet dit de Lamothe Cadillac, a assumé lui-même ses armoiries, mais nous ne savons pas s’il l’a fait avant ou après sa venue au Canada (voir http://heraldicscienceheraldique.com/les-armoiries-personnelles-en-nouvelle-france.html, section 1.3 Un cas de libre adoption). Daniel Cogné signale trois sceaux armoriés bourgeois du temps de la Nouvelle-France : Pierre André de Leigne, François-Mathieu Martin de Lino et Claude-Gabriel Walon de Messy. Mais là encore, nous ne savons pas si les armoiries ornant les sceaux on été conçues au Canada ou s’il s’agit d’armoiries de familles provenant de la France (voir Daniel COGNÉ, « Cachets armoriés de Nouvelle-France », dans Heraldry in Canada / L’Héraldique au Canada, vol. 27, no 1 (mars 1993), p. 18-22). On ne doit pas, comme on l’a fait parfois, compter Antoine Pécaudy de Contrecœur parmi les anoblis de la Nouvelle-France car ses lettres de noblesse datent de 1661 et il n’est passé au Canada qu’en 1665. On a contesté l’authenticité de sa noblesse en raison « des défauts de concordance dans les dates et lieux cités » (voir sa biographie dans le Dictionnaire biographique du Canada). En effet, ses lettres de noblesse sont authentiques. Lorsque Pécaudy de Contrecœur demande l’enregistrement de ses lettres au Conseil souverain de la Nouvelle-France en 1687, il explique qu’il les avait confiées à son neveu en France pour les faire enregistrer, comme il se doit, à plusieurs endroits comme à la Chambre des comptes et à une cour des aides. Après son mariage, il avait demandé qu’on lui fasse parvenir ses lettres au Canada ce qui a été fait avec beaucoup de retard. Quoiqu’il en soit, les membres du Conseil souverain ont vu les lettres « … signées Louis, et sur le reply par le Roy Daufin, Le Tellier, [Michel Le Tellier, secrétaire d’État] et scellées sur lacs de soye rouge et verte, de cire verte … » (voir Pierre-Georges ROY, Lettres de noblesse, généalogies, érections de comtés et baronnies insinuées par le Conseil souverain de la Nouvelle-France, vol. 1, Beauceville, l’Éclaireur, 1920, p. 105-110). Pour forger un document signé par le roi, par le dauphin et par le secrétaire d’État et scellé d’un sceau royal à deux faces appendu au document par des lacs, il aurait fallu des moyens qui dépassaient de loin ceux que Pécaudy de Contrecœur pouvait mettre en œuvre. En résumé, on constate que 14 canadiens ont obtenu des armoiries de France au temps de la Nouvelle-France et que l’un d’eux, Chartier de Lotbinière, a demandé une modification à ses armoiries en 1787, ce qui donne un total d’au moins quinze. Aucune des ces personnes n’a pensé à la feuille d’érable et on ne connaît pas d’armoiries du temps de la Nouvelle-France qui arborent la feuille d’érable.
[11] Je n’ai pas retrouvé d’exemple de la feuille d’érable comme élément décoratif avant le début du XIXe siècle, notamment sur une médaille de Robert Cruickshank qui date d’avant octobre 1807 (voir le chapitre sur la feuille d’érable du présent ouvrage). Entre autres, j’ai consulté les ouvrages suivants : Jean TRUDEL, L’orfèvrerie en Nouvelle-France, Ottawa, Galerie nationale du Canada, 1974; A.B. McCULLOUGH, La Monnaie et le change au Canada des premiers temps jusqu’à 1900, Ottawa, Direction des lieux et des parcs historiques nationaux, 1987; Michel LESSARD, Objets anciens du Québec…, op. cit; Idem, Antiquités du Québec. Objets anciens, vie sociale et culturelle, Les Éditions de l’Homme, 1995; Idem, Meubles anciens du Québec, Les Éditions de l’Homme, 1999; M. A.-Léo LEYMARIE, Exposition rétrospective des colonies françaises de l’Amérique du Nord, Paris, Société d’éditions géographiques, maritimes et coloniales, 1929; Jean PALARDY, Les meubles anciens du Canada français, Montréal, Cercle du livre de France, 1971. Voir aussi Conrad SWAN, « The Beaver and the Maple Leaf in Heraldry » dans The Coat of Arms, vol. 10, no 75 (juill. 1968), p. 99. J’ai également cherché en vain des exemples de feuilles d’érable remontant à la Nouvelle-France ou au XVIIIe siècle (après 1763) dans des expositions de musées, comme le Musée de la civilisation à Québec.
[1] SECRÉTAIRE D’ÉTAT DU CANADA, The National Flag of Canada / Le drapeau national du Canada, Ottawa, Imprimeur de la Reine, 1966, s.p.
[2] MINISTÈRE DU SECRÉTARIAT DU CANADA, The Arms, Flags and Floral Emblems of Canada / Les armoiries, drapeaux et emblèmes floraux du Canada, Ottawa, Imprimeur de la Reine, 1967, p. 12.
[3] MINISTÈRE DU PATRIMOINE CANADIEN, Les symboles du Canada, Ottawa, Travaux publics …, 1999, p. 10.
[4] Bruce PEEL, « Emblems of Canada » dans The Canadian Encyclopedia, vol. 1, Edmonton, Hurtig Publishers, 1985, p. 566; Michel LESSARD, Objets anciens du Québec. La vie domestique, Les Éditions de l’Homme, 1994, p. 204; http://www.fraser.cc/FlagsCan/Nation/NatSym.html#r10 citant The Canadian Encyclopedia; Rick ARCHBOLD, I Stand for Canada, The Story of the Maple Leaf Flag, Toronto, Macfarlane Walter and Ross, [2002], p. 37.
[5] H.-J.-J.-B. CHOUINARD, Fête nationale des Canadiens-Français célébrée à Québec en 1880, Québec, Imprimerie A. Côté, 1881, p. 14 : https://archive.org/details/ftenationalede00chouuoft. Benjamin Sulte est l’auteur du premier chapitre intitulé « Les origines de la Saint-Jean-Baptiste ». Dans son Histoire des Canadiens-Français 1608-1880, (vol. 3, Montréal, Wilson & Cie, 1882, p. 133 : https://archive.org/details/cihm_24444), Sulte écrit à peu près la même chose : « Rare partout ailleurs, l’érable a dû frapper agréablement les découvreurs du Canada. On peut supposer que les colons français lui prêtèrent une attention particulière et s’accoutumèrent à le regarder comme l’arbre canadien par excellence. »
[6] Benjamin SULTE, « Le pavillon canadien » dans Bulletin de la Société normande de géographie, t. 17, Rouen, Imprimerie de Espérance Cagniard, 1895, p. 309.
[7] Janet CARNOCHAN, « The Origin of the Maple Leaf as the Emblem of Canada » dans Ontario Historical Society Papers and Records, vol. 7 (1906), p. 139-141 : https://archive.org/stream/papersrecordsontv78onta#page/n281/mode/2up.
[8] Reuben Gold THWAITES, éd., The Jesuit Relations and Allied Documents …, Cleveland, The Burrows Brothers Company, relation de 1634, vol. 6, p. 272, relation de 1671, vol. 56, p. 100; Pierre BOUCHER, Histoire véritable et naturelle des mœurs et productions du pays de la Nouvelle-France vulgairement dite le Canada, Paris, Florentin Lambert, 1664, p. 44-45; Marc LESCARBOT, Histoire de la Nouvelle-France, Paris, Adrian Perrier, 1617, p. 343; Louis-Armand de LOM d’ARCE de LAHONTAN, Mémoires de l’Amérique septentrionale, ou la suite des voyages de Mr le Baron de Lahontan, t. 2, La Haye, les Frères l’Honoré, 1703, p. 59-60; Joseph-François LAFITAU, Mœurs des Sauvages amériquains, comparées aux mœurs des premiers temps, vol. 2, Paris, Saugrain l’aîné et Charles Estienne Hochereau, 1724, explication des planches et figures (planche VII) et p. 154-155; Pierre-François-Xavier de CHARLEVOIX, Journal d’un voyage fait par ordre du roi dans l’Amérique septentrionnale, Paris, Nyon Fils, 1744, p. 121-123; Pierre KALM, « Voyage de Kalm en Amérique analysé et traduit par L. W. Marchand » (récit de 1749) dans Mémoires de la Société historique de Montréal, 1880, p. 224; Jean-Bernard BOSSU, Nouveaux voyages aux Indes Occidentales, vol.1, 2e éd., Paris, Le Jay, 1768, p. 216-217. D’après Agathe de Saint-Père (Mme Legardeur de Repentigny), la production de sucre sur la seule île de Montréal était de 30 000 livres en 1706 : rapport de Rigaud de Vaudreuil et Jacques Raudot au ministre, 5 octobre 1706, cité dans Joseph-Noël FAUTEUX, Essai sur l'industrie au Canada sous le régime français, vol. 2, Québec, Ls-A. Proulx, 1927, p. 395-396. Louis Nicolas, un missionnaire jésuite qui séjourna en Nouvelle-France de 1664 à 1674, rapporte qu’on exportait des barriques de cendre d’érable en Europe pour faire la lessive et que ce produit se vendait très cher. Voir [Louis NICOLAS], Histoire Naturelle : ou la fidèle recherche de tout ce qu'il y a de rare dans les Indes occidentales..., Bibliothèque Nationale de France, manuscrit français 24225, fol. 35-36. Bibliothèque et Archives Canada en possèdent le microfilm, bobine F-567, et une transcription dactylographiée MG 7 I A2, vol. 24225. François-Marc GAGNON, Nancy SENIOR et Réal OUELLET ont publié une version éditée du manuscrit de Nicolas sous le titre The Codex Canadensis and the Writings of Louis Nicolas, Montréal et Kingston, McGill-Queen’s University Press, 2011. L’érable est décrit en français d’après le manuscrit de Nicolas aux pages 426-427. Nicolas signale aussi que la feuille de l’érable a la forme d’un pied d’oie, ce qui semble être l’un des rares commentaires sur la forme de la feuille au temps de la Nouvelle-France encore que la comparaison au pied d’oie provenait de l’Europe et précédait Nicolas. Voir Jacques DALECHAMPS et Jean DESMOULINS, Histoire générale des plantes…, vol.1, Lyon, Philip. Borde, Laur. Arnaud et Cl. Rigaud, 1653, p. 79.
[9] Auguste VACHON, « L’Amérindien stéréotypé en héraldique canadienne : son évolution en regard de l’image imprimée » : http://heraldicscienceheraldique.com/lrsquoameacuterindien-steacutereacuteotypeacute-en-heacuteraldique-canadienne--son-eacutevolution-en-regard-de-lrsquoimage-imprimeacutee.html; Jos. LEROUX, Le Médailler du Canada / The Canadian Coin Cabinet, Montréal, Beauchemin et Fils, 1888, p. 1-4. Les cartes géographiques où l’Amérindien symbolise le Nouveau-Monde sont abondantes. On en retrouve un bon échantillon dans les ouvrages suivants : Derek HAYES, Historical Atlas of Canada, Vancouver, Douglas & McIntyre, 2002, p. 26-29, 33, 54, 56, 61-62, 64, 66-68; John GOSS, The Mapping of North America, Three centuries of map-making 1500-1860, Secaucus (New Jersey), Wellfleet Press, 1990, p. 18-19, 26-29, 58-59, 62-65, 68-69, 72-75, 90-91, 96-97, 106-107, 110-113, 116-119, 130-131.
[10] Dans son ouvrage, La Noblesse de la Nouvelle-France (Québec, Éditons Hurtubise, 1991, p. 167), Lorraine GADOURY énumère les anoblis canadiens suivant : Robert Giffard, Pierre Boucher de Boucherville, Simon Denys de La Trinité, Jean Godefroy de Linctot (Lintot), Charles Le Moyne de Longueuil, Nicolas Dupont de Neuville, René-Robert Cavelier de La Salle, Nicolas Juchereau de St-Denis, Charles Aubert de La Chesnaye, Jacques Leber et François Hertel. Leurs armoiries sont connues sauf pour Robert Giffart qui ne s’est peut-être pas doté d’armoiries. La noblesse de Louis Couillard de Lespinay est confirmée par lettres du roi datées de 1668, mais il semble bien que Guillaume Couillard de Lespinay et son frère Charles Couillard de Beaumont ont aussi été anoblis (voir
http://heraldicscienceheraldique.com/les-armoiries-personnelles-en-nouvelle-france.html, note 43 et la section 2.1 Les brisures). En 1761, Paul Raimbaut de Saimblin obtenait des armoiries d’un juge d’armes de France pour son père Pierre Raimbault. En 1787, Michel Chartier de Lotbinière demandait à un juge d’armes de France de modifier ses armoiries (voir http://heraldicscienceheraldique.com/les-armoiries-personnelles-au-queacutebec.html, section 1. Continuité de l’héraldique française). Le roturier Antoine Laumet dit de Lamothe Cadillac, a assumé lui-même ses armoiries, mais nous ne savons pas s’il l’a fait avant ou après sa venue au Canada (voir http://heraldicscienceheraldique.com/les-armoiries-personnelles-en-nouvelle-france.html, section 1.3 Un cas de libre adoption). Daniel Cogné signale trois sceaux armoriés bourgeois du temps de la Nouvelle-France : Pierre André de Leigne, François-Mathieu Martin de Lino et Claude-Gabriel Walon de Messy. Mais là encore, nous ne savons pas si les armoiries ornant les sceaux on été conçues au Canada ou s’il s’agit d’armoiries de familles provenant de la France (voir Daniel COGNÉ, « Cachets armoriés de Nouvelle-France », dans Heraldry in Canada / L’Héraldique au Canada, vol. 27, no 1 (mars 1993), p. 18-22). On ne doit pas, comme on l’a fait parfois, compter Antoine Pécaudy de Contrecœur parmi les anoblis de la Nouvelle-France car ses lettres de noblesse datent de 1661 et il n’est passé au Canada qu’en 1665. On a contesté l’authenticité de sa noblesse en raison « des défauts de concordance dans les dates et lieux cités » (voir sa biographie dans le Dictionnaire biographique du Canada). En effet, ses lettres de noblesse sont authentiques. Lorsque Pécaudy de Contrecœur demande l’enregistrement de ses lettres au Conseil souverain de la Nouvelle-France en 1687, il explique qu’il les avait confiées à son neveu en France pour les faire enregistrer, comme il se doit, à plusieurs endroits comme à la Chambre des comptes et à une cour des aides. Après son mariage, il avait demandé qu’on lui fasse parvenir ses lettres au Canada ce qui a été fait avec beaucoup de retard. Quoiqu’il en soit, les membres du Conseil souverain ont vu les lettres « … signées Louis, et sur le reply par le Roy Daufin, Le Tellier, [Michel Le Tellier, secrétaire d’État] et scellées sur lacs de soye rouge et verte, de cire verte … » (voir Pierre-Georges ROY, Lettres de noblesse, généalogies, érections de comtés et baronnies insinuées par le Conseil souverain de la Nouvelle-France, vol. 1, Beauceville, l’Éclaireur, 1920, p. 105-110). Pour forger un document signé par le roi, par le dauphin et par le secrétaire d’État et scellé d’un sceau royal à deux faces appendu au document par des lacs, il aurait fallu des moyens qui dépassaient de loin ceux que Pécaudy de Contrecœur pouvait mettre en œuvre. En résumé, on constate que 14 canadiens ont obtenu des armoiries de France au temps de la Nouvelle-France et que l’un d’eux, Chartier de Lotbinière, a demandé une modification à ses armoiries en 1787, ce qui donne un total d’au moins quinze. Aucune des ces personnes n’a pensé à la feuille d’érable et on ne connaît pas d’armoiries du temps de la Nouvelle-France qui arborent la feuille d’érable.
[11] Je n’ai pas retrouvé d’exemple de la feuille d’érable comme élément décoratif avant le début du XIXe siècle, notamment sur une médaille de Robert Cruickshank qui date d’avant octobre 1807 (voir le chapitre sur la feuille d’érable du présent ouvrage). Entre autres, j’ai consulté les ouvrages suivants : Jean TRUDEL, L’orfèvrerie en Nouvelle-France, Ottawa, Galerie nationale du Canada, 1974; A.B. McCULLOUGH, La Monnaie et le change au Canada des premiers temps jusqu’à 1900, Ottawa, Direction des lieux et des parcs historiques nationaux, 1987; Michel LESSARD, Objets anciens du Québec…, op. cit; Idem, Antiquités du Québec. Objets anciens, vie sociale et culturelle, Les Éditions de l’Homme, 1995; Idem, Meubles anciens du Québec, Les Éditions de l’Homme, 1999; M. A.-Léo LEYMARIE, Exposition rétrospective des colonies françaises de l’Amérique du Nord, Paris, Société d’éditions géographiques, maritimes et coloniales, 1929; Jean PALARDY, Les meubles anciens du Canada français, Montréal, Cercle du livre de France, 1971. Voir aussi Conrad SWAN, « The Beaver and the Maple Leaf in Heraldry » dans The Coat of Arms, vol. 10, no 75 (juill. 1968), p. 99. J’ai également cherché en vain des exemples de feuilles d’érable remontant à la Nouvelle-France ou au XVIIIe siècle (après 1763) dans des expositions de musées, comme le Musée de la civilisation à Québec.