I
Le tricolore de la France
À partir de 1854 jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, le tricolore de la France flotte au Québec et parfois ailleurs au Canada. Aux yeux de plusieurs Canadiens français, ce drapeau tel quel ou avec l’ajout de symboles du terroir pouvait constituer un emblème convenable pour leur collectivité. Éventuellement, il rivalise avec le Carillon-Sacré-Cœur que le Comité du drapeau réuni dans la ville de Québec adopte comme emblème national des Canadiens français, le 24 mars 1903. Alors que le Carillon-Sacré-Cœur connait une ascension progressive et se transforme pour devenir le drapeau actuel du Québec, le tricolore semble connaître des périodes de faveur suivies de moments de faible popularité provoqués, entre autres, par le fait incontournable qu’il s’agit de l’emblème d’un autre pays. Sa présence au Canada français donne naissance à certaines affirmations erronées ou douteuses qu’on ne cesse de répéter, parfois en leur donnant une tournure un peu différente d’un auteur à l’autre. Les Canadiens anglophones étalent aussi le tricolore accompagné de drapeaux britanniques. On pourrait croire qu’ils le déploient par sympathie pour la France ou en hommage à leurs concitoyens francophones alors que les Canadiens de souche française le brandissent par attachement à la France. À l’analyse, les raisons pour déferler le tricolore français au Canada se révèlent être multiples et pas toujours faciles à cerner.
Note
La majorité des illustrations sont des cartes postales acquises par mon épouse et moi. Cette documentation constitue la source iconographique la plus importante pour l’étude de l’héraldique de genre populaire au Canada. L’appendice comprend des descriptions et des liens internet donnant accès à de nombreuses illustrations de L’opinion publique et du Canadian Illustrated News de 1869 à 1883.
La majorité des illustrations sont des cartes postales acquises par mon épouse et moi. Cette documentation constitue la source iconographique la plus importante pour l’étude de l’héraldique de genre populaire au Canada. L’appendice comprend des descriptions et des liens internet donnant accès à de nombreuses illustrations de L’opinion publique et du Canadian Illustrated News de 1869 à 1883.
1. L’apparition du tricolore au Québec
Un article dans la presse du 10 avril 1920 affirmait « En 1849, dans un concert à Montréal, l’apparition du tricolore accompagné du chant de la Marseillaise, causera une catastrophe dans laquelle s’engloutira la plus belle hôtellerie de la métropole, le Donegani Hotel [1]. » La même assertion est reprise par certains auteurs [2]. Notons tout d’abord que l’hôtel en question, sis à l'intersection des rues Notre-Dame et Bonsecours à Montréal, ne se nommait pas Donegani, mais Donegana d’après son propriétaire Jean-Marie Donegana. L’établissement jouissait d’une grande renommée en Amérique et même en Europe. L’attribution de sa perte à un affrontement entre francophones et anglophones provenait d’un article d’Hector Berthelot paru dans La Patrie en 1885 où il décrit un concert mettant en vedette M. et Mme Laborde et M. Tofanelli dans la soirée du 26 avril 1849, le jour après la sanction de la loi d'indemnisation des habitants du Bas-Canada par le gouverneur général Elgin qui avait provoqué une émeute et l’incendie du Parlement canadien à Montréal :
« À la fin du concert un groupe de jeunes libéraux à la tête desquels était M. Sabin Têtu demanda à M. Laborde de chanter La Marseillaise. Lorsque l’artiste parut sur l’estrade le drapeau tricolore à la main et entonna le premier couplet de l’hymne patriotique de la France, les “ tories ” dont la francophobie était chauffée à blanc depuis l’incendie du parlement protestèrent par des sifflets, des huées et des hurlements. Il y eut une rixe dans l’auditoire, pendant laquelle les énergumènes de la bureaucratie mirent le feu à l’hôtel. Le magnifique édifice fut détruit de fond en comble [3]. »
Ce témoignage contient beaucoup de faussetés. Les artistes mentionnés avaient donné leur concert au Donegana du 18 au 20 juillet et le 4 août. La rixe s’était soldée par un échange de taloches et de coups de pieds [4]. L’incendie de l’hôtel se produisait un peu après minuit le 16 août et non le 26 avril comme le prétend Berthelot et était sans doute le geste d’émeutiers incendiaires qui couraient les rues la nuit. Parmi les grands journaux de l’époque qui décrivent le sinistre, aucun ne fait mention d’une scène impliquant le tricolore et La Marseillaise. La Minerve jette le blâme sur des fauteurs de troubles, Le Canadien rapporte une rumeur impliquant des brigands alors que The Quebec Mercury n’y voit que des causes accidentelles [5].
Notons aussi que brandir le tricolore en chantant La Marseillaise à la fin d’un concert constitue un geste théâtral. S’il a vraiment eu lieu à un moment ou un autre, on ne peut conclure qu’il s’agissait d’un événement répété. Un ouvrage de 1974 sur le drapeau du Québec réaffirme la présence du tricolore en 1844, arboré cette fois par la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal, et laisse entendre que l’Institut canadien arborait à répétition le tricolore français en chantant La Marseillaise, du moins en 1849 :
«De son côté, dès 1844, la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal avait arboré les trois couleurs françaises, suivie en cela par l’Institut canadien fondé la même année. Animés des idées républicaines de la France contemporaine, les membres les diffusèrent tant et si bien qu’en 1849 on les hissait à Montréal en chantant La Marseillaise [6]. »
Un témoignage précédant, allait dans le même sens :
« L’Institut canadien se fonde à Montréal (1844). Il deviendra rapidement un foyer d’idées démocratiques, républicaines, annexionnistes même. La France contemporaine sera son idéal, et la plupart de ses adeptes pousseront à l’adoption du tricolore français. [7]. »
Depuis 1830, Louis-Philippe 1er, qui se désignait roi des Français et avait restauré le tricolore, régnait sur la France comme roi d’une monarchie parlementaire ou constitutionnelle semblable à la Grande-Bretagne. Le 24 février 1848, les événements le contraignaient à abdiquer et la Deuxième République était proclamée. La presse canadienne avait d’abord accueilli avec prudence l’avènement de ce nouveau régime. Elle se demandait si la nouvelle république allait connaître des représailles de la part d’autres pays européens ainsi que les excès et l’anarchie qui avaient gâté la Première République? Lorsque l’Angleterre, les États-Unis, la Belgique et la Suisse reconnurent le nouveau régime qui se révélait modéré, la presse canadienne se montrait rassurée et parfois élogieuse [8]. La république ne tarda pas à se confronter à la classe ouvrière qui arborait un drapeau rouge: 7 mars, manifestation pacifique des ouvriers devant l’Hôtel de Villes; 15 mai, assaut de l’Assemblée entraînant la dissolution des ateliers nationaux établis le 26 février pour créer de l’emploi; 22-24 juin, répression sanglante d’une insurrection de la classe ouvrière parisienne. Le 10 décembre 1848, le prince Louis-Napoléon Bonaparte, qui allait bientôt devenir empereur des Français, était élu 1er président de la république grâce en partie aux souvenirs que la population gardait de son oncle Napoléon 1er. Au Canada, l’année 1848 marquait l’instauration d’un gouvernement responsable, c’est-à-dire plus démocratique. L’évolution rapide de la nouvelle république vers un régime qui réprimait les classes populaires ne pouvait qu’éveiller des doutes chez les Canadiens, particulièrement parmi ceux qui s’attachaient à l’idéologie républicaine comme source de démocratie et de liberté et qui étaient le plus enclins à vouloir déployer le tricolore de la France.
Les assertions voulant qu’on ait arboré le tricolore français au Québec dans les années 1840 vont à l’encontre de celle de Benjamin Sulte à l’effet que « Depuis l’automne de 1760 où partirent les troupes françaises, jusqu’à l’été de 1854, aucun drapeau de la France ne flotta sur les bords du Saint-Laurent et les Canadiens-Français n’en connurent pas d’autres que celui de l’Angleterre même aux fêtes de la Saint-Jean-Baptiste [9]. »
Les armoiries de l’Institut canadien, qu’on disait avoir arboré le tricolore dans les années 1840, se composaient « d’une ruche entourée d’abeilles, surmontant un castor et des feuilles d’érable, et des devises Altius Tendimus [Nous tendons plus haut] ― Travail et Concorde [10]. » Ces armoiries, on ne peut plus canadiennes, attestent que l’Institut n’était pas à la remorque de la France en ce qui concerne sa symbolique et pouvait très bien avoir conçu un drapeau bien à lui, reproduisant peut-être ses armoiries. La description des drapeaux étalés lors de l’inauguration de l’édifice de l’Institut le 17 décembre 1866 est révélatrice « Au-dessus de l’estrade, les pavillons français, anglais et américain; au-dessus de la tribune un superbe drapeau » [11]. Vraisemblablement ce « superbe drapeau » était celui de l’Institut qu’on prend soin de distinguer des trois autres drapeaux. Le fait de mettre l’un à côté de l’autre les emblèmes nationaux de la France, de la Grande-Bretagne et des États-Unis signifie assurément que ces drapeaux représentaient les trois pays et non l’Institut.
En 1897, quelques observations par Louis-Joseph-Amédée Papineau répondant à Olivier [pseudonyme de Benjamin Sulte, voir note 17] affirment que la Société Saint-Jean-Baptiste avait adopté le tricolore de la France en 1844 :
« Ce ne fut qu’en 1844, lorsque les sociétés Saint-Jean-Baptiste ressuscitèrent, que la minorité vota pour le tricolore canadien et que la majorité vota pour le tricolore de France, qui fut dès lors, et alors seulement, arboré en toutes occasions, même sur les tours royalistes de Notre-Dame de Montréal [12]. »
Le notaire Louis-Joseph-Amédée, né en 1819, avait 25 ans en 1844 et s’intéressait sans doute à ces questions d’identité, ayant participé avec son père Louis-Joseph Papineau aux rébellions de 1837-1838. À la suite de ces événements, il s’était exilé aux États-Unis avec son père pour ensuite séjourner en France et ne revint au Canada qu’en 1846. Donc il n’était pas là en 1844, ce qui signifie qu’il cite de seconde main, probablement par ouï-dire, les faits qu’il rapporte en 1897 (voir note 12), 37 ans plus tard. Ce témoignage semble peu fiable, d’autant plus que les règlements de 1868, 1878 et 1886 de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal ne font aucune mention du tricolore dans leurs défilés :
« 47o La principale bannière de l’Association est de couleur blanche et verte, ayant sur un côté l’image de St. Jean-Baptiste, entourée d’une guirlande de feuilles d’érable avec un castor et la devise tirée de l’Écriture : “RENDRE LE PEUPLE MEILLEUR, ” et sur le revers les armes de l’Association avec l’inscription : Association St. Jean-Baptiste de Montréal. »
« 49o Chaque section pourra avoir une ou plusieurs bannières distinctives de même que drapeaux avec inscriptions, emblèmes ou devises [13]. »
Alors que les règlements de Montréal ne mentionnent pas de tricolore ni pour la Société ni pour ses sections, la situation est différente pour la Société de Québec. Ses statuts de 1888 admettent le tricolore sans mentionner la France :
« Art. 53.―La bannière principale de la Société sera de couleur blanche, et portera représentés : St-Jean-Baptiste et un Castor, entourés d’une guirlande de feuilles d’érable, avec l’inscription : Société St-Jean-Baptiste de Québec et la devise : Nos Institutions, notre langue et nos Lois. »
« Art. 54.―Le Drapeau de la Société sera formé des trois couleurs, bleu, blanc et rouge, disposées verticalement [14]. »
Les statuts et règlements de la Société de Montréal de 1868 à 1886 ne confirment aucunement le vote de 1844 en faveur du drapeau de la république française tel que rapporté par Amédée Papineau. Néanmoins dès les années 1870, et peut-être plusieurs années avant, le tricolore français figurait au sein des défilés de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal et sans doute aussi dans ceux de Québec. Ceci est confirmé par plusieurs illustrations de L'opinion publique et du Canadian Illustrated News (voir l'appendice dont les numéros 4 et 7 illustrent les processions de la Saint-Jean-Baptiste).
Un article dans la presse du 10 avril 1920 affirmait « En 1849, dans un concert à Montréal, l’apparition du tricolore accompagné du chant de la Marseillaise, causera une catastrophe dans laquelle s’engloutira la plus belle hôtellerie de la métropole, le Donegani Hotel [1]. » La même assertion est reprise par certains auteurs [2]. Notons tout d’abord que l’hôtel en question, sis à l'intersection des rues Notre-Dame et Bonsecours à Montréal, ne se nommait pas Donegani, mais Donegana d’après son propriétaire Jean-Marie Donegana. L’établissement jouissait d’une grande renommée en Amérique et même en Europe. L’attribution de sa perte à un affrontement entre francophones et anglophones provenait d’un article d’Hector Berthelot paru dans La Patrie en 1885 où il décrit un concert mettant en vedette M. et Mme Laborde et M. Tofanelli dans la soirée du 26 avril 1849, le jour après la sanction de la loi d'indemnisation des habitants du Bas-Canada par le gouverneur général Elgin qui avait provoqué une émeute et l’incendie du Parlement canadien à Montréal :
« À la fin du concert un groupe de jeunes libéraux à la tête desquels était M. Sabin Têtu demanda à M. Laborde de chanter La Marseillaise. Lorsque l’artiste parut sur l’estrade le drapeau tricolore à la main et entonna le premier couplet de l’hymne patriotique de la France, les “ tories ” dont la francophobie était chauffée à blanc depuis l’incendie du parlement protestèrent par des sifflets, des huées et des hurlements. Il y eut une rixe dans l’auditoire, pendant laquelle les énergumènes de la bureaucratie mirent le feu à l’hôtel. Le magnifique édifice fut détruit de fond en comble [3]. »
Ce témoignage contient beaucoup de faussetés. Les artistes mentionnés avaient donné leur concert au Donegana du 18 au 20 juillet et le 4 août. La rixe s’était soldée par un échange de taloches et de coups de pieds [4]. L’incendie de l’hôtel se produisait un peu après minuit le 16 août et non le 26 avril comme le prétend Berthelot et était sans doute le geste d’émeutiers incendiaires qui couraient les rues la nuit. Parmi les grands journaux de l’époque qui décrivent le sinistre, aucun ne fait mention d’une scène impliquant le tricolore et La Marseillaise. La Minerve jette le blâme sur des fauteurs de troubles, Le Canadien rapporte une rumeur impliquant des brigands alors que The Quebec Mercury n’y voit que des causes accidentelles [5].
Notons aussi que brandir le tricolore en chantant La Marseillaise à la fin d’un concert constitue un geste théâtral. S’il a vraiment eu lieu à un moment ou un autre, on ne peut conclure qu’il s’agissait d’un événement répété. Un ouvrage de 1974 sur le drapeau du Québec réaffirme la présence du tricolore en 1844, arboré cette fois par la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal, et laisse entendre que l’Institut canadien arborait à répétition le tricolore français en chantant La Marseillaise, du moins en 1849 :
«De son côté, dès 1844, la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal avait arboré les trois couleurs françaises, suivie en cela par l’Institut canadien fondé la même année. Animés des idées républicaines de la France contemporaine, les membres les diffusèrent tant et si bien qu’en 1849 on les hissait à Montréal en chantant La Marseillaise [6]. »
Un témoignage précédant, allait dans le même sens :
« L’Institut canadien se fonde à Montréal (1844). Il deviendra rapidement un foyer d’idées démocratiques, républicaines, annexionnistes même. La France contemporaine sera son idéal, et la plupart de ses adeptes pousseront à l’adoption du tricolore français. [7]. »
Depuis 1830, Louis-Philippe 1er, qui se désignait roi des Français et avait restauré le tricolore, régnait sur la France comme roi d’une monarchie parlementaire ou constitutionnelle semblable à la Grande-Bretagne. Le 24 février 1848, les événements le contraignaient à abdiquer et la Deuxième République était proclamée. La presse canadienne avait d’abord accueilli avec prudence l’avènement de ce nouveau régime. Elle se demandait si la nouvelle république allait connaître des représailles de la part d’autres pays européens ainsi que les excès et l’anarchie qui avaient gâté la Première République? Lorsque l’Angleterre, les États-Unis, la Belgique et la Suisse reconnurent le nouveau régime qui se révélait modéré, la presse canadienne se montrait rassurée et parfois élogieuse [8]. La république ne tarda pas à se confronter à la classe ouvrière qui arborait un drapeau rouge: 7 mars, manifestation pacifique des ouvriers devant l’Hôtel de Villes; 15 mai, assaut de l’Assemblée entraînant la dissolution des ateliers nationaux établis le 26 février pour créer de l’emploi; 22-24 juin, répression sanglante d’une insurrection de la classe ouvrière parisienne. Le 10 décembre 1848, le prince Louis-Napoléon Bonaparte, qui allait bientôt devenir empereur des Français, était élu 1er président de la république grâce en partie aux souvenirs que la population gardait de son oncle Napoléon 1er. Au Canada, l’année 1848 marquait l’instauration d’un gouvernement responsable, c’est-à-dire plus démocratique. L’évolution rapide de la nouvelle république vers un régime qui réprimait les classes populaires ne pouvait qu’éveiller des doutes chez les Canadiens, particulièrement parmi ceux qui s’attachaient à l’idéologie républicaine comme source de démocratie et de liberté et qui étaient le plus enclins à vouloir déployer le tricolore de la France.
Les assertions voulant qu’on ait arboré le tricolore français au Québec dans les années 1840 vont à l’encontre de celle de Benjamin Sulte à l’effet que « Depuis l’automne de 1760 où partirent les troupes françaises, jusqu’à l’été de 1854, aucun drapeau de la France ne flotta sur les bords du Saint-Laurent et les Canadiens-Français n’en connurent pas d’autres que celui de l’Angleterre même aux fêtes de la Saint-Jean-Baptiste [9]. »
Les armoiries de l’Institut canadien, qu’on disait avoir arboré le tricolore dans les années 1840, se composaient « d’une ruche entourée d’abeilles, surmontant un castor et des feuilles d’érable, et des devises Altius Tendimus [Nous tendons plus haut] ― Travail et Concorde [10]. » Ces armoiries, on ne peut plus canadiennes, attestent que l’Institut n’était pas à la remorque de la France en ce qui concerne sa symbolique et pouvait très bien avoir conçu un drapeau bien à lui, reproduisant peut-être ses armoiries. La description des drapeaux étalés lors de l’inauguration de l’édifice de l’Institut le 17 décembre 1866 est révélatrice « Au-dessus de l’estrade, les pavillons français, anglais et américain; au-dessus de la tribune un superbe drapeau » [11]. Vraisemblablement ce « superbe drapeau » était celui de l’Institut qu’on prend soin de distinguer des trois autres drapeaux. Le fait de mettre l’un à côté de l’autre les emblèmes nationaux de la France, de la Grande-Bretagne et des États-Unis signifie assurément que ces drapeaux représentaient les trois pays et non l’Institut.
En 1897, quelques observations par Louis-Joseph-Amédée Papineau répondant à Olivier [pseudonyme de Benjamin Sulte, voir note 17] affirment que la Société Saint-Jean-Baptiste avait adopté le tricolore de la France en 1844 :
« Ce ne fut qu’en 1844, lorsque les sociétés Saint-Jean-Baptiste ressuscitèrent, que la minorité vota pour le tricolore canadien et que la majorité vota pour le tricolore de France, qui fut dès lors, et alors seulement, arboré en toutes occasions, même sur les tours royalistes de Notre-Dame de Montréal [12]. »
Le notaire Louis-Joseph-Amédée, né en 1819, avait 25 ans en 1844 et s’intéressait sans doute à ces questions d’identité, ayant participé avec son père Louis-Joseph Papineau aux rébellions de 1837-1838. À la suite de ces événements, il s’était exilé aux États-Unis avec son père pour ensuite séjourner en France et ne revint au Canada qu’en 1846. Donc il n’était pas là en 1844, ce qui signifie qu’il cite de seconde main, probablement par ouï-dire, les faits qu’il rapporte en 1897 (voir note 12), 37 ans plus tard. Ce témoignage semble peu fiable, d’autant plus que les règlements de 1868, 1878 et 1886 de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal ne font aucune mention du tricolore dans leurs défilés :
« 47o La principale bannière de l’Association est de couleur blanche et verte, ayant sur un côté l’image de St. Jean-Baptiste, entourée d’une guirlande de feuilles d’érable avec un castor et la devise tirée de l’Écriture : “RENDRE LE PEUPLE MEILLEUR, ” et sur le revers les armes de l’Association avec l’inscription : Association St. Jean-Baptiste de Montréal. »
« 49o Chaque section pourra avoir une ou plusieurs bannières distinctives de même que drapeaux avec inscriptions, emblèmes ou devises [13]. »
Alors que les règlements de Montréal ne mentionnent pas de tricolore ni pour la Société ni pour ses sections, la situation est différente pour la Société de Québec. Ses statuts de 1888 admettent le tricolore sans mentionner la France :
« Art. 53.―La bannière principale de la Société sera de couleur blanche, et portera représentés : St-Jean-Baptiste et un Castor, entourés d’une guirlande de feuilles d’érable, avec l’inscription : Société St-Jean-Baptiste de Québec et la devise : Nos Institutions, notre langue et nos Lois. »
« Art. 54.―Le Drapeau de la Société sera formé des trois couleurs, bleu, blanc et rouge, disposées verticalement [14]. »
Les statuts et règlements de la Société de Montréal de 1868 à 1886 ne confirment aucunement le vote de 1844 en faveur du drapeau de la république française tel que rapporté par Amédée Papineau. Néanmoins dès les années 1870, et peut-être plusieurs années avant, le tricolore français figurait au sein des défilés de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal et sans doute aussi dans ceux de Québec. Ceci est confirmé par plusieurs illustrations de L'opinion publique et du Canadian Illustrated News (voir l'appendice dont les numéros 4 et 7 illustrent les processions de la Saint-Jean-Baptiste).
2. Des affirmations surprenantes
L’idée d’une imposition du tricolore de la France au Canada français par les Anglais germe dans la tête de Sulte lorsque la compagnie de transport maritime canado-écossaise nommée Allan Line adopte un tricolore : « Au printemps de 1854, un traité d’alliance fut signé entre la France et l’Angleterre; en même temps, la compagnie de paquebots Allan obtenait ses lettres patentes et choisissait pour marque de ses vaisseaux le pavillon tricolore posé chacune des trois couleurs à la hampe [15]. » D’après cette description, les trois couleurs toucheraient à la hampe, ce qui voudrait dire qu’elles étaient à l’horizontale, mais ce n’était pas le cas. Elles étaient disposées verticalement comme celles de la France, mais rouge, blanc, bleu sur le tricolore d’Allan Line et bleu, blanc, rouge sur celui de la France. Plus tard, Sulte corrigera cette erreur : « … les directeurs furent frappés d’une idée lumineuse : adoptons, se dirent-ils, les trois couleurs françaises, en changeant de place le bleu et le rouge … » [16].
Ce n’est pas parce qu’un drapeau présente les mêmes couleurs qu’un autre qu’il y a obligatoirement imitation. Dans un article précédent, j’ai démontré que plusieurs pays arborent des drapeaux identiques sauf pour quelques nuances de couleurs ou variantes de proportions [17]. Parfois aussi l’ordre des couleurs est inversé comme c’est le cas pour le drapeau d’Allan Line vis-à-vis celui de la France. Si des pays peuvent adopter des drapeaux presque identiques alors qu’il est essentiel de se faire reconnaître instantanément par d’autres pays, surtout en situation de crise comme une guerre, il n’est pas particulièrement surprenant qu’une compagnie maritime ait choisi les mêmes couleurs que la France dans un ordre différent sans pour autant avoir voulu calquer son tricolore.
Un exemple illustre bien le fait qu’il peut y avoir coïncidence entre deux emblèmes sans qu’il y ait nécessairement de rapport l’un avec l’autre. Dans les années 1930 et 1940, des avions appelés Hawker Hurricane, fabriqués surtout en Angleterre mais aussi au Canada, portaient sur la dérive (aileron arrière) les couleurs rouge, blanc, bleu en bandes verticales formant un rectangle, exactement les mêmes couleurs et dans le même ordre qu’Allan Line. Pourtant il n’y avait aucun rapport entre cette compagnie et la France pas plus qu’entre Hawker Hurricane et Allan Line. De fait, les trois couleurs provenaient de l’insigne de la Royal Air Force (fig. 32). Les couleurs d’Allan Line pouvaient aussi bien s’inspirer du White Ensign de la marine royal britanniques, de l’Union Jack ou même de l’ancien Red Ensign écossais puisque ces trois pavillons affichent uniquement du rouge, du blanc et du bleu.
Sulte lui-même finira par admette qu’on ne confondrait pas normalement le pavillon d’Allan Line avec le tricolore de la France :
« Le premier pavillon tricolore nous fut apporté en 1854 par les navires de la ligne Allan qui l’avait adopté comme signe particulier de leur compagnie, et encore faut-il remarquer leur manière de poser chacune des trois couleurs, de sorte que l’on ne saurait prendre celles de la France pour celles de la ligne Allan, et VICE VERSA [18]. »
Mais Sulte ne démordait pas de l’idée que le tricolore faisait l’objet d’une imposition des Canadiens anglais aux Canadiens français :
« En 1854, nous n'avions pas encore de couleurs nationales lorsque les Anglais nous imposèrent le tricolore de la révolution française, parce que Napoléon III s'alliait à l'Angleterre contre la Russie. Jusqu'à 1870, les Anglais firent un grand déploiement de ces trois couleurs et les Canadiens-français prirent l'habitude de les étaler dans leurs fêtes. La guerre franco-prussienne décida les Anglais à supprimer tout ce qui rappelait Napoléon III qui les avait tirés d'affaire en Crimée, mais les Canadiens-français adoptèrent alors résolument l'enseigne proscrite [19]. »
Il précise les raisons pour lesquelles les Canadiens anglais auraient pris en aversion le tricolore de la France :
« Vous savez ce qui arriva en 1870 lorsque les journaux anglais de ce pays injuriaient la France dans tous leurs numéros et que la population anglaise cessa brusquement d’arborer le tricolore à côté du drapeau britannique? Les Canadiens-français épousèrent ouvertement les couleurs proscrites et depuis lors, ils n’ont pas cessé de les regarder comme étant les leurs [20]. »
Ses reproches se poursuivent :
« Eh bien! ce drapeau, dont vous ne voulez plus, ne nous le reprochez pas. Vous avez été les premiers à l’introduire ici. Il fallait vous en abstenir puisque vous n’y croyiez que pour les besoins du moment [21]. »
La notion que les Canadiens anglophones auraient pu imposer le tricolore aux Québécois est particulièrement bizarre. Raoul Roy s’en étonne. Après avoir commenté les déclarations de Sulte dans ce sens, il écrit : « Encore une fois, il semble un peu forcé de prétendre que les Anglais nous imposèrent le tricolore français [22]. » Il serait en effet surprenant que les anglophones aient voulu promouvoir le nationalisme des Canadiens de souche française en les encourageant à arborer un drapeau qui pouvait éveiller des sentiments patriotiques liés à leurs origines et ancienne mère patrie. Par contre, ils pouvaient difficilement s’y opposer du fait qu’ils faisaient flotter partout les drapeaux de leur métropole auxquels ils ajoutaient parfois le tricolore de la France. L’Union Jack flottait aussi sur beaucoup d’édifices au Québec dont l’hôtel du Parlement jusqu’au début de 1948 (fig. 6, 8-9) [23].
Les Anglais ont-ils vraiment cessé d’arborer le tricolore français après la défaite et la capitulation de Napoléon III à Sedan le 2 septembre 1870? Dans l’immédiat, la presse canadienne anglaise attribuait l’échec des troupes françaises à l’incompétence militaire de l’empereur et la victoire des Allemands à l’efficacité des stratégies de Bismarck et à sa ténacité. Mais avec la misère et l’humiliation des Français provoquées par le siège de Paris et son occupation, la presse anglophone canadienne dépeignait de plus en plus les Prussiens comme des tyrans [24]. En 1904, Sulte prétendait toujours que les Anglais avaient délaissé le tricolore français après la chute de Napoléon III [25]. Il est fort possible qu’un manque d’enthousiasme se soit manifesté à partir de 1870, mais des documents iconographiques attestent que ce rejet n’était pas aussi net que Sulte l’affirme, s’il a réellement eu lieu.
Par exemple, on retrouve le tricolore de la France avec l’Union Jack au-dessus de la patinoire Victoria à Montréal en décembre 1871 lors de la visite du grand duc Alexis de Russie (appendice, no 25). La patinoire était une entreprise anglophone dans un quartier anglophone et pourtant le tricolore y flottait et ceci quelques mois après la chute de Napoléon III en septembre 1870 [26]. De même, le tricolore accompagne l’Union Jack sur l’un des pavillons de la première exposition d’agriculture et d’art du Dominion du Canada à Ottawa en 1879 (appendice no 21). Toujours en 1879, le tricolore figure avec le Red Ensign et le White Ensign sur une école à Ingersoll dans le Sud-Ouest de l’Ontario pendant la visite du marquis de Lorne et de la princesse Louise (appendice no 17). Dans L’Opinion publique et le Canadian Illustrated News de 1869 à 1883, des 35 gravures qui incluent le tricolore de la France, environ la moitié le montre dans un contexte nettement francophone comme les processions de la Société Saint-Jean Baptiste et de la Fête-Dieu, le retour des Zouaves (appendice nos 1- 2, 4-7) et des entreprises francophones (appendice nos 26-30). L’autre moitié des gravures l’insère dans des fêtes ou circonstances à caractère plutôt anglophone.
En 1882, le journal L’opinion publique publie un poème de Louis-Honoré Fréchette intitulé « 1870 » et daté du 22 février de la même année. Le poème exprime la sympathie des Canadiens francophones pour la France agonisante pendant la guerre franco-prussienne et leur désir de combattre pour elle. Un dessin d’Henri Julien en marge du poème montre deux tricolores français. Ce poème, traduit en anglais et publié avec le dessin dans le Canadian Illustrated News, démontre que les anglophones ne nourrissaient pas de rancune tenace contre la France et son tricolore (appendice no 35).
L’idée d’une imposition du tricolore de la France au Canada français par les Anglais germe dans la tête de Sulte lorsque la compagnie de transport maritime canado-écossaise nommée Allan Line adopte un tricolore : « Au printemps de 1854, un traité d’alliance fut signé entre la France et l’Angleterre; en même temps, la compagnie de paquebots Allan obtenait ses lettres patentes et choisissait pour marque de ses vaisseaux le pavillon tricolore posé chacune des trois couleurs à la hampe [15]. » D’après cette description, les trois couleurs toucheraient à la hampe, ce qui voudrait dire qu’elles étaient à l’horizontale, mais ce n’était pas le cas. Elles étaient disposées verticalement comme celles de la France, mais rouge, blanc, bleu sur le tricolore d’Allan Line et bleu, blanc, rouge sur celui de la France. Plus tard, Sulte corrigera cette erreur : « … les directeurs furent frappés d’une idée lumineuse : adoptons, se dirent-ils, les trois couleurs françaises, en changeant de place le bleu et le rouge … » [16].
Ce n’est pas parce qu’un drapeau présente les mêmes couleurs qu’un autre qu’il y a obligatoirement imitation. Dans un article précédent, j’ai démontré que plusieurs pays arborent des drapeaux identiques sauf pour quelques nuances de couleurs ou variantes de proportions [17]. Parfois aussi l’ordre des couleurs est inversé comme c’est le cas pour le drapeau d’Allan Line vis-à-vis celui de la France. Si des pays peuvent adopter des drapeaux presque identiques alors qu’il est essentiel de se faire reconnaître instantanément par d’autres pays, surtout en situation de crise comme une guerre, il n’est pas particulièrement surprenant qu’une compagnie maritime ait choisi les mêmes couleurs que la France dans un ordre différent sans pour autant avoir voulu calquer son tricolore.
Un exemple illustre bien le fait qu’il peut y avoir coïncidence entre deux emblèmes sans qu’il y ait nécessairement de rapport l’un avec l’autre. Dans les années 1930 et 1940, des avions appelés Hawker Hurricane, fabriqués surtout en Angleterre mais aussi au Canada, portaient sur la dérive (aileron arrière) les couleurs rouge, blanc, bleu en bandes verticales formant un rectangle, exactement les mêmes couleurs et dans le même ordre qu’Allan Line. Pourtant il n’y avait aucun rapport entre cette compagnie et la France pas plus qu’entre Hawker Hurricane et Allan Line. De fait, les trois couleurs provenaient de l’insigne de la Royal Air Force (fig. 32). Les couleurs d’Allan Line pouvaient aussi bien s’inspirer du White Ensign de la marine royal britanniques, de l’Union Jack ou même de l’ancien Red Ensign écossais puisque ces trois pavillons affichent uniquement du rouge, du blanc et du bleu.
Sulte lui-même finira par admette qu’on ne confondrait pas normalement le pavillon d’Allan Line avec le tricolore de la France :
« Le premier pavillon tricolore nous fut apporté en 1854 par les navires de la ligne Allan qui l’avait adopté comme signe particulier de leur compagnie, et encore faut-il remarquer leur manière de poser chacune des trois couleurs, de sorte que l’on ne saurait prendre celles de la France pour celles de la ligne Allan, et VICE VERSA [18]. »
Mais Sulte ne démordait pas de l’idée que le tricolore faisait l’objet d’une imposition des Canadiens anglais aux Canadiens français :
« En 1854, nous n'avions pas encore de couleurs nationales lorsque les Anglais nous imposèrent le tricolore de la révolution française, parce que Napoléon III s'alliait à l'Angleterre contre la Russie. Jusqu'à 1870, les Anglais firent un grand déploiement de ces trois couleurs et les Canadiens-français prirent l'habitude de les étaler dans leurs fêtes. La guerre franco-prussienne décida les Anglais à supprimer tout ce qui rappelait Napoléon III qui les avait tirés d'affaire en Crimée, mais les Canadiens-français adoptèrent alors résolument l'enseigne proscrite [19]. »
Il précise les raisons pour lesquelles les Canadiens anglais auraient pris en aversion le tricolore de la France :
« Vous savez ce qui arriva en 1870 lorsque les journaux anglais de ce pays injuriaient la France dans tous leurs numéros et que la population anglaise cessa brusquement d’arborer le tricolore à côté du drapeau britannique? Les Canadiens-français épousèrent ouvertement les couleurs proscrites et depuis lors, ils n’ont pas cessé de les regarder comme étant les leurs [20]. »
Ses reproches se poursuivent :
« Eh bien! ce drapeau, dont vous ne voulez plus, ne nous le reprochez pas. Vous avez été les premiers à l’introduire ici. Il fallait vous en abstenir puisque vous n’y croyiez que pour les besoins du moment [21]. »
La notion que les Canadiens anglophones auraient pu imposer le tricolore aux Québécois est particulièrement bizarre. Raoul Roy s’en étonne. Après avoir commenté les déclarations de Sulte dans ce sens, il écrit : « Encore une fois, il semble un peu forcé de prétendre que les Anglais nous imposèrent le tricolore français [22]. » Il serait en effet surprenant que les anglophones aient voulu promouvoir le nationalisme des Canadiens de souche française en les encourageant à arborer un drapeau qui pouvait éveiller des sentiments patriotiques liés à leurs origines et ancienne mère patrie. Par contre, ils pouvaient difficilement s’y opposer du fait qu’ils faisaient flotter partout les drapeaux de leur métropole auxquels ils ajoutaient parfois le tricolore de la France. L’Union Jack flottait aussi sur beaucoup d’édifices au Québec dont l’hôtel du Parlement jusqu’au début de 1948 (fig. 6, 8-9) [23].
Les Anglais ont-ils vraiment cessé d’arborer le tricolore français après la défaite et la capitulation de Napoléon III à Sedan le 2 septembre 1870? Dans l’immédiat, la presse canadienne anglaise attribuait l’échec des troupes françaises à l’incompétence militaire de l’empereur et la victoire des Allemands à l’efficacité des stratégies de Bismarck et à sa ténacité. Mais avec la misère et l’humiliation des Français provoquées par le siège de Paris et son occupation, la presse anglophone canadienne dépeignait de plus en plus les Prussiens comme des tyrans [24]. En 1904, Sulte prétendait toujours que les Anglais avaient délaissé le tricolore français après la chute de Napoléon III [25]. Il est fort possible qu’un manque d’enthousiasme se soit manifesté à partir de 1870, mais des documents iconographiques attestent que ce rejet n’était pas aussi net que Sulte l’affirme, s’il a réellement eu lieu.
Par exemple, on retrouve le tricolore de la France avec l’Union Jack au-dessus de la patinoire Victoria à Montréal en décembre 1871 lors de la visite du grand duc Alexis de Russie (appendice, no 25). La patinoire était une entreprise anglophone dans un quartier anglophone et pourtant le tricolore y flottait et ceci quelques mois après la chute de Napoléon III en septembre 1870 [26]. De même, le tricolore accompagne l’Union Jack sur l’un des pavillons de la première exposition d’agriculture et d’art du Dominion du Canada à Ottawa en 1879 (appendice no 21). Toujours en 1879, le tricolore figure avec le Red Ensign et le White Ensign sur une école à Ingersoll dans le Sud-Ouest de l’Ontario pendant la visite du marquis de Lorne et de la princesse Louise (appendice no 17). Dans L’Opinion publique et le Canadian Illustrated News de 1869 à 1883, des 35 gravures qui incluent le tricolore de la France, environ la moitié le montre dans un contexte nettement francophone comme les processions de la Société Saint-Jean Baptiste et de la Fête-Dieu, le retour des Zouaves (appendice nos 1- 2, 4-7) et des entreprises francophones (appendice nos 26-30). L’autre moitié des gravures l’insère dans des fêtes ou circonstances à caractère plutôt anglophone.
En 1882, le journal L’opinion publique publie un poème de Louis-Honoré Fréchette intitulé « 1870 » et daté du 22 février de la même année. Le poème exprime la sympathie des Canadiens francophones pour la France agonisante pendant la guerre franco-prussienne et leur désir de combattre pour elle. Un dessin d’Henri Julien en marge du poème montre deux tricolores français. Ce poème, traduit en anglais et publié avec le dessin dans le Canadian Illustrated News, démontre que les anglophones ne nourrissaient pas de rancune tenace contre la France et son tricolore (appendice no 35).
Fig. 1. Sur cette carte postale du 21e Congrès eucharistique tenu à Montréal en 1910 figurent plusieurs drapeaux représentant des pays catholiques ― à gauche de haut en bas : l’Irlande représenté par une harpe sur fond vert, le tricolore de la France, le Red Ensign canadien; à droite de haut en bas, le tricolore de la Belgique, le drapeau des États-Unis et le Carillon-Sacré-Cœur. Imprimerie du Messager, Montréal, Canada. Pour de plus amples renseignements, voir : https://heraldicscienceheraldique.com/la-feuille-deacuterable-en-chanson--the-maple-leaf-in-song.html, figure 5.
Fig. 2. Plusieurs tricolores français pendent des tribunes de l’église des Pères du Très-Saint-Sacrement, ville de Montréal, vers 1910. Carte postale par « Illustrated Post Card Co., Montréal. »
Fig. 3. Souvenir du premier Congrès de la langue française en Amérique tenu à l’Université Laval du 24 au 30 juin 1912, carte postale publiée par « La Cie J.A. Langlais et Fils, Québec ». À gauche de la carte, le Carillon-Sacré-Cœur représente le Québec; à sa gauche, le Red Ensign évoque les participants venus d’autres régions du Canada et le tricolore, à sa droite, rend hommage aux délégués de la France. Pour de plus amples renseignements, voir : https://heraldicscienceheraldique.com/la-socieacuteteacute-saint-jean-baptiste-et-la-feuille-deacuterable.html, figure 26.
3. Un symbole d’appartenance et de convenance
Les raisons pour afficher le tricolore français au Canada étaient multiples. Les francophones comme les anglophones pouvaient l’arborer parce qu’ils l’incluaient avec celui de plusieurs autres pays, parce qu’ils voulaient honorer un pays allié, parce que la France était impliquée dans un événement qui avait lieu au Canada comme un congrès eucharistique (fig. 1) ou le premier Congrès de la langue française en Amérique (fig. 3).
Il ne fait nul doute que les Québécois arboraient aussi le tricolore comme le drapeau qui les identifiait en raison de leur affinité culturelle et linguistique avec la France, leur mère patrie [27]. Certains auteurs, dont Henri Bernard, déclarait sans équivoque que le tricolore était le drapeau national des Canadiens français :
« Puisque nous avons, de nous-mêmes, adopté le drapeau tricolore de la France comme étant celui qui répond aux vœux de nos cœurs; puisque, depuis 1854 au moins, nous avons été heureux et fiers de le voir flotter librement non seulement sur nos maisons, dans nos églises, à la tête de nos processions, mais encore sur nos édifices publics, ce qui le consacre légalement comme notre drapeau national, ne lui faisons donc pas aujourd’hui l’affront de notre dédain et de notre oubli [28]. »
À l’instar de la France qui avait adopté un tricolore avec le Sacré-Cœur au centre, Bernard proposait pour le Québec : « Pourquoi n’adopterions-nous pas le drapeau tel qu’on l’a adopté en France, en y ajoutant simplement des feuilles d’érable, et la devise de notre province qui peut s’appliquer à tous les Canadiens-français “Je me souviens” ? [29] » Il est intéressant de noter que le texte de Bernard datait du 1er juin 1902, alors que le Comité du drapeau réuni à Québec adoptait le Carillon-Sacré-Cœur en janvier 1903. La recommandation de Bernard aurait-elle engendré l’idée de mettre un Sacré-Cœur entre des branches d’érable sur le fleurdelisé envisagé pour le Québec?
En choisissant le tricolore de la France comme leur drapeau national ou en proposant un tricolore avec des symboles du pays, les Canadiens français répondaient au même instinct que les Canadiens anglais qui se ralliaient à l’Union Jack et au Red Ensign avec l’ajout d’une feuille d’érable ou de l’écu du Canada pour en faire leurs drapeaux nationaux [30]. Cependant les Canadiens français ne pouvaient guerre se réclamer de la tradition républicaine même si un certain nombre d’intellectuels ou de contestataires admiraient les États-Unis d’après 1775 et la France d’après 1789. Il s’agit d’une des considérations qui a conduit au choix d’un drapeau ou le tricolore français ne figurait pas.
Dans un contexte francophone, le tricolore de la France accompagne presque toujours d’autres drapeaux, particulièrement des drapeaux britanniques (appendice nos 1, 4-8, 19). Les quelques exceptions où il figure seul sont la manufacture de meubles Craig (appendice no 28), les bureaux de La Patrie (appendice no 30) et le poème de Fréchette dédié à la France (appendice no 35). Dans un contexte à caractère anglophone, le tricolore est invariablement déployé avec des drapeaux britanniques (appendice nos 9-10, 16-18, 21-23, 25, 31-33).
Il semble bien que les anglophones arboraient parfois le tricolore en hommage aux canadiens francophones et en particulier aux Québécois. La présence du tricolore à l’exposition du Dominion à Ottawa en 1879 (appendice no 21) s’explique sans doute par l’importante participation du Québec puisque la France n’y figurait pas [31]. L’Union Jack et le tricolore de la France flottaient aux courses hippiques ayant lieu au rond Lépine et organisées par le Montréal Hunt Club (Club de chasse à courre de Montréal) le 14 octobre 1881 (appendice no 32). Ce club de tradition britannique était réservé à l’élite anglophone, mais admettait quelques membres de l’élite francophone, ce qui pourrait peut-être expliquer l’inclusion du tricolore [32]. Sa présence pourrait aussi s’expliquer par un désir de plaire à certains spectateurs francophones assidus [33]. Quoiqu’il en soit, la France n’était surement pas impliquée.
Lors de l’accueil du gouverneur général Lorne et de la princesse Louise à Ingersoll dans le Sud-Ouest de l’Ontario, le tricolore flotte avec le Red Ensign et le White Ensign au-dessus de l’école sur le terrain où a lieu la cérémonie principale (appendice no 17). À toutes sortes de fêtes et de cérémonies au Canada, on avait tendance à mêler des drapeaux britanniques à ceux de nombreux pays et c’était le cas pour la cérémonie de bienvenue de Lorne à Ingersoll où des drapeaux de tous les pays (« flags of all nations ») bordaient la rue Thames [34]. Par contre, la combinaison de drapeaux, Grande-Bretagne et France, sur l’école visait vraisemblablement à représenter les deux ethnies principales du Canada du fait qu’on les utilisait souvent dans ce sens et qu’aucun drapeau d’autres pays ne les accompagnait. La rencontre sur la place Viger des deux candidats élus à Montréal aux élections fédérales d’août 1872, l’un francophone et l’autre anglophone, signifiait la rencontre de deux ethnies sous leur drapeau respectif (appendice no 3).
Il n’a pas toujours existé un esprit de bienveillance en ce qui concerne le jumelage du tricolore avec des drapeaux britanniques. Pendant la guerre des Boers (1899-1902) qui divisait les deux ethnies, des étudiants de l’Université McGill menèrent une offensive pour remplacer le tricolore français par des drapeaux britanniques. Les étudiants de l’Université Laval répliquèrent en s’en prenant aux drapeaux anglais [35].
Les raisons pour afficher le tricolore français au Canada étaient multiples. Les francophones comme les anglophones pouvaient l’arborer parce qu’ils l’incluaient avec celui de plusieurs autres pays, parce qu’ils voulaient honorer un pays allié, parce que la France était impliquée dans un événement qui avait lieu au Canada comme un congrès eucharistique (fig. 1) ou le premier Congrès de la langue française en Amérique (fig. 3).
Il ne fait nul doute que les Québécois arboraient aussi le tricolore comme le drapeau qui les identifiait en raison de leur affinité culturelle et linguistique avec la France, leur mère patrie [27]. Certains auteurs, dont Henri Bernard, déclarait sans équivoque que le tricolore était le drapeau national des Canadiens français :
« Puisque nous avons, de nous-mêmes, adopté le drapeau tricolore de la France comme étant celui qui répond aux vœux de nos cœurs; puisque, depuis 1854 au moins, nous avons été heureux et fiers de le voir flotter librement non seulement sur nos maisons, dans nos églises, à la tête de nos processions, mais encore sur nos édifices publics, ce qui le consacre légalement comme notre drapeau national, ne lui faisons donc pas aujourd’hui l’affront de notre dédain et de notre oubli [28]. »
À l’instar de la France qui avait adopté un tricolore avec le Sacré-Cœur au centre, Bernard proposait pour le Québec : « Pourquoi n’adopterions-nous pas le drapeau tel qu’on l’a adopté en France, en y ajoutant simplement des feuilles d’érable, et la devise de notre province qui peut s’appliquer à tous les Canadiens-français “Je me souviens” ? [29] » Il est intéressant de noter que le texte de Bernard datait du 1er juin 1902, alors que le Comité du drapeau réuni à Québec adoptait le Carillon-Sacré-Cœur en janvier 1903. La recommandation de Bernard aurait-elle engendré l’idée de mettre un Sacré-Cœur entre des branches d’érable sur le fleurdelisé envisagé pour le Québec?
En choisissant le tricolore de la France comme leur drapeau national ou en proposant un tricolore avec des symboles du pays, les Canadiens français répondaient au même instinct que les Canadiens anglais qui se ralliaient à l’Union Jack et au Red Ensign avec l’ajout d’une feuille d’érable ou de l’écu du Canada pour en faire leurs drapeaux nationaux [30]. Cependant les Canadiens français ne pouvaient guerre se réclamer de la tradition républicaine même si un certain nombre d’intellectuels ou de contestataires admiraient les États-Unis d’après 1775 et la France d’après 1789. Il s’agit d’une des considérations qui a conduit au choix d’un drapeau ou le tricolore français ne figurait pas.
Dans un contexte francophone, le tricolore de la France accompagne presque toujours d’autres drapeaux, particulièrement des drapeaux britanniques (appendice nos 1, 4-8, 19). Les quelques exceptions où il figure seul sont la manufacture de meubles Craig (appendice no 28), les bureaux de La Patrie (appendice no 30) et le poème de Fréchette dédié à la France (appendice no 35). Dans un contexte à caractère anglophone, le tricolore est invariablement déployé avec des drapeaux britanniques (appendice nos 9-10, 16-18, 21-23, 25, 31-33).
Il semble bien que les anglophones arboraient parfois le tricolore en hommage aux canadiens francophones et en particulier aux Québécois. La présence du tricolore à l’exposition du Dominion à Ottawa en 1879 (appendice no 21) s’explique sans doute par l’importante participation du Québec puisque la France n’y figurait pas [31]. L’Union Jack et le tricolore de la France flottaient aux courses hippiques ayant lieu au rond Lépine et organisées par le Montréal Hunt Club (Club de chasse à courre de Montréal) le 14 octobre 1881 (appendice no 32). Ce club de tradition britannique était réservé à l’élite anglophone, mais admettait quelques membres de l’élite francophone, ce qui pourrait peut-être expliquer l’inclusion du tricolore [32]. Sa présence pourrait aussi s’expliquer par un désir de plaire à certains spectateurs francophones assidus [33]. Quoiqu’il en soit, la France n’était surement pas impliquée.
Lors de l’accueil du gouverneur général Lorne et de la princesse Louise à Ingersoll dans le Sud-Ouest de l’Ontario, le tricolore flotte avec le Red Ensign et le White Ensign au-dessus de l’école sur le terrain où a lieu la cérémonie principale (appendice no 17). À toutes sortes de fêtes et de cérémonies au Canada, on avait tendance à mêler des drapeaux britanniques à ceux de nombreux pays et c’était le cas pour la cérémonie de bienvenue de Lorne à Ingersoll où des drapeaux de tous les pays (« flags of all nations ») bordaient la rue Thames [34]. Par contre, la combinaison de drapeaux, Grande-Bretagne et France, sur l’école visait vraisemblablement à représenter les deux ethnies principales du Canada du fait qu’on les utilisait souvent dans ce sens et qu’aucun drapeau d’autres pays ne les accompagnait. La rencontre sur la place Viger des deux candidats élus à Montréal aux élections fédérales d’août 1872, l’un francophone et l’autre anglophone, signifiait la rencontre de deux ethnies sous leur drapeau respectif (appendice no 3).
Il n’a pas toujours existé un esprit de bienveillance en ce qui concerne le jumelage du tricolore avec des drapeaux britanniques. Pendant la guerre des Boers (1899-1902) qui divisait les deux ethnies, des étudiants de l’Université McGill menèrent une offensive pour remplacer le tricolore français par des drapeaux britanniques. Les étudiants de l’Université Laval répliquèrent en s’en prenant aux drapeaux anglais [35].
4. Un emblème monnayable
Une série de cartes postales imprimées vers 1910, présente des vues de la ville de Québec et de ses environs. Chaque scène est au centre du même encadrement illustré de nombreux emblèmes, dont le tricolore de la France, visant à plaire aux touristes de plusieurs origines ethniques. La série se vendait déjà en 1911, année du couronnement de George V (fig. 3a). Elle connaissait un franc succès lors de l’exposition provinciale à Québec du 31 août au 5 septembre 1914 puisque la plupart des cartes portent une estampille d’oblitération mentionnant l’exposition et désignant 1914 comme l’année de la santé publique (Fig. 3b) [36]. La série comprend au moins 11 cartes [37].
Une série de cartes postales imprimées vers 1910, présente des vues de la ville de Québec et de ses environs. Chaque scène est au centre du même encadrement illustré de nombreux emblèmes, dont le tricolore de la France, visant à plaire aux touristes de plusieurs origines ethniques. La série se vendait déjà en 1911, année du couronnement de George V (fig. 3a). Elle connaissait un franc succès lors de l’exposition provinciale à Québec du 31 août au 5 septembre 1914 puisque la plupart des cartes portent une estampille d’oblitération mentionnant l’exposition et désignant 1914 comme l’année de la santé publique (Fig. 3b) [36]. La série comprend au moins 11 cartes [37].
Fig. 3a. Cette carte postale fait partie d’une série imprimée pour John E. Walsh, 11 rue Saint-Jean, Québec. Le décor en marge rassemble des guirlandes de feuilles d’érable, un écu orné du sceau de la ville de Québec en haut à gauche, un écu bleu à trois fleurs de lis blanches en bas à droite, le Red Ensign canadien joint au drapeau des États-Unis en haut à droite, le tricolore de la France joint à un drapeau vert portant une harpe dorée et des trèfles représentant l’Irlande en bas à gauche. La présence de ce dernier drapeau peut s’expliquer du fait que Walsh est un nom irlandais. La carte porte deux cachets postaux, l’un de Lévis (Québec) daté du 28 mai 1911 et l’autre de Wingham (Ontario) daté du jour suivant. Le correspondant mentionne son implication dans les préparatifs pour fêter le couronnement du roi George V qui aura lieu le 22 juin de la même année.
Fig. 3b. La majorité des cartes postales de la série Walsh portent une estampille inscrite : « L’EXPOSITION PROVINCIALE DE QUÉBEC 31 AOÛT -1914 – 5 SEP L’ANNÉE DE LA SANTÉ PUBLIQUE ».
Le déploiement du tricolore français, avec des drapeaux britanniques et parfois ceux d’autres pays, cible aussi la clientèle de plusieurs ethnies. C’est le cas sur le magasin Dupuis Frères (appendice no 26), sur des hôtels (fig. 6-7), lors d’événements qui cherchent à attirer des foules comme des carnavals, des expositions ou des rencontres sportives (fig. 4-5 et appendice nos 9-11, 31-33). Les cartes postales et autres formes de souvenirs veulent captiver l’intérêt des acheteurs les plus variés d’où l’avantage d’afficher leurs drapeaux.
Fig. 4. Palais de glace pendant le carnaval d’hiver à Montréal en 1909. Des tours d’angle, flottent de gauche à droite, le drapeau des États-Unis, l’Union Jack, le Red Ensign et le tricolore de la France. Ce genre de festivités attirait des touristes qu’on voulait saluer en déployant les drapeaux qui les identifiaient. Le tricolore représentait aussi les Canadiens français et les drapeaux britanniques les Canadiens anglais. Carte postale inscrite au verso : « Illustrated Post Card Co., Montréal. Printed in Saxony. »
Fig. 5. Château de glace pendant le carnaval d’hiver à Montréal en 1910. Sur le palais sont visibles : deux Union Jack, l’un au sommet, l’autre à droite, trois Red Ensign, trois tricolores de la France, une croix de Saint-Georges (Angleterre), une bannière à la harpe de l’Irlande, et un autre drapeau qui est probablement celui des États-Unis. Ici comme pour figure 4, les drapeaux déployés visent à plaire aux visiteurs. Carte postale par Illustrated Post Card Co., Montréal.
Fig. 6. Deux tricolores de la France et deux Union Jack dominent l’hôtel Windsor à Montréal. Carte postale par International Post Card Co., Montréal. Cachet postal du 30 décembre 1919.
Fig. 7. Le tricolore de la France flotte avec le Carillon-Sacré-Cœur et un autre drapeau méconnaissable sur l’hôtel Château de Blois à Trois-Rivières au Québec. Carte postale publiée vers 1925 par Novelty Mfg. and Art Co., Ltd., Montréal.
Fig. 8. L’Union Jack seul surplombe l’hôtel château de Blois à Trois-Rivières. Illustration provenant d’un carnet de cartes postales intitulé « Souvenir Folder of Trois Rivieres, Quebec, Canada. » dont le cachet postal date du 19 juillet 1949 et le timbre-poste de la même année. L’expéditeur venait sans doute de l’acheter puisqu’il était de passage à Trois-Rivières et l’expédiait à sa famille à Toronto. Éditeur inconnu. Photogelatine Engraving Co. d’Ottawa (PECO) a publié exactement la même carte : http://numerique.banq.qc.ca/patrimoine/details/52327/10718?docsearchtext=Ch%C3%A2teau%20de%20Blois
Cette compagnie déménageait d’Ottawa à Toronto en 1947. La carte illustre le fait qu’on continuait d’arborer l’Union Jack sur des édifices publics au Québec vers 1945.
Cette compagnie déménageait d’Ottawa à Toronto en 1947. La carte illustre le fait qu’on continuait d’arborer l’Union Jack sur des édifices publics au Québec vers 1945.
Fig. 9. Trois Union Jack dominent les tours de l’hôtel du Parlement de Québec. Carte postale datée du 6 septembre 1923 par l’expéditeur et publiée par Librairie Garneau, Québec. Une photo noir et blanc constitue le fond de l’image. Les drapeaux, évidemment dessinés à la main comme sur la plupart des cartes postales de l’époque, sont insérés par impressions subséquentes comme le sont aussi les couleurs.
Fig. 10. Le tricolore de la France associé au portrait en médaillon de Laurier décoré d’un ruban aux couleurs de la France. Carte postale par European Post Card Co., Montréal, 1911. Plusieurs compagnies de cartes postales représentent Laurier avec le Red Ensign canadien. Cette variante vise sans doute le marché francophone en faisant appel à son patriotisme.
Fig. 11. L’Union Jack, ici chargé d’une feuille d’érable canadienne, accompagne le tricolore de la France sur les couvertures d’un carnet de cartes postales publié vers 1920. Plusieurs des cartes à l’intérieur sont bilingues. Le décor des couvertures cherche à plaire à la clientèle canadienne, anglophone et francophone, dans le même sens que la jaquette d’un livre veut éveiller l’intérêt des acheteurs par une présentation qui les interpelle. Éditeur inconnu.
5. Tricentenaire de la ville de Québec
Les souvenirs qui arrivent sur le marché pendant le tricentenaire de Québec en 1908 cherchent surtout à attirer les touristes sans pour autant déplaire aux Québécois. L’image de deux héros, Wolfe et Montcalm, l’un mort pour l’Angleterre et l’autre pour la France, accompagnée souvent de leurs monuments commémoratifs et des drapeaux des deux pays captivait les visiteurs. Pour la France, on retrouvait le plus souvent le tricolore de la France républicaine.
Les souvenirs qui arrivent sur le marché pendant le tricentenaire de Québec en 1908 cherchent surtout à attirer les touristes sans pour autant déplaire aux Québécois. L’image de deux héros, Wolfe et Montcalm, l’un mort pour l’Angleterre et l’autre pour la France, accompagnée souvent de leurs monuments commémoratifs et des drapeaux des deux pays captivait les visiteurs. Pour la France, on retrouvait le plus souvent le tricolore de la France républicaine.
Fig. 12. Le Red Ensign canadien et le tricolore de la France accompagnent le portrait de Mgr de Laval et de Samuel de Champlain. On y voit aussi les armoiries de la province de Québec sur des branches de laurier, une charrue à mancherons, des feuilles d’érable et des castors. Entre les drapeaux, figure le monument à Wolfe et Montcalm érigé dans la ville de Québec. On constate que toutes les couleurs ajoutées aux armoiries du Québec sont fausses et que les armoiries du Canada sur le Red Ensign sont entièrement dorées. Cette carte est aussi imprimée en noir et blanc. L’autre côté de la carte est bilingue. Signée « N.D. Photo » pour Neurdein Frères, notamment les frères Etienne et Louis-Antonin Neurdein de Paris.
Fig. 13. Ici, le tricolore de la France occupe la gauche et le Red Ensign canadien la droite. En plus des portraits de Laval et de Champlain, on voit celui de Jacques Cartier en haut au centre et ceux de Wolfe et de Montcalm dans le bas. On voit aussi des navires pavoisés venus célébrer la fête et une scène à gauche qui semble représenter le débarquement des troupes britanniques à Québec en 1759. Les portraits de Cartier et de Champlain sont des stéréotypes recréés à partir de modèles de leur époque. Les autres médaillons reproduisent des portraits authentiques. Carte signée « N.D. Photo » pour Neurdein Frères, notamment les frères Etienne et Louis-Antonin Neurdein de Paris.
Fig. 14. L’Union Jack figure à gauche et le tricolore français à droite derrière le portrait de Champlain et des scènes romancées représentant la mort de Montcalm à gauche et celle de Wolfe à droite. Y figurent aussi une scène de Champlain comme explorateur, une vue d’ensemble de Québec, le monument à Champlain à gauche et celui de Wolfe à droite. Éditeurs : J.A. Kirouac & Cie, Québec.
Fig. 15. La compagnie Valentine & Sons de Montréal et Toronto a publié une importante série de cartes postales commémorant le tricentenaire de la ville de Québec où figurent dans le haut l’Union Jack à gauche, le tricolore de la France à droite et les armoiries du Dominion du Canada au centre. Cette série est entièrement en anglais.
Fig. 16. Valentine & Sons a aussi publié une série de cartes postales en français pour le tricentenaire de Québec où les drapeaux sont le Red Ensign à gauche, un drapeau blanc fleurdelisé d’or à droite et le sceau de la ville au centre. Il n’existe pas d’indices sérieux de la présence d’un drapeau blanc semé de fleurs de lis d’or en Nouvelle-France. Ce drapeau se retrouvait peu en France, une rare exception étant une peinture où il accompagne Henri IV. Trois drapeaux aux couleurs du roi, blanc, rouge et bleu, tous semés de fleurs de lis d’or figuraient parfois de chaque côté des armories royales (G. DESJARDINS, Recherches sur les drapeaux français …, planche VII et H. PINOTEAU, La symbolique royale française …, p. 896 et planche XVI). Le pavillon royal, blanc fleurdelisé d’or avec les armoiries royales au centre, ne flottait que sur des bateaux ayant le roi à bord (H. PINOTEAU, La symbolique, p. 650 et 674). On ne doit jamais associer ce drapeau à des bateaux venus en Nouvelle-France, car les rois de France n’ont jamais mis le pied en Amérique. Il est aussi mention d’un pavillon royal « qui n’existait pas depuis longtemps » lequel est « blanc rehaussé de fleurs de lys d’or » et fabriqué pour Le Patriote lors de la visite de Louis XVI à Cherbourg en 1786 (H. PINOTEAU, La symbolique, p. 677-678). Les princes de la famille royales auront droit à un pavillon blanc semé de fleurs de lis d’or, mais ceci au XIXe siècle (H. PINOTEAU, Le chaos français et ses signes …, p. 241-242).
Fig. 17. Pour la série française, Valentine & Sons ne donne pas son nom, mais il semble évident qu’il s’agit de la même compagnie lorsqu’on compare figure 15 et figure 16. Le côté adresse des cartes de la série française est entièrement en anglais, mais les sujets du côté image sont majoritairement français et les inscriptions sont en français. Dans son article « Le Drapeau de la Nouvelle France » (Mémoires et comptes rendus de la Société Royale du Canada, 3e série, vol. 20, mai 1926, p. 46), Arthur G. Doughty conclut, à partir de gravures représentant des forts, qu’un drapeau blanc fleurdelisé « fut l’emblème de la France au Canada pendant la majeure partie du régime français. » Il ne précise pas l’émail des fleurs de lis et il importe de noter que l’impression des gravures de l’époque se fait en noir et blanc. Lorsqu’elles sont coloriées, les couleurs ne sont pas toujours fiables pouvant varier d’un coloriste à l’autre ou être appliquées longtemps après l’impression. Quoiqu’il en soit, le drapeau sur les forts pendant la majeure partie du régime français était le drapeau entièrement blanc et sans fleurs de lis de la marine royale : https://heraldicscienceheraldique.com/banniegravere-de-france-et-pavillon-blanc-en-nouvelle-france.html.
Fig. 18. À gauche au centre de la bannière royale, figure un écu orné d’un castor; à droite le tricolore français porte une fleur de lis bleue. Le monogramme du roi Édouard VII occupe l’espace entre les hampes. Petit vase souvenir du tricentenaire de la ville de Québec. Fabriquant inconnu. De la collection de céramique héraldique d’Auguste et Paula Vachon acquise par le Musée canadien de l’histoire.
Fig. 19. Vers 1908, Valentine & Sons publiait une série intitulée « Habitant Life Studies » illustrée de belles scènes rurales du Québec. Cette série, où figurent l’Union Jack et le tricolore français, semble destinée avant tout aux touristes anglophones puisque toutes les inscriptions apparaissent en anglais. La série était disponible pendant le tricentenaire de Québec, mais la compagnie cherchait un produit qui se vendrait au-delà des fêtes du centenaire, ce qui fut le cas.
6. Le tricolore pendant la Première Guerre mondiale
Pendant la Grande Guerre, le tricolore français accompagne l’Union Jack parfois pour représenter des nations alliées, parfois en rapport direct avec le Canada. Ce phénomène se révèle clairement dans les cartes postales brodées vendues aux soldats étrangers en Europe, particulièrement en France. Il ne s’agissait pas de broderie artisanale mais de broderie mécanique. Des recherches récentes ont démontré que la broderie des cartes postales s’effectuait au moyen d’une machine actionnant un mécanisme tenu dans la main et permettant à un ouvrier de reproduire la même figure plusieurs fois sur une grande pièce de soie. On découpait ensuite les broderies individuellement pour les fixer sur des cartes et les encadrer à l’intérieur de passe-partout décoratifs. Il semble que la broderie et l’encadrement se faisaient normalement par des entreprises différentes [38].
Les figures 20 à 22 étalent à la fois le tricolore de la France, l’Union Jack et un symbole canadien. Une autre carte brodée contient l’insigne du Corps de l’intendance de l’Armée canadienne (Canadian Army Service Corps - CASC) au-dessous duquel apparaissent l’Union Jack à gauche et le tricolore de la France à droite, leurs hampes croisées [39]. Un certain nombre de pièces incluaient des emblèmes du Québec, notamment une carte brodée des drapeaux des alliés, de la devise du Québec « Je me souviens » et du sigle du Corps médical militaire royal du Canada [40]. Ces cartes reflètent à la fois les deux mères patries et les deux principales ethnies du pays. Parmi les cartes répertoriées, on retrouve aussi l’insigne brodé du Princess Patricia's Canadian Light Infantry entre les drapeaux des alliés [41]. Un bon nombre de ces cartes montrent les couleurs de la France avec celles de ses alliés sans faire allusion au Canada, mais les soldats canadiens les achetaient néanmoins pour les faire parvenir à leur famille outre-mer (fig. 23-27).
Plus de 60 affiches de la Grande Guerre s’adressent directement aux Canadiens français [42]. Le tricolore de la France apparaît sur trois d’entre-elles. Ces affiches, toutes publiées au Canada, adoptent la même formule que les cartes postales : l’Union Jack avec le tricolore de la France, le tricolore avec les drapeaux des alliés et le tricolore seul. On n’y trouve pas de symbole typiquement québécois comme le Carillon-Sacré-Cœur et beaucoup d’affiches se limitent à exprimer l’appel de la mère patrie à ses enfants sans montrer de drapeaux. Comme le lecteur peut visionner ces affiches sur internet, je me limite à noter l’éditeur, à commenter les drapeaux et symboles qui s’y trouvent et à fournir un lien où l’illustration s’accompagne d’une description.
i) La France appelle tous ses enfants! Enrôlez-vous dans le 167e Bataillon F.E.C. Canadien-Français sous le colonel Onésime Readman. Affiche publiée par l'Association civile de recrutement du district de Québec. L’Union Jack et le tricolore de la France avec leurs hampes croisées.
http://rfnum-bibliotheque.org/ark:/12148/btv1b101018886.item
ii) Canadiens-Français / À l'heure du plus grand péril qui ait jamais menacé notre pays et l'humanité oublierons-nous les traditions qui ont fait la gloire et l'orgueil de notre race. Affiche publiée par l'Association civile de recrutement du district de Québec. Les drapeaux (de gauche à droite) de la Belgique, de la France, du Royaume-Uni et de la Russie impériale accompagnent des soldats de chaque pays en uniforme. On y voit aussi des guirlandes de laurier (symbole de victoire), un faisceau de licteur (symbole de la France) et, dans le ciel, la figure de la Marseillaise d’où émanent des foudres. http://digital.library.mcgill.ca/warposters/search/searchdetail.php?ID=13682&version=f
iii) Canadiens français / Venez avec nous dans le 150iéme Bataillon C.M.R. aider à la victoire du coq gaulois sur l'aigle prussien. Affiche publiée par Consolidated Lithographing & Mfg. Co. Limited de Montréal. Le tricolore de la France occupe l’arrière plan. Le coq gaulois attaque l’aigle prussien sur un globe terrestre. Le Lt-Col. H. Barré, commandant du 150e Bataillon des Carabiniers Mont-Royal, exhorte les Canadiens français à s’enrôler. http://digital.library.mcgill.ca/warposters/search/searchdetail.php?ID=13685&version=f
Pendant la Grande Guerre, le tricolore français accompagne l’Union Jack parfois pour représenter des nations alliées, parfois en rapport direct avec le Canada. Ce phénomène se révèle clairement dans les cartes postales brodées vendues aux soldats étrangers en Europe, particulièrement en France. Il ne s’agissait pas de broderie artisanale mais de broderie mécanique. Des recherches récentes ont démontré que la broderie des cartes postales s’effectuait au moyen d’une machine actionnant un mécanisme tenu dans la main et permettant à un ouvrier de reproduire la même figure plusieurs fois sur une grande pièce de soie. On découpait ensuite les broderies individuellement pour les fixer sur des cartes et les encadrer à l’intérieur de passe-partout décoratifs. Il semble que la broderie et l’encadrement se faisaient normalement par des entreprises différentes [38].
Les figures 20 à 22 étalent à la fois le tricolore de la France, l’Union Jack et un symbole canadien. Une autre carte brodée contient l’insigne du Corps de l’intendance de l’Armée canadienne (Canadian Army Service Corps - CASC) au-dessous duquel apparaissent l’Union Jack à gauche et le tricolore de la France à droite, leurs hampes croisées [39]. Un certain nombre de pièces incluaient des emblèmes du Québec, notamment une carte brodée des drapeaux des alliés, de la devise du Québec « Je me souviens » et du sigle du Corps médical militaire royal du Canada [40]. Ces cartes reflètent à la fois les deux mères patries et les deux principales ethnies du pays. Parmi les cartes répertoriées, on retrouve aussi l’insigne brodé du Princess Patricia's Canadian Light Infantry entre les drapeaux des alliés [41]. Un bon nombre de ces cartes montrent les couleurs de la France avec celles de ses alliés sans faire allusion au Canada, mais les soldats canadiens les achetaient néanmoins pour les faire parvenir à leur famille outre-mer (fig. 23-27).
Plus de 60 affiches de la Grande Guerre s’adressent directement aux Canadiens français [42]. Le tricolore de la France apparaît sur trois d’entre-elles. Ces affiches, toutes publiées au Canada, adoptent la même formule que les cartes postales : l’Union Jack avec le tricolore de la France, le tricolore avec les drapeaux des alliés et le tricolore seul. On n’y trouve pas de symbole typiquement québécois comme le Carillon-Sacré-Cœur et beaucoup d’affiches se limitent à exprimer l’appel de la mère patrie à ses enfants sans montrer de drapeaux. Comme le lecteur peut visionner ces affiches sur internet, je me limite à noter l’éditeur, à commenter les drapeaux et symboles qui s’y trouvent et à fournir un lien où l’illustration s’accompagne d’une description.
i) La France appelle tous ses enfants! Enrôlez-vous dans le 167e Bataillon F.E.C. Canadien-Français sous le colonel Onésime Readman. Affiche publiée par l'Association civile de recrutement du district de Québec. L’Union Jack et le tricolore de la France avec leurs hampes croisées.
http://rfnum-bibliotheque.org/ark:/12148/btv1b101018886.item
ii) Canadiens-Français / À l'heure du plus grand péril qui ait jamais menacé notre pays et l'humanité oublierons-nous les traditions qui ont fait la gloire et l'orgueil de notre race. Affiche publiée par l'Association civile de recrutement du district de Québec. Les drapeaux (de gauche à droite) de la Belgique, de la France, du Royaume-Uni et de la Russie impériale accompagnent des soldats de chaque pays en uniforme. On y voit aussi des guirlandes de laurier (symbole de victoire), un faisceau de licteur (symbole de la France) et, dans le ciel, la figure de la Marseillaise d’où émanent des foudres. http://digital.library.mcgill.ca/warposters/search/searchdetail.php?ID=13682&version=f
iii) Canadiens français / Venez avec nous dans le 150iéme Bataillon C.M.R. aider à la victoire du coq gaulois sur l'aigle prussien. Affiche publiée par Consolidated Lithographing & Mfg. Co. Limited de Montréal. Le tricolore de la France occupe l’arrière plan. Le coq gaulois attaque l’aigle prussien sur un globe terrestre. Le Lt-Col. H. Barré, commandant du 150e Bataillon des Carabiniers Mont-Royal, exhorte les Canadiens français à s’enrôler. http://digital.library.mcgill.ca/warposters/search/searchdetail.php?ID=13685&version=f
Fig. 20. L’insigne du Corps expéditionnaire canadien (CEC) accompagné de l’Union Jack et du tricolore de la Belgique à gauche; du tricolore de la France et du drapeau de la Russie impériale à droite. Carte publiée par CPC.
Fig. 21. L’Union Jack à gauche, le tricolore de la France à droite, une feuille d’érable très mal reproduite au centre, des listeaux inscrits « Canada / Our Pride ». Carte postale fabriquée à Paris.
Fig. 22. Insigne du Régiment royal de l'Artillerie canadienne ARC (RCA en anglais) accompagné à gauche de l’Union Jack, à droite du tricolore de la France. La devise Ubique Quo Fas Et Gloria Ducunt signifie : « Là où nous mènent le devoir et la gloire ». Inscription au dos « P.R. (Fabrication française), Modèle déposé ».
Fig. 23. Plusieurs cartes postales de la Première Guerre mondiale reproduisent les drapeaux des alliés. Ici les drapeaux sont de haut en bas, à gauche États-Unis, Portugal, Grande-Bretagne; à droite Belgique, Italie, France. Ce genre de carte inscrite en anglais était surtout destiné aux colonies de la Grande-Bretagne et aux États-Unis entrés en guerre en avril 1917. « Forget me not » comporte un jeu de mots évoquant le nom anglais des myosotis. Les trois fleurs placées sur les drapeaux (bleuet, marguerite et coquelicot) se retrouvent dans plusieurs cartes postales brodées et représentent subtilement les couleurs de la France. Les trois fleurs sont parfois liées d’un ruban bleu, blanc et rouge. Inscription au recto : « VISÉ, Paris et Exportation. J.S. Paris. Déposé ».
Fig. 24. Jeune Française coiffée du bonnet phrygien et accompagnée du tricolore français sur une carte de souhait insérée dans l’enveloppe d’une carte postale en soie brodée. Fabriquée en France. Les militaires faisaient souvent parvenir des cartes sans contenu canadien à leurs proches au Canada (fig. 25).
Fig. 25. Un soldat nommé J. Harris du 2e Bataillon canadien de pionniers (2nd Canadian Pioneer Batallion) envoie cette petite carte à sa famille au Canada. On y voit le coq gaulois perché sur une mitrailleuse et chantant triomphalement devant un trophée de drapeaux alliés. La carte se trouvait dans l’enveloppe d’une plus grande carte brodée de cocardes en croix aux couleurs de la France et de la Belgique (verticalement), du Royaume-Uni et de la Russie impériale (horizontalement). Voir figure 24 et https://heraldicscienceheraldique.com/des-emblegravemes-canadiens-sur-soie.html, figure 7.
Fig. 26. Ce genre de cartes se vendait bien aux Canadiens, les deux ethnies étant représentées par deux drapeaux qui flottaient au Canada, notamment le tricolore de la France et le Red Ensign. Comme pour figure 23, les fleurs représentent les couleurs de la France. Inscrite au recto « J.S. Paris Déposé ».
Fig. 27. Une autre carte postale qui pouvait plaire aux Canadiens, non seulement aux francophones, mais aussi à certains anglophones qui achetaient parfois des cartes inscrites en français (voir fig. 25). Éditeur « PH & A. »
Fig. 28. Carte postale peinte à la main, probablement par un Canadien du fait qu’elle place en position d’honneur le Red Ensign souvent utilisé à l’époque comme drapeau du Canada. Carte anonyme, inscrite au recto « Post Card / The address to be written on this side».
Fig. 29. Pendant la Grande Guerre, deux cavaliers croissent l’Union Jack et le tricolore français comme emblèmes de liberté. Carte postale achetée à Winnipeg et empreinte du cachet postale de cette ville daté du 21 juin 1915, inscrite au recto « Valentine’s Series » et « Printed in Great Britain ». Cette carte pouvait se vendre aussi bien en France qu’en Angleterre pour marquer la collaboration de deux alliés en guerre, mais elle était également bien adaptée au Canada où les deux ethnies s’identifiaient par les drapeaux de leur métropole respective. Même si la compagnie Valentine & Sons imprimait presque toutes ses cartes en Grande-Bretagne, une énorme quantité d’entre-elles comportaient des thèmes canadiens. Cette compagnie écossaise avait des bureaux à Montréal et à Toronto et, à partir de 1912, à Winnipeg et Vancouver. Elle faisait de la réclame au Canada pour ses nombreuses « Valentine’s Series » : https://torontopostcardclub.com/canadian-postcard-publishers/valentine-sons/ et https://archive.org/details/canadiandruggist21torouoft/page/673.
7. Des curiosités de la Grande guerre
Une carte postale surprenante, dédiée au « 198th Canadian Batallion », contient un poème d’adieu à ses soldats qui se nomment les Buffs et qui partent de Toronto pour l’Angleterre en 1917. Au centre de l’image, un bouledogue anglais est debout sur l’Union Jack à l’intérieur d’un médaillon ovale d’où émanent deux tricolores de la France. Cette composition est exceptionnelle du fait qu’elle étale deux tricolores au lieu d’un tricolore et d’un Union Jack. L’un voudrait-il représenter la France et l’autre les Canadiens francophones [43]?
Une autre carte postale publiée par « International Post Card Co., Montreal » affiche dans le haut le tricolore de la France avec trois feuilles d’érable vertes au centre accompagnées de « JE ME / SOUVIENS » en lettres rouges. Sous le drapeau, un poème mis en chanson s’intitule « Le Drapeau Canadien » et est signée « OSWALD MAYRAND. Montréal, Mai, 1915. [44] » Le drapeau est aussi une création de Mayrand, un admirateur de la France et un protagoniste de son tricolore canadianisé par une feuille d’érable [45]. Il semble que le drapeau proposé vise tous les Canadiens. La chanson fait beaucoup état de la guerre en cours et des deux mères-patries, la France et l’Angleterre, qu’il faut secourir. Comme je n’ai pas retrouvé ce texte ailleurs, je le reproduis intégralement en fin de document [46].
Les cartes postales de la Grande Guerre à contenu canadien français n’incluaient pas nécessairement le tricolore (fig. 30).
Une carte postale surprenante, dédiée au « 198th Canadian Batallion », contient un poème d’adieu à ses soldats qui se nomment les Buffs et qui partent de Toronto pour l’Angleterre en 1917. Au centre de l’image, un bouledogue anglais est debout sur l’Union Jack à l’intérieur d’un médaillon ovale d’où émanent deux tricolores de la France. Cette composition est exceptionnelle du fait qu’elle étale deux tricolores au lieu d’un tricolore et d’un Union Jack. L’un voudrait-il représenter la France et l’autre les Canadiens francophones [43]?
Une autre carte postale publiée par « International Post Card Co., Montreal » affiche dans le haut le tricolore de la France avec trois feuilles d’érable vertes au centre accompagnées de « JE ME / SOUVIENS » en lettres rouges. Sous le drapeau, un poème mis en chanson s’intitule « Le Drapeau Canadien » et est signée « OSWALD MAYRAND. Montréal, Mai, 1915. [44] » Le drapeau est aussi une création de Mayrand, un admirateur de la France et un protagoniste de son tricolore canadianisé par une feuille d’érable [45]. Il semble que le drapeau proposé vise tous les Canadiens. La chanson fait beaucoup état de la guerre en cours et des deux mères-patries, la France et l’Angleterre, qu’il faut secourir. Comme je n’ai pas retrouvé ce texte ailleurs, je le reproduis intégralement en fin de document [46].
Les cartes postales de la Grande Guerre à contenu canadien français n’incluaient pas nécessairement le tricolore (fig. 30).
Fig. 30. Un soldat qui attend le jour où il partira pour le front fait parvenir cette carte postale à sa mère de la base militaire Valcartier, le 17 juin 1918. Au recto, le Red Ensign canadien à gauche accompagne le Carillon-Sacré-Cœur à droite. La chanson « Ô Canada, mon pays! mes amours! » de sir George-Étienne Cartier jouissait d’une grande popularité. Éditeur anonyme.
8. Le tricolore pendant la Deuxième Guerre mondiale
Je n’ai repéré qu’une seule carte postale où l’Union Jack et le tricolore de la France accompagnent un emblème canadien pendant le Deuxième Guerre mondiale, notamment le Carillon-Sacré-Cœur adopté par le Canada français (fig. 31). Ceci contraste avec la Grande Guerre où les couleurs britanniques côtoyaient souvent celles de la France. La carte (fig. 32) est spéciale en ce qu’elle inclut le tricolore français avec les couleurs des alliés d’outre-mer de la Grande-Bretagne.
Un appel d’aide militaire lancé à tous les Français et signé par le général de Gaule à Londres en 1940 prend la forme d’un placard portant deux tricolores avec les hampes croisées. Cette invitation s’adresse évidement aux Canadiens d’origine française comme à tous les francophones [47].
Je n’ai repéré qu’une seule carte postale où l’Union Jack et le tricolore de la France accompagnent un emblème canadien pendant le Deuxième Guerre mondiale, notamment le Carillon-Sacré-Cœur adopté par le Canada français (fig. 31). Ceci contraste avec la Grande Guerre où les couleurs britanniques côtoyaient souvent celles de la France. La carte (fig. 32) est spéciale en ce qu’elle inclut le tricolore français avec les couleurs des alliés d’outre-mer de la Grande-Bretagne.
Un appel d’aide militaire lancé à tous les Français et signé par le général de Gaule à Londres en 1940 prend la forme d’un placard portant deux tricolores avec les hampes croisées. Cette invitation s’adresse évidement aux Canadiens d’origine française comme à tous les francophones [47].
Fig. 31. L’Union Jack, le tricolore de la France en place d’honneur et le Carillon-Sacré-Cœur unis pour sauvegarder la justice, l’honneur et la liberté mis en danger par l’ennemi. Carte postale des religieuses de la Congrégation des Filles de la sagesse du Canada (F.D.S.L.) publiée pendant la Seconde Guerre mondiale.
Fig. 32. Au centre de cette carte postale figure l’Union Jack accompagné des armoires du Royaume-Uni et d’un listel portant une affirmation de Winston Churchill qui se traduit « Jamais … un si grand nombre d'hommes a dû autant à un si petit nombre ». Les drapeaux à gauche sont de haut en bas : la France (seulement le bleu est visible), le tricolore de l’Afrique du Sud (le haut est orangé) et l’Australie; à droite : les États-Unis, la Nouvelle-Zélande et le Red Ensign canadien. L’avion dans le bas est un Hawker Hurricane fabriqué en Angleterre par Hawker Aircraft et au Canada par Canadian Car and Foundry. Un rectangle divisé en trois bandes verticales rouge, blanc et bleu orne l’ailette verticale de la queue. Ces trois couleurs proviennent de l’insigne de la Royal Air Force britannique qui est formé de trois rondelles superposées, rouge, blanc et bleu. Voir un modèle de l’avion et l’insigne de l’aviation britannique ici : https://www.timetunnel.com/mm5/graphics/00000001/avi067.jpg. Carte publiée sous le nom « C.L.C. “Canadian Art Deeptone” Series » par Harry Smith de Vancouver, Colombie-Britannique, Canada.
9. Les partisans et adversaires du tricolore
Le choix du tricolore de la France comme drapeau des Canadiens français ne faisait pas l’unanimité. Les défenseurs du tricolore se retrouvaient surtout chez des laïques, mais aussi parmi des prêtres catholiques dont Frédéric-Alexandre Baillargé, curé de Saint-Hubert. Tout en proposant un drapeau canadien-français, il plaidait pour conserver le tricolore (fig. 33). Chez les laïques, l’un des plus grands adeptes du tricolore français était le poète Louis-Honoré Fréchette. Il avait une piètre opinion de la France monarchique qu’il blâmait d’avoir délaissé le Canada. Dans son poème Le drapeau fantôme, il fait dire à un personnage « Oui-da! Le roi de France aurait vendu le Canada! / Eh bien, l’on ne vend pas les Français qu’il renferme. [48] » Un autre de ses poèmes Nos trois couleurs se prononce sans équivoque en faveur d’adopter le tricolore français comme drapeau des Canadiens français : « Et puis, ô mon enfant, si la bannière auguste / Devait cesser de luire au soleil canadien, / Sois son appui suprême et son dernier gardien! » (voir aussi appendice no 35). Un de ses confrères poètes, William Chapman défend lui aussi le tricolore. Dans son poème Les deux drapeaux publié dans Les aspirations en 1904, il note que pendant la fête du Saint-Sacrement beaucoup de drapeaux flottent sur les toits et dans la procession dont « l’étendard de la France et la bannière d’Albion » ce qui signifie probablement l’Union Jack pour l’Angleterre. Afin de permettre au tricolore de la France de vanter ses réalisations et son mérite, il lui cède la parole comme à une personne.
Le choix du tricolore de la France comme drapeau des Canadiens français ne faisait pas l’unanimité. Les défenseurs du tricolore se retrouvaient surtout chez des laïques, mais aussi parmi des prêtres catholiques dont Frédéric-Alexandre Baillargé, curé de Saint-Hubert. Tout en proposant un drapeau canadien-français, il plaidait pour conserver le tricolore (fig. 33). Chez les laïques, l’un des plus grands adeptes du tricolore français était le poète Louis-Honoré Fréchette. Il avait une piètre opinion de la France monarchique qu’il blâmait d’avoir délaissé le Canada. Dans son poème Le drapeau fantôme, il fait dire à un personnage « Oui-da! Le roi de France aurait vendu le Canada! / Eh bien, l’on ne vend pas les Français qu’il renferme. [48] » Un autre de ses poèmes Nos trois couleurs se prononce sans équivoque en faveur d’adopter le tricolore français comme drapeau des Canadiens français : « Et puis, ô mon enfant, si la bannière auguste / Devait cesser de luire au soleil canadien, / Sois son appui suprême et son dernier gardien! » (voir aussi appendice no 35). Un de ses confrères poètes, William Chapman défend lui aussi le tricolore. Dans son poème Les deux drapeaux publié dans Les aspirations en 1904, il note que pendant la fête du Saint-Sacrement beaucoup de drapeaux flottent sur les toits et dans la procession dont « l’étendard de la France et la bannière d’Albion » ce qui signifie probablement l’Union Jack pour l’Angleterre. Afin de permettre au tricolore de la France de vanter ses réalisations et son mérite, il lui cède la parole comme à une personne.
Fig. 33. Tiré de F. A. BAILLARGÉ, Le drapeau canadien-français, Montréal, 1904, p. 37. En plus du tricolore, Baillargé plaidait pour le maintien du Carillon-Sacré-Cœur qu’il considérait être « une bannière religieuse ». On peut voir une illustration du drapeau qu’il proposait pour les Canadiens français ici : http://www.bilan.usherbrooke.ca/bilan/pages/evenements/21421.html.
D’aucuns s’opposaient au tricolore sur des bases religieuses : « Mais j’entends quelques-uns des adversaires des trois couleurs, dire encore : “ La France n’est plus chrétienne : elle est anti-chrétienne, elle est maçonnique! ” » [49]. D’autres s’opposaient au tricolore parce qu’il s’agissait du drapeau d’un autre pays : « Malgré notre attachement à la France, le tricolore est son drapeau; c’est celui de la Mère, mais non celui de la Fille. [50] » ou encore « … le drapeau tricolore n’a rien de commun avec les Canadiens français. Lorsqu’il fut créé, le Canada avait cessé d’appartenir à la France depuis plus d’un quart de siècle et personne ne songea à l’arborer chez-nous jusqu’en 1854. » et plus loin « Le drapeau tricolore est la propriété, la marque distinctive de la France … » [51].
10. Abandon du tricolore par les Canadiens
Quand le Canada a-t-il abandonné les couleurs de la France? Parmi les anglophones canadiens qui arboraient le tricolore avec des drapeaux britanniques, le point de basculement semble se situer à la fin de la Grande Guerre. Figure 6 montre toujours l’Union Jack en compagnie du tricolore français sur l’hôtel Windsor (Windsor Hotel) à Montréal vers 1919, mais il s’agit d’un contexte commercial où les considérations patriotiques ne priment pas nécessairement. Il est difficile d’établir quand la vogue d’un drapeau s’éteint. Luc Bouvier observe à ce sujet :
« Le tricolore français reste le drapeau national des Canadiens français pendant une partie du vingtième siècle. À mesure qu’on se rapproche de la date fatidique du 21 janvier 1948 [date d’adoption du drapeau du Québec], il sera de plus en plus battu en brèche par le Carillon-Sacré-Cœur habituellement accompagné du drapeau papal. Jusque dans les années 1930, ils cohabiteront le premier en marche vers son déclin, le second vers son apogée [52]. »
Tout en se prononçant en faveur du Carillon-Sacré-Cœur et en faisant remarquer que le tricolore est le drapeau d’un autre pays, Magnan affirme en 1939 que le drapeau qu’il favorise ne s’oppose pas au tricolore et que : « Le tricolore est toujours arboré à profusion dans toutes nos fêtes et il convient qu'il en soit ainsi. [53]» Cette mentalité est la même que F.A. Baillargé qui propose un nouveau drapeau pour les Canadiens français et prêche du même coup le maintient du tricolore de la France et du Carillon-Sacré-Cœur (fig. 33). Elle correspond aussi à la coutume d’arborer le maximum de drapeaux à des fêtes et dans certains endroits publics, tendance qui, comme nous l’avons vu, se retrouvait aussi bien chez les francophones que les anglophones (voir l’appendice et figures 1, 3-5).
Achard remarque en 1944 « … aux jours de fête, on le voit flotter abondamment. Reconnaissons cependant que le tricolore n’est pas notre drapeau, c’est simplement le drapeau d’une nation amie, une nation dont le souvenir nous est cher sans doute, mais ce n’est pas le nôtre [54]. » Il est surprenant qu’il se prononce si fortement contre le tricolore alors qu’il admet que les Canadiens français reconnaissent le drapeau bleu à croix blanche et à quatre fleurs de lis comme leur emblème national. Son opposition au tricolore s’explique du fait qu’il propose pour le Canada une synthèse de plusieurs traditions : le fond bleu de l’ancienne bannière de France, la croix blanche que la marine marchande française arborait jadis sur laquelle se superpose la croix rouge de Saint-Georges pour l’Angleterre et, au centre, une feuille d’érable verte entourée de neuf étoiles blanches pour représenter les provinces comme des étoiles représentent les États sur le drapeau américain [55]. Comme son drapeau accorde une place importante aux insignes de la France monarchique, Achard ne veut pas qu’on lui reproche d’exclure ceux de la France républicaine qu’il juge inappropriés pour représenter les Canada français ou le Canada en entier.
Une photo prise en 1940 lors du défilé de la Saint-Jean dans la ville de Rouyn (Québec) montre un camion d’incendie pavoisé d’Union Jack et portant la désignation « FIRE DEPT. TOWN OF ROUYN » [56]. On y voit aussi, à l’avant et à l’arrière, le drapeau bleu à croix blanche avec quatre fleurs de lis qui représentait les Canadiens français à l’époque. Le tricolore de la France n’y est pas, bien qu’il pouvait très bien figurer ailleurs dans le cortège ou flotter des maisons et bâtiments. La présence des deux drapeaux démontre une fois de plus que la Société Saint-Jean-Baptiste admettait des drapeaux britanniques dans ses défilés. Une vidéo intitulée « Parade de la Saint-Jean-Baptiste, Montréal, 1941 » confirme la présence de nombreux drapeaux associés aux francophones ou aux anglophones dans les défilés en l’honneur de Jean le Baptiste [57]. Notons en passant que le déploiement de plusieurs drapeaux se perpétue aussi chez les Canadiens irlandais de Montréal. Lors du 195e défilé de la Saint-Patrick du 18 mars 2018, l’unifolié du Canada, le fleurdelisé du Québec, le tricolore de l’Irlande et la bannière de la ville de Montréal figurent en tête du cortège [58].
Aujourd’hui, la Saint-Jean-Baptiste coïncide avec la fête nationale du Québec. Elle se déroule sous les couleurs du fleurdelisé en compagnie de la chanson Gens du Pays de Gilles Vigneault qui est presque devenue l’hymne national du Québec. On assiste à une fête enjouée et très vivante qui célèbre la langue, la culture et les réalisations du Québec, mais à laquelle participent plusieurs ethnies dont les Premières Nations. Un contingent imposant d’adeptes du Falun Dafa, un mouvement spirituel chinois, participait au défilé de Montréal en 2017 [59].
Quand le Canada a-t-il abandonné les couleurs de la France? Parmi les anglophones canadiens qui arboraient le tricolore avec des drapeaux britanniques, le point de basculement semble se situer à la fin de la Grande Guerre. Figure 6 montre toujours l’Union Jack en compagnie du tricolore français sur l’hôtel Windsor (Windsor Hotel) à Montréal vers 1919, mais il s’agit d’un contexte commercial où les considérations patriotiques ne priment pas nécessairement. Il est difficile d’établir quand la vogue d’un drapeau s’éteint. Luc Bouvier observe à ce sujet :
« Le tricolore français reste le drapeau national des Canadiens français pendant une partie du vingtième siècle. À mesure qu’on se rapproche de la date fatidique du 21 janvier 1948 [date d’adoption du drapeau du Québec], il sera de plus en plus battu en brèche par le Carillon-Sacré-Cœur habituellement accompagné du drapeau papal. Jusque dans les années 1930, ils cohabiteront le premier en marche vers son déclin, le second vers son apogée [52]. »
Tout en se prononçant en faveur du Carillon-Sacré-Cœur et en faisant remarquer que le tricolore est le drapeau d’un autre pays, Magnan affirme en 1939 que le drapeau qu’il favorise ne s’oppose pas au tricolore et que : « Le tricolore est toujours arboré à profusion dans toutes nos fêtes et il convient qu'il en soit ainsi. [53]» Cette mentalité est la même que F.A. Baillargé qui propose un nouveau drapeau pour les Canadiens français et prêche du même coup le maintient du tricolore de la France et du Carillon-Sacré-Cœur (fig. 33). Elle correspond aussi à la coutume d’arborer le maximum de drapeaux à des fêtes et dans certains endroits publics, tendance qui, comme nous l’avons vu, se retrouvait aussi bien chez les francophones que les anglophones (voir l’appendice et figures 1, 3-5).
Achard remarque en 1944 « … aux jours de fête, on le voit flotter abondamment. Reconnaissons cependant que le tricolore n’est pas notre drapeau, c’est simplement le drapeau d’une nation amie, une nation dont le souvenir nous est cher sans doute, mais ce n’est pas le nôtre [54]. » Il est surprenant qu’il se prononce si fortement contre le tricolore alors qu’il admet que les Canadiens français reconnaissent le drapeau bleu à croix blanche et à quatre fleurs de lis comme leur emblème national. Son opposition au tricolore s’explique du fait qu’il propose pour le Canada une synthèse de plusieurs traditions : le fond bleu de l’ancienne bannière de France, la croix blanche que la marine marchande française arborait jadis sur laquelle se superpose la croix rouge de Saint-Georges pour l’Angleterre et, au centre, une feuille d’érable verte entourée de neuf étoiles blanches pour représenter les provinces comme des étoiles représentent les États sur le drapeau américain [55]. Comme son drapeau accorde une place importante aux insignes de la France monarchique, Achard ne veut pas qu’on lui reproche d’exclure ceux de la France républicaine qu’il juge inappropriés pour représenter les Canada français ou le Canada en entier.
Une photo prise en 1940 lors du défilé de la Saint-Jean dans la ville de Rouyn (Québec) montre un camion d’incendie pavoisé d’Union Jack et portant la désignation « FIRE DEPT. TOWN OF ROUYN » [56]. On y voit aussi, à l’avant et à l’arrière, le drapeau bleu à croix blanche avec quatre fleurs de lis qui représentait les Canadiens français à l’époque. Le tricolore de la France n’y est pas, bien qu’il pouvait très bien figurer ailleurs dans le cortège ou flotter des maisons et bâtiments. La présence des deux drapeaux démontre une fois de plus que la Société Saint-Jean-Baptiste admettait des drapeaux britanniques dans ses défilés. Une vidéo intitulée « Parade de la Saint-Jean-Baptiste, Montréal, 1941 » confirme la présence de nombreux drapeaux associés aux francophones ou aux anglophones dans les défilés en l’honneur de Jean le Baptiste [57]. Notons en passant que le déploiement de plusieurs drapeaux se perpétue aussi chez les Canadiens irlandais de Montréal. Lors du 195e défilé de la Saint-Patrick du 18 mars 2018, l’unifolié du Canada, le fleurdelisé du Québec, le tricolore de l’Irlande et la bannière de la ville de Montréal figurent en tête du cortège [58].
Aujourd’hui, la Saint-Jean-Baptiste coïncide avec la fête nationale du Québec. Elle se déroule sous les couleurs du fleurdelisé en compagnie de la chanson Gens du Pays de Gilles Vigneault qui est presque devenue l’hymne national du Québec. On assiste à une fête enjouée et très vivante qui célèbre la langue, la culture et les réalisations du Québec, mais à laquelle participent plusieurs ethnies dont les Premières Nations. Un contingent imposant d’adeptes du Falun Dafa, un mouvement spirituel chinois, participait au défilé de Montréal en 2017 [59].
11. Conclusion
L’adoption du tricolore de la France par les Canadiens français est bien documentée. Des auteurs signalent sa présence de façon significative au Québec dès les années 1840, mais leurs prémisses se révèlent fausses ou très douteuses à l’analyse, même si plusieurs auteurs les répètent comme un refrain. Ceci est évident dans les conjectures qui lient le brandissement du tricolore à l’incendie de l’hôtel Donegana en 1849. Dans les circonstances, rien de plausible ne vient contredire la déclaration de Sulte à l’effet qu’aucun drapeau français n’a flotté sur les bords du Saint-Laurent de 1760 à 1854.
Au même titre que Victor Morin, E-Z. Massicotte, Régis Roy et Aegidius Fauteux, Sulte compte parmi les premiers historiens à étudier les emblèmes canadiens et ce qu’il dit est généralement fiable. Par contre, il exagère parfois la portée de certains phénomènes et il ne démord pas de ses idées une fois énoncées. Les notions, par exemple, que la compagnie Allan Line a joué un rôle important dans l’adoption du tricolore par les Canadiens français et que son introduction parmi eux constituait une imposition de la part des anglophones n’ont pas de fondements crédibles.
Dans beaucoup de cas, il est difficile de savoir si le tricolore est déployé pour représenter le Canada français ou la France ou les deux à la fois. Parfois il se retrouve parmi les drapeaux de nations amis ou encore avec les couleurs de nombreux pays lorsqu’il s’agit d’un événement de dimension internationale. L’habitude d’arborer une multitude de drapeaux à des fêtes, des visites et des événements qui attirent les foules constitue une tradition bien établie chez les francophones comme chez les anglophones. Un aspect très peu étudié de cette pratique est son côté commercial qui semble parfois primer sur les sentiments patriotiques. La juxtaposition de l’Union Jack, du tricolore français et de la feuille d’érable pendant la Grande Guerre s’explique par le désir de recruter des combattants au sein des deux ethnies canadiennes.
Il était à prévoir que le Canada français adopte le tricolore de la France puisque les anglophones étalaient l’Union Jack et le Red Ensign pour s’identifier au Canada depuis les premières tentatives d’occupation du territoire par les Britanniques. Après la Confédération, vers 1870, ils adoptèrent, par consentement populaire, un Red Ensign canadien portant l’écu du pays sur le battant tout en continuant d’arborer partout l’Union Jack. Les francophones canadiens cherchaient eux aussi un emblème pour refléter leurs origines et traditions et, comme les anglophones, ils se tournèrent vers la mère patrie. Le tricolore de la France remplit le rôle d’emblème canadien français pendant près d’un siècle, mais il était appelé à disparaître, car sauvegarder le drapeau de sa métropole reflétait un état d’esprit colonial peu compatible avec les aspirations d’une collectivité en marche vers son propre destin. Comme les Canadiens français se considéraient une nation, ils voulaient leur propre emblème national [60].
Le Carillon-Sacré-Cœur adopté par un comité en 1903 comme drapeau des Canadiens français devient celui de la province de Québec après la disparition du Sacré-Cœur encadré de branches d’érable et le relèvement des fleurs de lis. Comme pour tous les drapeaux des provinces et territoires canadiens, l’officialisation s’effectue sans longs débats, notamment par un arrêté en conseil du 21 janvier 1948 et une loi votée par l’Assemblée législative le 9 mars 1950. Les couleurs de la France républicaine subsistent toujours au Canada dans le drapeau acadien où s’ajoute une étoile dorée et dans le drapeau des Franco-Terreneuviens dont il constitue le champ.
L’adoption du tricolore de la France par les Canadiens français est bien documentée. Des auteurs signalent sa présence de façon significative au Québec dès les années 1840, mais leurs prémisses se révèlent fausses ou très douteuses à l’analyse, même si plusieurs auteurs les répètent comme un refrain. Ceci est évident dans les conjectures qui lient le brandissement du tricolore à l’incendie de l’hôtel Donegana en 1849. Dans les circonstances, rien de plausible ne vient contredire la déclaration de Sulte à l’effet qu’aucun drapeau français n’a flotté sur les bords du Saint-Laurent de 1760 à 1854.
Au même titre que Victor Morin, E-Z. Massicotte, Régis Roy et Aegidius Fauteux, Sulte compte parmi les premiers historiens à étudier les emblèmes canadiens et ce qu’il dit est généralement fiable. Par contre, il exagère parfois la portée de certains phénomènes et il ne démord pas de ses idées une fois énoncées. Les notions, par exemple, que la compagnie Allan Line a joué un rôle important dans l’adoption du tricolore par les Canadiens français et que son introduction parmi eux constituait une imposition de la part des anglophones n’ont pas de fondements crédibles.
Dans beaucoup de cas, il est difficile de savoir si le tricolore est déployé pour représenter le Canada français ou la France ou les deux à la fois. Parfois il se retrouve parmi les drapeaux de nations amis ou encore avec les couleurs de nombreux pays lorsqu’il s’agit d’un événement de dimension internationale. L’habitude d’arborer une multitude de drapeaux à des fêtes, des visites et des événements qui attirent les foules constitue une tradition bien établie chez les francophones comme chez les anglophones. Un aspect très peu étudié de cette pratique est son côté commercial qui semble parfois primer sur les sentiments patriotiques. La juxtaposition de l’Union Jack, du tricolore français et de la feuille d’érable pendant la Grande Guerre s’explique par le désir de recruter des combattants au sein des deux ethnies canadiennes.
Il était à prévoir que le Canada français adopte le tricolore de la France puisque les anglophones étalaient l’Union Jack et le Red Ensign pour s’identifier au Canada depuis les premières tentatives d’occupation du territoire par les Britanniques. Après la Confédération, vers 1870, ils adoptèrent, par consentement populaire, un Red Ensign canadien portant l’écu du pays sur le battant tout en continuant d’arborer partout l’Union Jack. Les francophones canadiens cherchaient eux aussi un emblème pour refléter leurs origines et traditions et, comme les anglophones, ils se tournèrent vers la mère patrie. Le tricolore de la France remplit le rôle d’emblème canadien français pendant près d’un siècle, mais il était appelé à disparaître, car sauvegarder le drapeau de sa métropole reflétait un état d’esprit colonial peu compatible avec les aspirations d’une collectivité en marche vers son propre destin. Comme les Canadiens français se considéraient une nation, ils voulaient leur propre emblème national [60].
Le Carillon-Sacré-Cœur adopté par un comité en 1903 comme drapeau des Canadiens français devient celui de la province de Québec après la disparition du Sacré-Cœur encadré de branches d’érable et le relèvement des fleurs de lis. Comme pour tous les drapeaux des provinces et territoires canadiens, l’officialisation s’effectue sans longs débats, notamment par un arrêté en conseil du 21 janvier 1948 et une loi votée par l’Assemblée législative le 9 mars 1950. Les couleurs de la France républicaine subsistent toujours au Canada dans le drapeau acadien où s’ajoute une étoile dorée et dans le drapeau des Franco-Terreneuviens dont il constitue le champ.
Appendice
L’appendice décrit des illustrations où le tricolore de la France apparaît lors d’événements ou en des lieux significatifs au Canada. Les descriptions s’accompagnent de liens internet permettant de visionner les pages originales qui proviennent de deux périodiques publiés de 1869 à 1883 : L’opinion publique (OP) et le Canadian Illustrated News.
Voir : Appendice - Illustrations du tricolore dans des journaux canadiens
L’appendice décrit des illustrations où le tricolore de la France apparaît lors d’événements ou en des lieux significatifs au Canada. Les descriptions s’accompagnent de liens internet permettant de visionner les pages originales qui proviennent de deux périodiques publiés de 1869 à 1883 : L’opinion publique (OP) et le Canadian Illustrated News.
Voir : Appendice - Illustrations du tricolore dans des journaux canadiens
Notes
[1] Édouard BLONDEL, « Les drapeaux canadiens » dans La Presse, 10 avril 1920, p. 8 : http://collections.banq.qc.ca/retrieve/8457929.
[2] Par exemple: Jean-Guy LABARRE, Non au Drapeau canadien, Montréal, Éditions actualité, 1962, p. 43.
[3] Hector BERTHELOT, Le bon vieux temps, 2e série, compilé, revu et annoté par Édouard-Zotique Massicotte, Montréal, Beauchemin, 1916, p. 62-63 : https://archive.org/details/cihm_71385/page/n65. Voir aussi « Le bon vieux temps » dans La Presse, 14 février 1885, p. 4 : http://numerique.banq.qc.ca/patrimoine/details/52327/709112?docref=WOdLC9msB6nn7AP3z3Q4Eg.
[4] Hector BERTHELOT op. cit., p. 62, note d’E.-Z. Massicotte.
[5] (1) « Ces sinistres, il n’y a pas à en douter, sont l’œuvre de forcenés qu’on laisse errer librement tous les jours au milieu des citoyens honnêtes. » : « Émeutes-incendie » dans La Minerve, Montréal, lundi soir 20 août 1849, p. 2. (2) « Ce matin, une demi-heure après minuit, le tocsin sonna; le superbe Hôtel Donegana était en feu. […] On ignore si cet incendie est accidentel ou s’il est l’œuvre du crime. […] On dit que ce sont des brigands qui y ont mis feu. » : « Troubles de Montréal » dans Le Canadien, Québec, lundi 20 août 1849, p. 2. (3): « A few minutes after 12 o’clock last night the alarm of fire was given … […] The fire is said to have originated in accident ― a candle having been placed near some furniture in one of the upper bed-rooms. » : « Tremendous Conflagration. Donegana’s Hotel Totally Destroyed. » dans The Quebec Mercury, samedi 18 août 1849, p. 2. (4) « The fire originated in a garret in the roof of the side part of the building, which was always kept locked up, and it is supposed to have been communicated from the wash-house chimney, or some other vents which passed through it … » : « Canada. Montreal, Aug. 18 » dans The Quebec Mercury, lundi 20 août 1849, p. 1.
[6] Jacques ARCHAMBAULT et Eugénie LÉVESQUE, Le drapeau québécois, Éditeur officiel du Québec, 1974, p. 18.
[7] Édouard BLONDEL, op. cit., p. 1, 8. La même affirmation se retrouve dans Jean-Guy LABARRE, op. cit., p. 42 et Raoul ROY, Pour un drapeau indépendantiste, Montréal, Éditions du Franc-Canada, 1965, p. 23.
[8] Le Canadien, 29 mars 1848, p. 2 ; La Minerve, 6 avril 1848, p. 2.
[9] Benjamin SULTE, « Le drapeau tricolore en Canada » dans Bulletin des recherches historiques, vol. 10, no 5 (mai 1904), p. 151.
[10] Annuaire de l'Institut canadien pour 1866 : célébration du 22me anniversaire et inauguration du nouvel édifice de l'Institut canadien, le 17 décembre 1866, Montréal, Presses du journal Le Pays, 1866, p. 3 : https://archive.org/details/annuairedelinst00inst/page/3. Au sujet de la devise de l’Institut Altius tendimus, voir L.A. DESSAULLES, Discours sur l'Institut canadien prononcé par l'Hon. L.A. Dessaulles, président de l'Institut, à la séance du 23 décembre 1862, à l'occasion du dix-huitième anniversaire de sa fondation, Montréal, Presses du journal Le Pays, 1863, p. 4 : https://fr.wikisource.org/wiki/Discours_sur_l%E2%80%99Institut_canadien.
[11] Ibid., p. 4.
[12] Louis J.A. [Amédée] PAPINEAU, « Le drapeau tricolore en 1837-38 » dans Bulletin des recherches historiques, vol. 3, no 3 (mars 1897), p. 43.
[13] Association St. Jean-Baptiste de Montréal : Statuts et règlements, Montréal, Typographie Duvernay, Frères et Dansereau, 1878, p. 17 : https://archive.org/details/cihm_91545/page/n21; Association St. Jean-Baptiste de Montréal : Statuts et règlements, Montréal, Imprimerie de l’étendard, 1886, p. 21-22 : http://online.canadiana.ca/view/oocihm.02455/28?r=0&s=1. Les statuts et règlements de 1868 (p. 16) ne mentionnent que la principale bannière qui est la même qu’en 1878 et 1886 : https://archive.org/details/associationstjea00soci/page/16.
[14] Statuts de la Société St-Jean-Baptiste de la cité de Québec. Fondée le 16 août 1842 et incorporée par Acte du Parlement le 30 mai, 1849, Québec, C. Darveau, 1888, p. 14 : https://archive.org/details/cihm_43126/page/n19.
[15] Benjamin SULTE, « Le pavillon canadien » dans Bulletin de la Société normande de Géographie, t. 17, Rouen, Imprimerie de Espérance Cagniard, 1895, p. 310 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k4154045/f331.image.
[16] Benjamin SULTE, « Le drapeau tricolore en Canada », p. 152.
[17] Auguste VACHON, « La compagnie maritime Allan Line a-t-elle plagié le tricolore français ? / Did the Shipping Company Allan Line Plagiarize the Tricolour of France? » : http://www.heraldicscienceheraldique.com/la-compagnie-maritime-allan-line-a-t-elle-plagieacute-le-tricolore-franccedilais--did-the-shipping-company-allan-line-plagiarize-the-tricolour-of-france.html.
[18] OLIVIER [Benjamin SULTE], « Le drapeau tricolore au Canada » dans Bulletin des recherches historiques, vol. 3, no 2 (février 1897), p. 29.
[19] Benjamin SULTE, La Saint-Jean-Baptiste 1636-1852, augmenté, annoté et publié par Gérard Malchelosse avec préface de Victor Morin, série Mélanges historiques, vol. 15, Montréal, Éditions Édouard Garand, 1929, p. 66-67 : http://collections.banq.qc.ca/bitstream/52327/2021907/7/59287-15.pdf. Il ne fait aucun doute que le drapeau de la France et des drapeaux britanniques flottaient ensemble après la reddition de Sébastopol le 11 septembre 1855. Une illustration intitulée « Illumination of Montreal, to Celebrate the Fall of Sebastopol » figurant à la une de l’Illustrated London News du 3 novembre 1855 montre le drapeau de l’empire ottoman déployé au-dessus de la banque de Montréal, entre le tricolore français à droite et le Red Ensign à gauche.
[20] OLIVIER, op. cit., p. 30.
[21] Benjamin SULTE, « Le drapeau tricolore en Canada », p. 157.
[22] Raoul ROY, op. cit., p. 23.
[23] Le Red Ensign se retrouvait aussi au Québec, souvent avec l’Union Jack, sur les mairies, les gares ferroviaires, les bureaux de poste, les commerces, lors d’événements sportifs, de fêtes, de visites, de carnavals et de rencontres à caractère international. Que ces deux drapeaux se retrouvaient au Québec comme dans le reste du Canada est démontré par les illustrations dans L’Opinion publique et le Canadian Illustrated News de 1869 à 1883, dont celles énumérées dans l’appendice. En témoigne aussi, pour la première moitié du XXe siècle, la collection de cartes postales que mon épouse et moi avons assemblée.
[24] Sean SULLIVAN, « Le Canadian Illustrated News et la guerre franco-allemande (de juillet 1870 à février 1871) », section « L'évolution de la perception publique » : http://www.bac-lac.gc.ca/fra/decouvrez/canadian-illustrated-news-1869-1883/Pages/cin-reportage-franco-allemande.aspx#16.
[25] Benjamin SULTE, « Le drapeau tricolore en Canada », p. 157.
[26] https://fr.wikipedia.org/wiki/Victoria_Skating_Rink.
[27] F.A. BAILLARGÉ, Le Drapeau canadien-français …. nos raisons, Montréal : Granger, 1904, p. 37.
[28] Henri BERNARD, Foulons le drapeau ! Quel drapeau choisir ?, Montréal, 1902, p. 19 : https://archive.org/details/cihm_71187/page/n24; Luc BOUVIER, « Histoire des drapeaux québécois: les tricolores », section I.6 :
https://www.imperatif-francais.org/imperatif-francais/extra/histoire-des-drapeaux-quois-les-tricolores/. Le Tricolore-Sacré-Cœur de Bernard a donné lieu à une carte postale : Michael J. SMITH, The Canadian Postcard Checklist 1898-1928, Mississauga, Michael J. Smith, 2001, p. 352.
[29] Ibid., p. 39.
[30] Au sujet du Red Ensign vu comme drapeau du Canada, voir le Canadian Illustrated News, 6 mai 1871, p. 274, 281 : http://eco.canadiana.ca/view/oocihm.8_06230_79/2?r=0&s=1. En 1896, l’héraldiste Edward Marion Chadwick proposait de remplacer l’écu du Dominion à plusieurs provinces sur le battant du Red Ensign par quelque chose de plus simple soit une seule feuille d’érable ou trois feuilles de couleur verte sur une tige au centre d’un disque blanc : E.M. CHADWICK, "The Canadian Flag" dans Canadian Almanac, Toronto, Copp Clark, 1896, p. 228, 233. En 1919, la Société d'archéologie et de numismatique de Montréal proposait comme drapeau du Canada l’Union Jack portant au centre une feuille d’érable dorée : Herbert George Todd, Armory and Lineages of Canada, Yonkers, NewYork, 1919, planche I et les légendes qui suivent [p. 124]. Il y eut plusieurs autres variantes du Union Jack ou Red Ensign proposées comme drapeau du pays avec des ajouts canadiens. Le 21 mai 1912, Lewis Harcourt, secrétaire d’État pour les colonies, faisait parvenir une lettre au gouverneur général du Canada affirmant que l’Union Jack était le drapeau national du Canada (« the Union Jack is the National Flag of Canada ») : Joseph POPE, The Flag of Canada, 2e éd., 1912, p. 16. On peut contester le bien-fondé de cette déclaration du fait qu’aucun document légal ne confère à l’Union Jack le statut de drapeau national du Royaume-Uni, même s’il est considéré comme tel par tradition.
[31] Voir les organisateurs et participants: https://archive.org/details/prizelistofgrand00domi/page/n5.
[32] Un monsieur Gallarneau, sans doute l’un des hommes d’affaires de Montréal de ce nom, figurait à la table du Hunt Club en 1881 : http://collections.musee-mccord.qc.ca/scripts/explore.php?Lang=2&tableid=18&elementid=44__true. Honoré Mercier comptait aussi parmi leurs membres : http://www.memorablemontreal.com/print/batiments_menu.php?quartier=6&batiment=165&menu=histoire. Ceci ne démenti pas l’exclusivité du club. L’érudit notaire Victor Morin, s’étant vu refusé l’accès à ce genre de club privé, fonda son propre club de chasse à courre sur la rive sud de Montréal : https://nouvelles.umontreal.ca/article/2017/10/16/l-homme-du-code-morin-aimait-les-livres-et-la-chasse-a-courre/.
[33] Je n’ai pas retrouvé de renseignements sur l’hippodrome Lépine (ou Lepine). Le spectacle du 14 octobre incluait une course des fermiers de la région destinée à attirer un plus grand public, mais qui semble avoir eu un succès mitigé : Canadian Illustrated News, 29 octobre, 1881, p 275, http://eco.canadiana.ca/view/oocihm.8_06230_624/4?r=0&s=1.
[34] Canadian Illustrated News, 18 octobre 1879, p. 246 : http://eco.canadiana.ca/view/oocihm.8_06230_518/7?r=0&s=1.
[35] Luc BOUVIER, « Histoire des drapeaux québécois: les tricolores », section 1.6 :
https://www.imperatif-francais.org/imperatif-francais/extra/histoire-des-drapeaux-quois-les-tricolores/.
[36] W.L. GUTZMAN. The Canadian Patriotic Post Card Handbook 1904-1914, Toronto, The Unitrade Press, 1985, p. 132. Voir aussi https://torontopostcardclub.com/category/postcard-backs/.
[37] Michael J. SMITH, op. cit., p. 263.
[38] Pour de plus amples renseignements, voir Ian COLLINS, « Latest Research on Embroidered Silk Postcards » (2010) : https://sites.google.com/site/embroideredsilkpostcards/information/latest-research.
[39] http://www.silkpostcard.co.uk/index.php?p=1_6_Over-seas-Regiments
[40] https://journals.lib.unb.ca/index.php/MCR/article/view/17841/22122 fig. 2.
[41] Ibid.
[42] Serge DURFLINGER, « Des Affiches Canadiens-Français Durant La Première Guerre Mondiale, 1914-18 » (22 décembre 2014), https://canadaatwarblog.wordpress.com/2014/12/22/des-affiches-canadien-francais-durant-la-premiere-guerre-mondiale-1914-18/.
[43] Il s’agit d’un dessin fait par un artiste dont les initiales sont A. M. et qui a conçu plusieurs cartes du même genre reproduisant souvent l’insigne d’un régiment avec d’autres combinaisons comme les armoiries de la Grande-Bretagne, l’Union Jack et le Red Ensign affichant les armes du Dominion ou une feuille d’érable sur le battant. Un poème exprimant l’engagement et la bravoure des combattants figure sur chaque carte. Michael J. SMITH, op. cit., p. 366-367.
[44] Ibid., p. 118.
[45] Il dit en parlant du tricolore de la France : « La feuille d’érable couronne / Tes signes de vitalité. », voir « Hymne au drapeau » (Montréal, juin 1902) dans Oswald MAYRAND, Fleurettes canadiennes, Montréal, 1905, p 11-12 : https://archive.org/details/cihm_66376/page/n28.
[46] LE DRAPEAU CANADIEN
(AIR : ALSACE ET LORRAINE)
Drapeau, salut ! âme de la Patrie,
Qui fait vibrer la charge du devoir;
Toi dont l’essor électrise et rallie,
Vaillant toujours nous voulons te revoir.
Va, fier symbole, épouse de la souffrance
Des défenseurs de notre liberté;
Le Canada sur tes traces s’élance,
Offrant ses bras à la fraternité.
REFRAIN
Souvenez-vous de la France héroïque,
De l’Angleterre unie au sang gaulois,
Et secourons enfants de l’Amérique,
Les Alliés qui luttent pour des droits.
Frères debout ! Albion nous appelle;
La mère saigne, accourons, ses enfants;
Par sa blessure une vie immortelle
Ne peut couler; nous serons triomphants.
L’infâme Boche a souillé la bataille
Par mille horreurs qu’inspirent les enfers;
L’Humanité sera-t-elle de taille
À terrasser le forgeur de ses fers ?
REFRAIN
Souvenons-nous de nos héros qui tombent
Au champ d’honneur, moissonnés par la mort.
Allons venger les braves qui succombent,
Et le drapeau vivra de notre effort.
OSWALD MAYRAND,
Montréal, Mai, 1915.
Éditeur : Ernest STEVENS. (Droits réservés)
[47] Alexandre SUMPF « “À tous les Français” : l’affiche de Londres » (2012) :https://www.histoire-image.org/fr/etudes/tous-francais-affiche-londres.
[48] Le drapeau de Carillon d’Octave Crémazie exprime avec force la même idée que la France a délaissé le Canada. On retrouve aussi cette notion chez le poète William Chapman qui écrit dans une épître à l’honorable Réal Angers : « Nous chérissons toujours notre mère patrie / Quoiqu’elle nous vendit ainsi qu’un vil troupeau. », cité par BAILLARGÉ, op. cit., p. 8. Voir aussi Henri BERNARD, op. cit., p. 21, 34-35.
[49] Henri BERNARD, op. cit., p. 13.
[50] C.-J. MAGNAN, Le Carillon-Sacré-Cœur : drapeau national des Canadiens français, Québec, l’Action catholique, 1939, p. 25-26 : http://collections.banq.qc.ca/bitstream/52327/2021887/1/57664.pdf.
[51] Eugène ACHARD, L’histoire du Drapeau canadien, Montréal, Librairie générale canadienne, 1944, p. 32, 34. Voir aussi : http://pages.videotron.com/cerame/heraldicamerica/etudes/drapeaux.htm#N_28_ section III.5.
[52] https://www.imperatif-francais.org/imperatif-francais/extra/histoire-des-drapeaux-quois-les-tricolores/, section 1.6.
[53] C.-J. MAGNAN, op. cit., p. 25-26.
[54] Eugène ACHARD, op. cit., p. 34.
[55] Ibid., p. 24-25, 44-45.
[56] « Les défilés de la Saint-Jean à travers le temps » : https://avenues.ca/lhistoire-en-photos/les-defiles-de-la-saint-jean-a-travers-le-temps/.
[57] https://www.youtube.com/watch?v=PI5oDovr4Po. Les moments où l’on voit les drapeaux sont indiqués en minutes telles qu’indiquées au bas de la vidéo : 1:58 l’Union Jack orne l’un des chars avec des fleurdelisés fantaisistes; 2:02-04 le drapeau des Canadiens français recouvre le siège arrière d’une décapotable; 2:04 banderole aux couleurs de la France sur un édifice; 2:42-50 Red Ensign canadien et Union Jack parmi les spectateurs; 2:46-57 tricolore de la France, banderole aux couleurs de la France et plusieurs Red Ensign canadiens sur l’un des chars.
[58] https://www.tripsavvy.com/montreal-st-patricks-day-parade-2391769.
[59] « Fête nationale du Québec – Le défilé de la Saint-Jean à Montréal – 24 juin 2017 », vidéo : https://www.youtube.com/watch?v=3kMzSF8IBXA. La fête se célèbre aussi hors du Québec. « Au fil du temps, la Fête nationale accueille les diverses communautés qui composent la société québécoise et s’ouvre à leur apport culturel et artistique. »: https://www.thecanadianencyclopedia.ca/fr/article/la-fete-nationale-du-quebec-fete-de-la-saint-jean.
[60] On retrouve la notion d’une nation canadienne française dans beaucoup d’écrits et de discours, par exemple : Émile SALONE, La colonisation de la Nouvelle-France : étude sur les origines de la nation canadienne française, Paris, Guilmoto, 1906 ; Henri BERNARD, op. cit., p. 37-38 abonde dans le même sens. L’ouvrage précité de C.-J. MAGNAN s’intitule Le Carillon-Sacré-Cœur : drapeau national des Canadiens français 1939. Lionel GROULX, exprime la même idée avec des phrases sans équivoque « Une nation doit posséder son emblème national. » Le drapeau canadien-français, 1944, p. 7-8 : https://fr.wikisource.org/w/index.php?title=Fichier:Groulx_-_Le_drapeau_canadien-fran%C3%A7ais,_1944,.djvu&page=9. Aujourd’hui la désignation nation canadienne-française n’est plus tellement à la mode; on parle plutôt de nation québécoise.