IV
Un ajout aux armoiries du Canada
En 1994, le gouvernement canadien remanie les armoiries du pays pour mettre davantage l’accent sur leur caractère canadien, notamment en ajoutant la devise de l’Ordre du Canada sur une bande entourant l’écu. En langue du blason, ce genre d’addition se nomme augmentation et constitue une marque d’honneur. Les initiateurs de l’ajout et les militants en sa faveur sont tous à l’origine des anglophones qui s’inspirent du Royaume-Uni où la devise de l’Ordre de la Jarretière entoure l’écu royal depuis des siècles. Des francophones s’impliquent par la suite, parfois par intérêt, mais surtout en raison des fonctions qui leur incombent au sein du gouvernement fédéral. Le changement reçoit l’approbation de la reine en juillet 1994. Lorsqu’un député en informe la Chambre des communes le 5 décembre 1995, il s’en suit un débat où les réformistes accusent les libéraux d’avoir introduit cette modification pour amadouer les séparatistes du Québec et sans consulter le Parlement ou le peuple. En effet, il règne beaucoup de confusion au sujet de l’emblème au centre de la confrontation. Parmi les représentants politiques et les journalistes, très peu se rendent compte qu’il s’agit d’armoiries de domaine et de souveraineté, c’est-à-dire d’un emblème qui identifie à la fois l’État et le souverain. Quelques journaux, parmi les plus sectaires, s’emparent de l’affaire et accusent carrément les Québécois d’avoir souhaité ces changements. Les blâmes les plus fielleux paraissent dans des journaux de langue anglaise ayant une circulation surtout locale. Ces prises de position s’avèrent dénudées de tout fondement, mais comme nous l’avons vu au chapitre III, ils se rapprochent de l’attitude de certains députés et médias anglophones au moment de choisir le drapeau du Canada dix ans plus tôt.
Avis au lecteur
Bien que je sois toujours lié à l’Autorité héraldique du Canada par le titre honorifique de héraut Outaouais émérite, les points de vue exprimés ici sont les miens et ne reflètent pas nécessairement l’opinion de l’Autorité ou de ses officiers d’armes. ― Auguste Vachon
Bien que je sois toujours lié à l’Autorité héraldique du Canada par le titre honorifique de héraut Outaouais émérite, les points de vue exprimés ici sont les miens et ne reflètent pas nécessairement l’opinion de l’Autorité ou de ses officiers d’armes. ― Auguste Vachon
1. Notes chronologiques relatives aux armoiries du Canada de 1921 à 1995
Pour bien comprendre l’addition de la devise de l’Ordre du Canada aux armoiries du pays en 1994, le débat dans la Chambre des communes qu’elle provoque et les commentaires dans les journaux, il est important d’établir une chronologie des faits saillants entourant cet emblème depuis ses débuts en 1921. Dans l’établissement de ces notes, j’ai bénéficié d’importants renseignements de la part de mon collègue Darrel Kennedy, héraut Assiniboine, et de Dominique Lajoie, agente de programme à l’Autorité héraldique du Canada. Leur collaboration m’a permis de réaliser une chronologie beaucoup plus cohérente.
1921 : Donnant suite à une demande du gouverneur général en conseil, le roi George V assigne des armoiries au Canada par proclamation royale datée du 21 novembre. Le Parlement n’intervient aucunement dans le processus. Quelques Canadiens font des propositions, mais la population n’a aucune implication directe.
1923 : Le 24 janvier, à la demande du Secrétariat d’État, le Collège des hérauts à Londres modifie entièrement l’apparence des armoiries canadiennes sans en changer les couleurs ou les composantes. Le style choisi se veut esthétique; il est en effet démodé.
1957 : Le gouvernement charge l’héraldiste Alan Beddoe de simplifier le style des armoiries et, au cours du processus, il change les trois feuilles en pointe de l’écu de vert à rouge, remanie les lambrequins, place une feuille d’érable sur le casque et redessine la couronne royale pour correspondre à celle qui a servi au couronnement de la reine Elizabeth II, notamment la couronne dite de saint Édouard adoptée également pour les armoiries royales (fig. 3). Toutes ces retouches respectent la description héraldique contenue dans la proclamation de 1921. Peut-être en raison d’un changement de gouvernement, les modifications ne reçoivent pas l’assentiment royal. Ils sont mis à exécution par le Secrétariat d’État.
1962 : La reine Elizabeth II adopte une bannière royale pour le Canada dont le fond réplique les armoiries du pays et où les trois feuilles sont rouges. Ceci constitue une approbation indirecte des changements de 1957 et confirme le fait que les armoiries sont ses armories royales comme reine du pays depuis 1953, un fait qui était aussi exprimé sur le Grand Sceau du Canada où figurent son titre de « reine du Canada » et les armoiries qui représentent à la fois l’État et la souveraine.
1967 : Le 21 mars, la reine Elizabeth II signe les lettres patentes créant l’Ordre du Canada qui a pour devise : Desiderantes meliorem patriam (Ils aspirent à une patrie meilleure) [1].
1972 : Le 12 novembre, Conrad Swan, héraut York au Collège d’armes à Londres s’enquiert auprès d’Esmond Butler, secrétaire du gouverneur général, de la possibilité d’inclure un anneau portant la devise de l’Ordre du Canada autour des armoiries personnelles que le Collège d’armes concède à des Canadiens membres de l’ordre. Cette question fait l’objet de plusieurs discussions entre les deux correspondants et avec Carl Lochnan, directeur de la Direction des honneurs à Rideau Hall. Ce premier projet, qui n’inclut pas les armoiries du Canada, reste en suspens.
1981 : Le journaliste Bruce Hicks propose à Gerald Regan, secrétaire d’État, d’inclure la devise de l’Ordre du Canada autour de l’écu au centre des armoiries nationales [2]. Il commence à illustrer la page frontispice de son entreprise d’information avec des armoiries du Canada portant la devise et où le lion supportant l’écu est coiffé de la couronne royale sur le modèle des journaux britanniques. Il persuade le National Post d’en faire autant [3].
1986 : Le 26 mai, John L. Williamson, premier vice-président de la Société héraldique du Canada et Chef du Protocole du Nouveau-Brunswick, recommande au gouverneur général de faire ajouter la devise de l’Ordre du Canada aux armoiries du Canada en tête des lettres du Collège d’armes concédant des emblèmes à des Canadiens. Depuis plusieurs années, les armoiries du Canada figuraient sur ses lettres, mais sans la devise.
1987 : Le 14 novembre, le Conseil consultatif de l’Ordre du Canada approuve l’ajout de la devise. Le 1er mai, la Gouverneure générale Jeanne Sauvé fait parvenir une lettre à la reine Elizabeth II lui demandant : 1) d’autoriser l’insertion de la devise de l’Ordre du Canada sur une bande entourant les armes de Sa Majesté la Reine du chef du Canada sur les lettres patentes émises à des Canadiens; 2) d’autoriser les membres à tous les niveaux de l’Ordre du Canada qui portent des armoiries d’entourer l’écu central d’une bande inscrite de la devise de l’ordre. Le 20 mai, la reine donne son approbation.
1988 : Par lettres patentes datées du 4 juin, Sa Majesté Elizabeth II, à titre de reine du Canada, autorise le gouverneur général à exercer la prérogative royale en matière d’héraldique au Canada. Ce document permet la création de l’Autorité héraldique du Canada la même année.
1989 : Dans l’en-tête des lettres patentes du 7 mars 1989 signées par Robert D. Watt, héraut d’armes du Canada et concédant des armoiries à Son Excellence Jeanne Sauvé, la devise de l’Ordre du Canada entoure les armoiries nationales et ses armoiries personnelles [4]. Par la suite, les lettres d’armoiries suivront le même modèle pour ce qui est des armoiries du pays et celles des membres de l’Ordre du Canada [5].
1990 : Bruce Hicks continue sa campagne pour faire inclure la devise de l’Ordre du Canada dans les armoiries nationales arborées par le gouvernement et dans tout le Canada. Le 6 décembre, Jean-Paul Roy du Cérémonial d’État propose à Robert Watt la création d’un groupe de travail pour étudier la question. Watt accepte d’en faire partie.
1991 : Cathy Bursey-Sabourin, héraut Fraser, prépare deux croquis des armoiries révisées pour étude par le groupe de travail.
1992 : Le groupe de travail accepte l’un des croquis et le héraut Fraser prépare le dessin final. Au revers de la médaille du 125e anniversaire de la Confédération du Canada, la devise de l’Ordre du Canada entoure l’écu aux armes du pays (fig. 1). La devise se retrouve aussi dans une représentation complète des armoiries du Canada au centre d’un vitrail à Rideau Hall réalisé par Christopher Wallis pour le 40e anniversaire de l'accession au trône de Sa Majesté la reine Elizabeth II comme Reine du Canada et pour le 125e anniversaire de la Confédération [6]. Sa Majesté dévoile ce vitrail le 30 juin.
1993 : En mai, le Conseil consultatif de l’Ordre du Canada donne son aval aux armoiries redessinées.
1993-1995 : Le 25 juin 1993, à la suite d’une restructuration gouvernementale, le ministère du Patrimoine canadien voit le jour. Le 3 octobre 1994, l’honorable Michel Dupuy, ministre du Patrimoine canadien, propose d’établir légalement son ministère [7]. Une loi sanctionnée le 5 juin 1995 constitue ce ministère qui existe depuis près de deux ans. Il a la responsabilité du cérémonial d’État et des symboles canadiens comme l’avait eu auparavant le ministère du Secrétariat d’État [8].
1994 : Le 6 mai, Michel Dupuy recommande à Jean Chrétien, premier ministre du Canada, d’autoriser les armoiries révisées. Le 2 Juin, le premier ministre envoie le dessin des armoiries au Gouverneur général Ramon John Hnatyshyn et lui recommande de le transmettre à la reine pour son approbation. Le 21 juin, le gouverneur général envoie le dessin à la reine en spécifiant que l’augmentation aux armoiries a pour but de mettre l’accent sur l’importance nationale des armories et de l’Ordre du Canada. Le 12 Juillet, Kenneth Scott, secrétaire adjoint de la reine informe le gouverneur général que Sa Majesté a autorisé les armories modifiées.
1995 : Le 1er novembre, le ministre Dupuy dévoile la brochure Symboles du Canada publiée par le ministère du Patrimoine canadien et illustrée des armoiries révisées. Une affiche publiée par le même ministère est illustrée des armoiries et reconnaît que l’ajout reprend « une suggestion de M. Bruce Hicks d’Ottawa. »
Pour bien comprendre l’addition de la devise de l’Ordre du Canada aux armoiries du pays en 1994, le débat dans la Chambre des communes qu’elle provoque et les commentaires dans les journaux, il est important d’établir une chronologie des faits saillants entourant cet emblème depuis ses débuts en 1921. Dans l’établissement de ces notes, j’ai bénéficié d’importants renseignements de la part de mon collègue Darrel Kennedy, héraut Assiniboine, et de Dominique Lajoie, agente de programme à l’Autorité héraldique du Canada. Leur collaboration m’a permis de réaliser une chronologie beaucoup plus cohérente.
1921 : Donnant suite à une demande du gouverneur général en conseil, le roi George V assigne des armoiries au Canada par proclamation royale datée du 21 novembre. Le Parlement n’intervient aucunement dans le processus. Quelques Canadiens font des propositions, mais la population n’a aucune implication directe.
1923 : Le 24 janvier, à la demande du Secrétariat d’État, le Collège des hérauts à Londres modifie entièrement l’apparence des armoiries canadiennes sans en changer les couleurs ou les composantes. Le style choisi se veut esthétique; il est en effet démodé.
1957 : Le gouvernement charge l’héraldiste Alan Beddoe de simplifier le style des armoiries et, au cours du processus, il change les trois feuilles en pointe de l’écu de vert à rouge, remanie les lambrequins, place une feuille d’érable sur le casque et redessine la couronne royale pour correspondre à celle qui a servi au couronnement de la reine Elizabeth II, notamment la couronne dite de saint Édouard adoptée également pour les armoiries royales (fig. 3). Toutes ces retouches respectent la description héraldique contenue dans la proclamation de 1921. Peut-être en raison d’un changement de gouvernement, les modifications ne reçoivent pas l’assentiment royal. Ils sont mis à exécution par le Secrétariat d’État.
1962 : La reine Elizabeth II adopte une bannière royale pour le Canada dont le fond réplique les armoiries du pays et où les trois feuilles sont rouges. Ceci constitue une approbation indirecte des changements de 1957 et confirme le fait que les armoiries sont ses armories royales comme reine du pays depuis 1953, un fait qui était aussi exprimé sur le Grand Sceau du Canada où figurent son titre de « reine du Canada » et les armoiries qui représentent à la fois l’État et la souveraine.
1967 : Le 21 mars, la reine Elizabeth II signe les lettres patentes créant l’Ordre du Canada qui a pour devise : Desiderantes meliorem patriam (Ils aspirent à une patrie meilleure) [1].
1972 : Le 12 novembre, Conrad Swan, héraut York au Collège d’armes à Londres s’enquiert auprès d’Esmond Butler, secrétaire du gouverneur général, de la possibilité d’inclure un anneau portant la devise de l’Ordre du Canada autour des armoiries personnelles que le Collège d’armes concède à des Canadiens membres de l’ordre. Cette question fait l’objet de plusieurs discussions entre les deux correspondants et avec Carl Lochnan, directeur de la Direction des honneurs à Rideau Hall. Ce premier projet, qui n’inclut pas les armoiries du Canada, reste en suspens.
1981 : Le journaliste Bruce Hicks propose à Gerald Regan, secrétaire d’État, d’inclure la devise de l’Ordre du Canada autour de l’écu au centre des armoiries nationales [2]. Il commence à illustrer la page frontispice de son entreprise d’information avec des armoiries du Canada portant la devise et où le lion supportant l’écu est coiffé de la couronne royale sur le modèle des journaux britanniques. Il persuade le National Post d’en faire autant [3].
1986 : Le 26 mai, John L. Williamson, premier vice-président de la Société héraldique du Canada et Chef du Protocole du Nouveau-Brunswick, recommande au gouverneur général de faire ajouter la devise de l’Ordre du Canada aux armoiries du Canada en tête des lettres du Collège d’armes concédant des emblèmes à des Canadiens. Depuis plusieurs années, les armoiries du Canada figuraient sur ses lettres, mais sans la devise.
1987 : Le 14 novembre, le Conseil consultatif de l’Ordre du Canada approuve l’ajout de la devise. Le 1er mai, la Gouverneure générale Jeanne Sauvé fait parvenir une lettre à la reine Elizabeth II lui demandant : 1) d’autoriser l’insertion de la devise de l’Ordre du Canada sur une bande entourant les armes de Sa Majesté la Reine du chef du Canada sur les lettres patentes émises à des Canadiens; 2) d’autoriser les membres à tous les niveaux de l’Ordre du Canada qui portent des armoiries d’entourer l’écu central d’une bande inscrite de la devise de l’ordre. Le 20 mai, la reine donne son approbation.
1988 : Par lettres patentes datées du 4 juin, Sa Majesté Elizabeth II, à titre de reine du Canada, autorise le gouverneur général à exercer la prérogative royale en matière d’héraldique au Canada. Ce document permet la création de l’Autorité héraldique du Canada la même année.
1989 : Dans l’en-tête des lettres patentes du 7 mars 1989 signées par Robert D. Watt, héraut d’armes du Canada et concédant des armoiries à Son Excellence Jeanne Sauvé, la devise de l’Ordre du Canada entoure les armoiries nationales et ses armoiries personnelles [4]. Par la suite, les lettres d’armoiries suivront le même modèle pour ce qui est des armoiries du pays et celles des membres de l’Ordre du Canada [5].
1990 : Bruce Hicks continue sa campagne pour faire inclure la devise de l’Ordre du Canada dans les armoiries nationales arborées par le gouvernement et dans tout le Canada. Le 6 décembre, Jean-Paul Roy du Cérémonial d’État propose à Robert Watt la création d’un groupe de travail pour étudier la question. Watt accepte d’en faire partie.
1991 : Cathy Bursey-Sabourin, héraut Fraser, prépare deux croquis des armoiries révisées pour étude par le groupe de travail.
1992 : Le groupe de travail accepte l’un des croquis et le héraut Fraser prépare le dessin final. Au revers de la médaille du 125e anniversaire de la Confédération du Canada, la devise de l’Ordre du Canada entoure l’écu aux armes du pays (fig. 1). La devise se retrouve aussi dans une représentation complète des armoiries du Canada au centre d’un vitrail à Rideau Hall réalisé par Christopher Wallis pour le 40e anniversaire de l'accession au trône de Sa Majesté la reine Elizabeth II comme Reine du Canada et pour le 125e anniversaire de la Confédération [6]. Sa Majesté dévoile ce vitrail le 30 juin.
1993 : En mai, le Conseil consultatif de l’Ordre du Canada donne son aval aux armoiries redessinées.
1993-1995 : Le 25 juin 1993, à la suite d’une restructuration gouvernementale, le ministère du Patrimoine canadien voit le jour. Le 3 octobre 1994, l’honorable Michel Dupuy, ministre du Patrimoine canadien, propose d’établir légalement son ministère [7]. Une loi sanctionnée le 5 juin 1995 constitue ce ministère qui existe depuis près de deux ans. Il a la responsabilité du cérémonial d’État et des symboles canadiens comme l’avait eu auparavant le ministère du Secrétariat d’État [8].
1994 : Le 6 mai, Michel Dupuy recommande à Jean Chrétien, premier ministre du Canada, d’autoriser les armoiries révisées. Le 2 Juin, le premier ministre envoie le dessin des armoiries au Gouverneur général Ramon John Hnatyshyn et lui recommande de le transmettre à la reine pour son approbation. Le 21 juin, le gouverneur général envoie le dessin à la reine en spécifiant que l’augmentation aux armoiries a pour but de mettre l’accent sur l’importance nationale des armories et de l’Ordre du Canada. Le 12 Juillet, Kenneth Scott, secrétaire adjoint de la reine informe le gouverneur général que Sa Majesté a autorisé les armories modifiées.
1995 : Le 1er novembre, le ministre Dupuy dévoile la brochure Symboles du Canada publiée par le ministère du Patrimoine canadien et illustrée des armoiries révisées. Une affiche publiée par le même ministère est illustrée des armoiries et reconnaît que l’ajout reprend « une suggestion de M. Bruce Hicks d’Ottawa. »
Fig. 1. Revers de la médaille du 125e anniversaire de la Confédération du Canada où la devise de l’Ordre du Canada Desiderantes meliorem patriam entoure les armes du Canada.
2. Le processus de modification des armoiries nationales
En 1921, le roi Georges V assignait des armoiries au Canada par proclamation royale. Des modifications apportées aux dessin en 1923 et en 1957 se conformaient à la description héraldique (blasonnement) contenue dans la proclamation royale de 1921 de sorte que ni l’assentiment royal ni celui du Parlement étaient requis. En 1967, la reine Elizabeth II créait l’Ordre du Canada par lettres patentes. En vertu des précédents britanniques en la matière, il était normal qu’elle permette l’ajout de la devise de l’Ordre du Canada aux armoiries nationales qui étaient aussi ses armoiries en vertu de son titre de reine du Canada. Comme le Parlement n’avait pas joué de rôle dans l’assignation des armoiries au pays ni dans les changements intervenus par la suite, il eut été surprenant qu’on demande son approbation pour y ajouter une marque d’honneur conforme à celles figurant dans les armoiries royales du Royaume-Uni [9].
En redessinant les armoiries du Canada, Cathy Bursey-Sabourin, héraut Fraser à l’Autorité héraldique du Canada (fig. 2), voulait mettre l’accent sur ses aspects canadiens, non seulement par l’addition de la devise, mais en donnant beaucoup de place aux trois feuilles d’érable en pointe de l’écu sans créer un écu aussi long que dans la version de 1957 conçue par Alan Beddoe (fig. 3). Elle rendait plus visible la feuille d’érable que tient le léopard dans le cimier, conservait la feuille d’érable sur le casque (heaume) introduite en 1957, redessinait toutes les feuilles d’érable dans le style de celle sur le drapeau du Canada, donnait la forme de feuilles d’érable aux bouts des lambrequins et les mettait en évidence, le tout dans un style nouveau et plus puissant. Elle ne travaillait pas sous le sceau du secret puisqu’elle consultait les autres hérauts à ce sujet [10]. Les amateurs d’héraldique accueillirent ces changements sans surprise ou émoi du fait que la publication Heraldry in Canada / L’Héraldique au Canada ne contient aucun article ou annonce à ce sujet pendant les années 1987, 1989, 1992 et 1994 lorsque la devise de l’Ordre du Canada apparaissait progressivement dans les armoiries nationales [11].
En 1921, le roi Georges V assignait des armoiries au Canada par proclamation royale. Des modifications apportées aux dessin en 1923 et en 1957 se conformaient à la description héraldique (blasonnement) contenue dans la proclamation royale de 1921 de sorte que ni l’assentiment royal ni celui du Parlement étaient requis. En 1967, la reine Elizabeth II créait l’Ordre du Canada par lettres patentes. En vertu des précédents britanniques en la matière, il était normal qu’elle permette l’ajout de la devise de l’Ordre du Canada aux armoiries nationales qui étaient aussi ses armoiries en vertu de son titre de reine du Canada. Comme le Parlement n’avait pas joué de rôle dans l’assignation des armoiries au pays ni dans les changements intervenus par la suite, il eut été surprenant qu’on demande son approbation pour y ajouter une marque d’honneur conforme à celles figurant dans les armoiries royales du Royaume-Uni [9].
En redessinant les armoiries du Canada, Cathy Bursey-Sabourin, héraut Fraser à l’Autorité héraldique du Canada (fig. 2), voulait mettre l’accent sur ses aspects canadiens, non seulement par l’addition de la devise, mais en donnant beaucoup de place aux trois feuilles d’érable en pointe de l’écu sans créer un écu aussi long que dans la version de 1957 conçue par Alan Beddoe (fig. 3). Elle rendait plus visible la feuille d’érable que tient le léopard dans le cimier, conservait la feuille d’érable sur le casque (heaume) introduite en 1957, redessinait toutes les feuilles d’érable dans le style de celle sur le drapeau du Canada, donnait la forme de feuilles d’érable aux bouts des lambrequins et les mettait en évidence, le tout dans un style nouveau et plus puissant. Elle ne travaillait pas sous le sceau du secret puisqu’elle consultait les autres hérauts à ce sujet [10]. Les amateurs d’héraldique accueillirent ces changements sans surprise ou émoi du fait que la publication Heraldry in Canada / L’Héraldique au Canada ne contient aucun article ou annonce à ce sujet pendant les années 1987, 1989, 1992 et 1994 lorsque la devise de l’Ordre du Canada apparaissait progressivement dans les armoiries nationales [11].
Fig. 2. Les armoiries du Canada telles que redessinées par Cathy Bursey-Sabourin, héraut Fraser, et sanctionnées par la reine le 12 juillet 1994. Le dessin met l’accent sur les trois feuilles rouges en pointe de l’écu et celle que tient le léopard sous la couronne. La feuille d’érable insérée sur le casque doré (heaume) en 1957 (fig. 3) demeure. Les lambrequins rouge et blanc émanant du casque se terminent en forme de feuilles d’érable. Le style des feuilles d’érable imite celle sur le drapeau national. La devise de l’Ordre du Canada figure sur un anneau autour de l’écu. Il est intéressant de comparer le style des armoiries de 1994 (fig. 2) avec celles de 1957 (fig. 3).
Fig. 4. Il est évident que beaucoup des éléments des armoiries du Canada imitent ceux des armoiries du Royaume-Uni ― voir les figures 2 et 3. Illustration tirée de Burke’s Peerage, 1949. La forme de la couronne est différente de celle dans les figures 2, 3 et 5.
Fig. 5. Pour la première fois vers 1970, l’artiste Hans D. Birk donne la forme de feuilles d’érable aux bouts des lambrequins qui émanent du casque royal doré placé au-dessus de l’écu. L’idée est retenue pour les changements en 1994, voir figure 2. Dessin Bibliothèque et Archives Canada.
Fig. 6. Les devises accompagnant les armoiries royales telles qu’arborées en Écosse sont sur des listeaux disposés horizontalement dans le haut et le bas. Ce qui entoure l’écu est le collier de l’ordre du Chardon et non sa devise Nemo me impune lacessit (Personne ne me défie impunément) qui apparait sous l’écu. L’autre devise In defens (Pour ma défense) remonte à Jacques III d’Écosse et date de 1480 environ. Dessin d’Alan Beddoe reproduit dans Heraldry in Canada / L’Héradique au Canada, vol. 1, no 5, 1967, p. 20.
Fig. 7. Les devises dans les armoiries de la France royale ne figurent pas autour de l’écu. « Montjoie Saint-Denis! » sur un listel dans le haut et de chaque côté du pavillon est le cri de guerre des rois de France. Saint Denis est le saint patron de la France alors que « … les Montjoies sont relatifs à des lieux élevés d’où l’on découvre pour la première fois une ville ou une église chère au cœur du pèlerin. » (Hervé PINOTEAU, La symbolique royale française V e – XVIIIe siècles, 2003, p. 479). L’autre devise Lilia non laborant neque nent provient de l’évangile selon saint Mathieu (6:28) et notamment du verset « Considerate lilia agri quomodo crescunt; non laborant, neque nent. » qui signifie « Observez les lis des champs, comme ils poussent; ils ne peinent, ni ne filent. » L’inscription latine « Seu venere solo, Seu sunt hæc edita cœlo, Hæc sunt digna solo Lilia, digna polo. » signifie « Qu’il émane du sol ou d’en haut, le lis est digne à la fois de la terre et du ciel ». Illustration tirée de François MÉNESTRIER, Abrégé méthodique des principes héraldiques ou du véritable art du blason, 1673.
3. Les débats du mardi 5 décembre 1995
Le 4 décembre, le libéral Patrick Gagnon, secrétaire parlementaire du solliciteur général, fait paraître un communiqué de presse décrivant les armoiries redessinées. Il souligne le bien-fondé de l’innovation et la place qu’elle occupe dans l’historique des armoiries nationales. Il déplore que ce geste patriotique soit passé presque inaperçu dans l’ensemble du pays. Comme Québécois, il avait souvent constaté le caractère trop britannique des anciennes armoiries. Il note également que les Québécois n’ont pas réagi de façon positive ou négative à ce changement [12].
La première intervention dans la Chambre des communes au sujet des armoiries révisées vient aussi de Gagnon à titre de député de Bonaventure-Îles-de-la-Madeleine. Il attire l’attention sur l’amélioration proposée par Bruce Hicks, membre de la tribune des journalistes, notamment l’ajout de la devise de l’Ordre du Canada qui est la plus haute décoration du pays. Il affirme, que la reine avait, en 1987, autorisé une « utilisation limitée » des modifications et que l’an dernier elle sanctionnait un « usage généralisé ». En plus, il avait pris l’initiative d’envoyer électroniquement à tous les députés une copie des armoiries révisées pour « les faire figurer dans leur en-tête et leurs publications » et il signale que le ministre du Patrimoine canadien avait fait connaître ces révisions dans la publication de son ministère Les Symboles du Canada. Il termine en disant : « Nous, les Canadiens, ne brandissons pas notre drapeau à tout bout de champ. Mais, pour ma part, je suis fier de mon pays et de ses symboles. J'applaudis le gouverneur général pour ce changement [13]. »
Le 4 décembre, le libéral Patrick Gagnon, secrétaire parlementaire du solliciteur général, fait paraître un communiqué de presse décrivant les armoiries redessinées. Il souligne le bien-fondé de l’innovation et la place qu’elle occupe dans l’historique des armoiries nationales. Il déplore que ce geste patriotique soit passé presque inaperçu dans l’ensemble du pays. Comme Québécois, il avait souvent constaté le caractère trop britannique des anciennes armoiries. Il note également que les Québécois n’ont pas réagi de façon positive ou négative à ce changement [12].
La première intervention dans la Chambre des communes au sujet des armoiries révisées vient aussi de Gagnon à titre de député de Bonaventure-Îles-de-la-Madeleine. Il attire l’attention sur l’amélioration proposée par Bruce Hicks, membre de la tribune des journalistes, notamment l’ajout de la devise de l’Ordre du Canada qui est la plus haute décoration du pays. Il affirme, que la reine avait, en 1987, autorisé une « utilisation limitée » des modifications et que l’an dernier elle sanctionnait un « usage généralisé ». En plus, il avait pris l’initiative d’envoyer électroniquement à tous les députés une copie des armoiries révisées pour « les faire figurer dans leur en-tête et leurs publications » et il signale que le ministre du Patrimoine canadien avait fait connaître ces révisions dans la publication de son ministère Les Symboles du Canada. Il termine en disant : « Nous, les Canadiens, ne brandissons pas notre drapeau à tout bout de champ. Mais, pour ma part, je suis fier de mon pays et de ses symboles. J'applaudis le gouverneur général pour ce changement [13]. »
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Le premier ministre avait recommandé ce changement au gouverneur général qui avait transmis le dessin des armories augmentées à la reine pour son approbation (voir 1994 dans les notes chronologiques).
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Un peu plus tard dans la journée, la réformiste, Mme Deborah Grey, députée de Beaver River en Alberta revient sur la question des armoiries en citant le communiqué de presse que Gagnon avait émis le jour précédent à titre de secrétaire parlementaire du solliciteur général :
« Le Canada a de nouvelles armoiries qu'on va distribuer cette semaine aux députés et dans les écoles de tout le pays. Ces nouvelles armoiries figureront sur tous les billets, les passeports, les édifices du gouvernement et les insignes et galons dans les Forces canadiennes. En tant que Canadien français, j'ai toujours pensé que les armoiries utilisées étaient trop étroitement liées aux Britanniques. Ces nouvelles armoiries sont un changement important dans notre évolution en tant que pays. »
Elle demande au ministre du Patrimoine si ces renseignements sont justes et dans « l'affirmative, pourquoi la population canadienne n'a-t-elle même pas eu son mot à dire? »
« Le Canada a de nouvelles armoiries qu'on va distribuer cette semaine aux députés et dans les écoles de tout le pays. Ces nouvelles armoiries figureront sur tous les billets, les passeports, les édifices du gouvernement et les insignes et galons dans les Forces canadiennes. En tant que Canadien français, j'ai toujours pensé que les armoiries utilisées étaient trop étroitement liées aux Britanniques. Ces nouvelles armoiries sont un changement important dans notre évolution en tant que pays. »
Elle demande au ministre du Patrimoine si ces renseignements sont justes et dans « l'affirmative, pourquoi la population canadienne n'a-t-elle même pas eu son mot à dire? »
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Ici il convient de préciser qu’il ne s’agissait pas de nouvelles armoiries, mais des mêmes armoiries que le roi George V avait assigné au pays par proclamation royale en 1921 avec le seul ajout de la devise de l’Ordre du Canada qui constituait une marque d’honneur ou augmentation à l’instar de la devise de l’Ordre de la Jarretière dans les armoiries de la Grande-Bretagne. Depuis 1905, le Secrétariat d’État était impliqué dans les démarches pour doter les provinces et territoires d’emblèmes. Ce ministère avait présidé aux modifications apportées aux armoiries du Canada en 1923 et 1957 et publiait les brochures concernant les armoiries du pays. Par la suite, cette responsabilité appartenait au ministère du Patrimoine canadien créé le 25 juin 1993 (voir 1993-1995 dans les notes chronologiques).
Le 4 juin 1988, des lettres patentes de Sa Majesté la reine Elizabeth II transférait au gouverneur général l’exercice de la prérogative royale en matière d’armoiries au Canada, ce qui donnait lieu à la création de l’Autorité héraldique du Canada. Mais les armoiries du Canada existaient en fonction d’une proclamation royale. Il s’agissait, non seulement des armoiries du pays, mais des armoiries personnelles d’Elizabeth II comme souveraine du pays du fait qu’elle possédait le titre de reine du Canada depuis 1953. C’est pourquoi elle devait sanctionner tout changement à la version officielle des armoiries que le blason (description héraldique) n’incluait pas.
Le gouvernement s’était conformé aux usages mis en place depuis des décennies. Lorsque la députée Grey demande pourquoi la population canadienne n’a pas eu un mot à dire au sujet de l’ajout de la devise, elle ne semble pas saisir très bien ce qui est en jeu ni connaître les précédents en la matière. La phrase de M. Gagnon à l’effet qu’il avait toujours trouvé les armoiries du Canada trop semblable aux armoiries du Royaume-Uni en tant que Canadien français est à retenir car elle sera éventuellement reprise à des fins accusatrices par des journalistes. Notons en passant qu’il est évident que le contenu des armoiries du Canada est très près de celles du Royaume-Uni (comparer fig. 2 et 3 avec 4).
Le 4 juin 1988, des lettres patentes de Sa Majesté la reine Elizabeth II transférait au gouverneur général l’exercice de la prérogative royale en matière d’armoiries au Canada, ce qui donnait lieu à la création de l’Autorité héraldique du Canada. Mais les armoiries du Canada existaient en fonction d’une proclamation royale. Il s’agissait, non seulement des armoiries du pays, mais des armoiries personnelles d’Elizabeth II comme souveraine du pays du fait qu’elle possédait le titre de reine du Canada depuis 1953. C’est pourquoi elle devait sanctionner tout changement à la version officielle des armoiries que le blason (description héraldique) n’incluait pas.
Le gouvernement s’était conformé aux usages mis en place depuis des décennies. Lorsque la députée Grey demande pourquoi la population canadienne n’a pas eu un mot à dire au sujet de l’ajout de la devise, elle ne semble pas saisir très bien ce qui est en jeu ni connaître les précédents en la matière. La phrase de M. Gagnon à l’effet qu’il avait toujours trouvé les armoiries du Canada trop semblable aux armoiries du Royaume-Uni en tant que Canadien français est à retenir car elle sera éventuellement reprise à des fins accusatrices par des journalistes. Notons en passant qu’il est évident que le contenu des armoiries du Canada est très près de celles du Royaume-Uni (comparer fig. 2 et 3 avec 4).
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L’honorable Michel Dupuy, ministre du Patrimoine canadien, député de Laval-Ouest au Québec, semblait ennuyé de voir revenir sur le tapis cette question qu’il avait réglé selon les formes prescrites plus d’un an auparavant. Il n’avait rien initié et son rôle en la matière avait été purement officiel. À l’instar du député Gagnon, il répète que la reine avait sanctionné les armoiries en 1987 sans préciser qu’il s’agissait d’une application restreinte. Il ajoute : « Je suis toujours disposé à organiser de grandes fêtes pour célébrer des événements, mais celle-ci viendrait un petit peu tard. »
Mme Grey fait remarquer à l’honorable Dupuy que le communiqué de presse de M. Gagnon « dit que la reine Elizabeth a approuvé le 12 juillet 1994, et non en 1987, les armoiries du Canada proposées par Bruce Hicks, de la tribune des journalistes. » Elle ajoute : « Le problème, c'est que ni le Parlement ni les Canadiens n'ont été saisis de ce changement. Ma question porte sur les symboles. Ces symboles n'appartiennent pas au gouvernement libéral, mais bien aux Canadiens. Si c'est bien vrai, pourquoi le Parlement n'en a-t-il même pas discuté? Nous avons été confrontés à la clôture dans le cas de la motion sur la société distincte et des vetos constitutionnels. Pourquoi applique-t-on la clôture dans ce cas-ci également [14]? »
Le ministre Dupuy précise que la date de 1987 est exacte, mais que la reine a récemment approuvé l’utilisation des armoiries dans tout le Canada. Il ajoute : « … il faut se rappeler que les armoiries relèvent de la compétence du Gouverneur général du Canada. Bien entendu, si l'opposition ou le tiers parti veut tenir un grand débat là-dessus, il est toujours possible d'utiliser les journées d'opposition à cette fin [15]. »
Mme Grey fait remarquer à l’honorable Dupuy que le communiqué de presse de M. Gagnon « dit que la reine Elizabeth a approuvé le 12 juillet 1994, et non en 1987, les armoiries du Canada proposées par Bruce Hicks, de la tribune des journalistes. » Elle ajoute : « Le problème, c'est que ni le Parlement ni les Canadiens n'ont été saisis de ce changement. Ma question porte sur les symboles. Ces symboles n'appartiennent pas au gouvernement libéral, mais bien aux Canadiens. Si c'est bien vrai, pourquoi le Parlement n'en a-t-il même pas discuté? Nous avons été confrontés à la clôture dans le cas de la motion sur la société distincte et des vetos constitutionnels. Pourquoi applique-t-on la clôture dans ce cas-ci également [14]? »
Le ministre Dupuy précise que la date de 1987 est exacte, mais que la reine a récemment approuvé l’utilisation des armoiries dans tout le Canada. Il ajoute : « … il faut se rappeler que les armoiries relèvent de la compétence du Gouverneur général du Canada. Bien entendu, si l'opposition ou le tiers parti veut tenir un grand débat là-dessus, il est toujours possible d'utiliser les journées d'opposition à cette fin [15]. »
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Comme nous l’avons vu, un héraut de l’Autorité héraldique du Canada avait redessiné les armoiries du Canada et inclut la devise de l’Ordre du Canada, mais ni le héraut d’armes du Canada, ni le Gouverneur général du Canada détenaient l’autorité de modifier les armoiries du pays qui sont aussi les armoiries de la reine à titre de reine du Canada.
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Le réformiste Chuck Strahl, député de Fraser Valley-Est en Colombie-Britannique affirme qu’il a passé l’avant-midi à tenter de comprendre « l'objet exact du communiqué » de presse émis par le secrétaire parlementaire du solliciteur général « qui est d'ailleurs rédigé comme un roman de Le Carré. » Il a aussi consulté le bureau du premier ministre et le Conseil privé qui ignoraient tout des modifications et le whip des libéraux qui a répondu « Il doit y avoir une erreur. » Il s’interroge sur l’objet des modifications, le moment choisi, la raison de la discrétion qui l’entoure et le fait « que personne en face ne sait de quoi retourne le communiqué? »
Il semble que celui qui était le mieux placé pour fournir des explications était le député Gagnon qui avait émis le communiqué, mais la réponse vint de la bouche du ministre Dupuy à l’effet qu’on avait apporté plusieurs changements aux armoiries auparavant, qu’on venait de constater « quoique tardivement » qu’il en avait eu un autre et que « Si le député veut en faire tout un plat, qu'il aille dehors s'installer sur le dos de la licorne. »
L’honorable Michel Dupuy faisait sans doute allusion à la licorne au pied de la tour de la Paix qui tient l’écu du Canada et la bannière de France. Cette sculpture réalisée par Cœur-de-Lion MacCarthy et Cléophas Soucy fait partie du patrimoine national canadien, mais cette subtilité échappe sans doute au président de la chambre qui exhorte les intervenant à « choisir judicieusement leurs mots ». Il donne la parole au député Strahl qui accuse le gouvernement d’arrogance et de suivre l’exemple du précédent gouvernement conservateur en voulant adopter des mesures précipitamment « sans même consulter les Canadiens. ». Il demande :« Pourquoi le gouvernement tente-t-il de modifier en cachette les armoiries du Canada et pourquoi modifier les symboles fondamentaux du Canada au moment même où nous déployons des efforts pour préserver l'unité de notre pays? »
Le ministre du Patrimoine rétorque en reprenant l’idée que les modifications aux armories remontent à 1987, que son ministère a fait imprimer des brochures pour expliquer l’ajout de la devise de l’Ordre du Canada qui invite à œuvrer pour une patrie meilleure : « Maintenant, si certains disent que ces mots ne sont plus pertinents, j'en disconviens. Nos vis-à-vis devraient s'appliquer à bâtir un meilleur pays, mais ils ne le font pas [16]. »
Le réformiste Preston Manning, député de Calgary-Sud-Ouest, Alberta remonte à la semaine dernière et à la question de la société distincte où on attachait beaucoup d’importance aux symboles. Or à ce moment, il est question d’une modification aux armoiries du Canada et le ministre, qui devrait « être le gardien de ces choses, traite la question à la légère. Selon le ministre du Patrimoine canadien, à qui appartient ce symbole canadien? À la souveraine, au gouvernement, à quelque député libéral ou au peuple du Canada? »
Dupuy réplique qu’il est certain que les armoiries appartiennent à tous les Canadiens, particulièrement à ceux qui aspirent à une patrie meilleure. Il invite les réformistes à donner leur aval aux modifications.
Manning interroge : « … si les armoiries appartiennent aux Canadiens et s'il [le ministre Dupuis] aspire à une patrie meilleure, comment se fait-il que les Canadiens ne soient pas consultés et n'aient rien à dire sur la modification des armoiries du Canada? »
Dupuy affirme que « … c'est l'Autorité héraldique du Canada, relevant du gouverneur général, qui est responsable des armoiries. C'est ainsi que les armoiries sont modifiées. La reine a donné son approbation. Si, comme je l'ai dit précédemment, mon collègue veut déclencher un débat national au sujet du changement, qu'il le fasse. »
Ensuite, la réformiste Mme Jan Brown de Calgary-Sud-Est, Alberta rappelle à quel point le grand débat sur le drapeau du Canada était déchirant, mais avait offert « à tous les Canadiens la possibilité de contribuer à définir les symboles de leur pays. » Elle affirme « que le communiqué de presse était assorti d'un embargo jusqu'à 10 heures le 4 décembre 1995. »
La réplique vient de l’honorable Herb Gray, député de Windsor-Ouest, leader du gouvernement à la Chambre des communes et solliciteur général du Canada. Il a en main la brochure du Patrimoine canadien dévoilée le 1er novembre précédent (voir la chronologie) où il est écrit que le roi George V avait assigné les armoiries par proclamation en 1921 et que la reine Elizabeth II avait approuvé l’ajout de la devise le 12 juillet 1994. Il conclut avec l’exhortation « J'espère que la députée veut elle aussi une patrie meilleure. »
Mme Brown rétorque qu’elle travaille comme tous les Canadiens à édifier un meilleur Canada, mais que M. Gray n’a pas répondu à sa question au sujet de l’embargo. Elle révèle le fond de sa pensée : « De plus, si la Chambre des communes est bien un endroit où tous les Canadiens, par notre intermédiaire, débattent des questions nationales, j'aimerais savoir pourquoi il n'y a pas eu de débat à la Chambre des communes sur une question fondamentale très simple comme celle-là. »
Gray signale que, sauf indication contraire, la brochure a été distribuée il y a quelque temps au public et à tous les députés de sorte qu’il n’y a pas de secret et il résume « J'ajouterai que, s'il est vrai qu'il y a eu un débat et un vote à la Chambre des communes sur le drapeau canadien et sur notre hymne national, la question des armoiries du Canada relève directement de Sa Majesté la Reine et pas de la Chambre des communes. Par conséquent, je ne vois pas de raison de critiquer le gouvernement pour un geste posé par Sa Majesté la Reine [17]. »
Il semble que celui qui était le mieux placé pour fournir des explications était le député Gagnon qui avait émis le communiqué, mais la réponse vint de la bouche du ministre Dupuy à l’effet qu’on avait apporté plusieurs changements aux armoiries auparavant, qu’on venait de constater « quoique tardivement » qu’il en avait eu un autre et que « Si le député veut en faire tout un plat, qu'il aille dehors s'installer sur le dos de la licorne. »
L’honorable Michel Dupuy faisait sans doute allusion à la licorne au pied de la tour de la Paix qui tient l’écu du Canada et la bannière de France. Cette sculpture réalisée par Cœur-de-Lion MacCarthy et Cléophas Soucy fait partie du patrimoine national canadien, mais cette subtilité échappe sans doute au président de la chambre qui exhorte les intervenant à « choisir judicieusement leurs mots ». Il donne la parole au député Strahl qui accuse le gouvernement d’arrogance et de suivre l’exemple du précédent gouvernement conservateur en voulant adopter des mesures précipitamment « sans même consulter les Canadiens. ». Il demande :« Pourquoi le gouvernement tente-t-il de modifier en cachette les armoiries du Canada et pourquoi modifier les symboles fondamentaux du Canada au moment même où nous déployons des efforts pour préserver l'unité de notre pays? »
Le ministre du Patrimoine rétorque en reprenant l’idée que les modifications aux armories remontent à 1987, que son ministère a fait imprimer des brochures pour expliquer l’ajout de la devise de l’Ordre du Canada qui invite à œuvrer pour une patrie meilleure : « Maintenant, si certains disent que ces mots ne sont plus pertinents, j'en disconviens. Nos vis-à-vis devraient s'appliquer à bâtir un meilleur pays, mais ils ne le font pas [16]. »
Le réformiste Preston Manning, député de Calgary-Sud-Ouest, Alberta remonte à la semaine dernière et à la question de la société distincte où on attachait beaucoup d’importance aux symboles. Or à ce moment, il est question d’une modification aux armoiries du Canada et le ministre, qui devrait « être le gardien de ces choses, traite la question à la légère. Selon le ministre du Patrimoine canadien, à qui appartient ce symbole canadien? À la souveraine, au gouvernement, à quelque député libéral ou au peuple du Canada? »
Dupuy réplique qu’il est certain que les armoiries appartiennent à tous les Canadiens, particulièrement à ceux qui aspirent à une patrie meilleure. Il invite les réformistes à donner leur aval aux modifications.
Manning interroge : « … si les armoiries appartiennent aux Canadiens et s'il [le ministre Dupuis] aspire à une patrie meilleure, comment se fait-il que les Canadiens ne soient pas consultés et n'aient rien à dire sur la modification des armoiries du Canada? »
Dupuy affirme que « … c'est l'Autorité héraldique du Canada, relevant du gouverneur général, qui est responsable des armoiries. C'est ainsi que les armoiries sont modifiées. La reine a donné son approbation. Si, comme je l'ai dit précédemment, mon collègue veut déclencher un débat national au sujet du changement, qu'il le fasse. »
Ensuite, la réformiste Mme Jan Brown de Calgary-Sud-Est, Alberta rappelle à quel point le grand débat sur le drapeau du Canada était déchirant, mais avait offert « à tous les Canadiens la possibilité de contribuer à définir les symboles de leur pays. » Elle affirme « que le communiqué de presse était assorti d'un embargo jusqu'à 10 heures le 4 décembre 1995. »
La réplique vient de l’honorable Herb Gray, député de Windsor-Ouest, leader du gouvernement à la Chambre des communes et solliciteur général du Canada. Il a en main la brochure du Patrimoine canadien dévoilée le 1er novembre précédent (voir la chronologie) où il est écrit que le roi George V avait assigné les armoiries par proclamation en 1921 et que la reine Elizabeth II avait approuvé l’ajout de la devise le 12 juillet 1994. Il conclut avec l’exhortation « J'espère que la députée veut elle aussi une patrie meilleure. »
Mme Brown rétorque qu’elle travaille comme tous les Canadiens à édifier un meilleur Canada, mais que M. Gray n’a pas répondu à sa question au sujet de l’embargo. Elle révèle le fond de sa pensée : « De plus, si la Chambre des communes est bien un endroit où tous les Canadiens, par notre intermédiaire, débattent des questions nationales, j'aimerais savoir pourquoi il n'y a pas eu de débat à la Chambre des communes sur une question fondamentale très simple comme celle-là. »
Gray signale que, sauf indication contraire, la brochure a été distribuée il y a quelque temps au public et à tous les députés de sorte qu’il n’y a pas de secret et il résume « J'ajouterai que, s'il est vrai qu'il y a eu un débat et un vote à la Chambre des communes sur le drapeau canadien et sur notre hymne national, la question des armoiries du Canada relève directement de Sa Majesté la Reine et pas de la Chambre des communes. Par conséquent, je ne vois pas de raison de critiquer le gouvernement pour un geste posé par Sa Majesté la Reine [17]. »
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Lorsque les réformistes soulèvent la question des modifications aux armoiries, ils ne savent pas très bien de quoi il s’agit, mais veulent mettre les libéraux dans l’embarras. Le ministre Dupuy ne s’attend pas à être interrogé sur une question qu’il a réglée selon les précédents plus d’un an auparavant et pour laquelle il a joué un rôle purement officiel, le travail de détails étant laissé à d’autres. Ses réponses sont laconiques et parsemées de sarcasmes. Il n’explique pas clairement que les armoiries du Canada sont aussi les armoiries de la reine à titre de reine du Canada et qu’elle seule a le droit de les modifier. Il ne semble pas se rendre compte que, dans ce cas précis, le rôle de l’Autorité héraldique relevant du gouverneur général est de traduire artistiquement le changement aux armoiries et non pas d’autoriser ce changement qui relève de la souveraine. C’est finalement le ministre Gray qui met l’accent sur les faits essentiels : que les armoiries ont été assignées par proclamation royale et les modifications approuvées par la reine, que tous les députés avaient reçu la brochure Les symboles du Canada qui contenait une illustration des armoires avec des explications et que la Chambre n’avait pas à débattre une affaire sanctionnée par Sa Majesté.
Le député Patrick Gagnon a voulu par plusieurs moyens faire connaître les changements aux armoiries aux députés de la Chambre des communes. Il agissait sans doute par enthousiasme, mais ce faisant il s’immisçait dans un rôle qui incombait essentiellement au ministre du Patrimoine canadien. Son intervention pour faire connaître les modifications a soulevé la controverse et il n’a guère repris la parole en Chambre pour expliquer ou justifier les changements. Par contre, le communiqué de presse du 4 décembre qui provient de son bureau comme secrétaire parlementaire du solliciteur général est exact, complet pour l’essentiel et facile à comprendre. Il avait pour objet de renseigner les Canadiens au sujet de l’ajout aux armoiries. Les critiques de Chuck Strahl à l’effet qu’il ne saisit pas l’objectif du communiqué qui se lit comme un roman de John Le Carré, c’est-à-dire un roman policier, sont évidemment un expédient politique.
Il n’y avait pas de motion devant la Chambre au sujet des armoiries. Les échanges se produisaient pendant une période de questions. Même si les questions abondaient, elles manquaient de pertinence. Comme Bruce Hicks le disait, il s’agissait d’une tempête dans un verre d’eau. Si les libéraux avaient voulu faire des armoiries l’objet d’un débat ou d’un projet de loi, l’opposition n’aurait sans doute pas manqué de souligner la futilité de cette démarche.
Mme Grey lie la question des armoiries à celle de la société distincte et Preston Manning à l’unité nationale, mais personne n’exprime l’idée que les changements sont motivés par une volonté de plaire au Québec. Les commentaires livrés aux journalistes seront d’une autre portée.
Le député Patrick Gagnon a voulu par plusieurs moyens faire connaître les changements aux armoiries aux députés de la Chambre des communes. Il agissait sans doute par enthousiasme, mais ce faisant il s’immisçait dans un rôle qui incombait essentiellement au ministre du Patrimoine canadien. Son intervention pour faire connaître les modifications a soulevé la controverse et il n’a guère repris la parole en Chambre pour expliquer ou justifier les changements. Par contre, le communiqué de presse du 4 décembre qui provient de son bureau comme secrétaire parlementaire du solliciteur général est exact, complet pour l’essentiel et facile à comprendre. Il avait pour objet de renseigner les Canadiens au sujet de l’ajout aux armoiries. Les critiques de Chuck Strahl à l’effet qu’il ne saisit pas l’objectif du communiqué qui se lit comme un roman de John Le Carré, c’est-à-dire un roman policier, sont évidemment un expédient politique.
Il n’y avait pas de motion devant la Chambre au sujet des armoiries. Les échanges se produisaient pendant une période de questions. Même si les questions abondaient, elles manquaient de pertinence. Comme Bruce Hicks le disait, il s’agissait d’une tempête dans un verre d’eau. Si les libéraux avaient voulu faire des armoiries l’objet d’un débat ou d’un projet de loi, l’opposition n’aurait sans doute pas manqué de souligner la futilité de cette démarche.
Mme Grey lie la question des armoiries à celle de la société distincte et Preston Manning à l’unité nationale, mais personne n’exprime l’idée que les changements sont motivés par une volonté de plaire au Québec. Les commentaires livrés aux journalistes seront d’une autre portée.
4. Réactions dans les journaux
Lorsque confrontée aux journalistes, la députée Deborah Grey révèle les vrais motifs de son intervention en Chambre. Elle croit que les libéraux ont gardé les changements aux armoiries secrets pour ne pas déplaire aux Québécois à un moment où ils prévoyaient l’élection d’un gouvernement « séparatiste » dans la province. Plus précisément selon elle, ils ont choisi de se taire momentanément pour glisser un fait accompli en douce le moment jugé opportun [18]. À un autre journaliste, elle avait dit que les Québécois se plaignaient constamment d’aliénation et que cette mesure allait aliéner le reste du pays — comme si le Québec avait souhaité le changement aux armoiries. En plus, elle affirme n’avoir rien vu de pareil; qu’elle se souvenait comme adolescente du débat déchirant sur le drapeau du Canada, mais, qu’au moins, il y avait eu un débat [19] — comme si on pouvait mettre sur un pied d’égalité l’adoption d’un drapeau national et l’ajout d’une devise approuvé par la reine à un emblème assigné des décennies auparavant par proclamation royale.
Michel Gauthier du Bloc québécois, député de Roberval, qualifie l’exercice de « perte de temps ». Il se moque de la banalité des propos des réformistes qui aspirent à devenir l’opposition officielle et fait remarquer que si les Québécois étaient témoins des trivialités qui préoccupait le Parlement, il y aurait davantage de souverainistes [20]. D’autres intervenants cherchent à mettre l’accent sur le côté positif de la question. En dehors de la Chambre, le ministre du Patrimoine canadien résume tout l’exercice en quelques mots simples, notamment que l’ajout de la devise avait pour but de donner aux armoiries un cachet plus canadien [21]. Effectivement, toutes les modifications stylistiques et décoratives apportées aux armoiries par l’artiste de l’Autorité héraldique du Canada allaient précisément dans ce sens.
L’un des articles nous apprend que Patrick Gagnon et Bruce Hicks étaient des amis à l’Université McGill et que Gagnon avait travaillé pour Hicks de 1988 à 1993 d’où leur intérêt mutuel pour l’emblème du pays. M. Hicks révèle aussi qu’il a contribué des citations et renseignements pour le communiqué de presse, mais que Gagnon ou son personnel avaient rédigé le texte final. Hicks voit les modifications aux armories comme une responsabilité gouvernementale où il n’y a pas lieu d’impliquer le public. Il craint néanmoins d’être oublié comme celui qui a eu l’idée d’ajouter la devise et qui a milité pendant 14 ans pour la faire accepter. S’il est vrai que la brochure Les symboles du Canada ne mentionne pas M. Hicks, une affiche du Patrimoine canadien expliquant la modification aux armoiries le mentionne comme celui qui a proposé l’ajout de la devise [22]. Pour sa part, le député Gagnon avait crédité Hicks pour les changements dans son communiqué de presse, dans son intervention en Chambre et dans un article qu’il fera paraître par la suite.
Au-delà du débat politisé accusant les libéraux d’avoir agi en sous-main et soulignant l’indignation des réformistes, plusieurs articles paraissant dans les journaux veulent démontrer que l’insertion de la devise représentait un geste patriotique bien intentionné. Ces articles mettent l’accent sur l’historique des armoiries et le parcours qui a mené à l’inclusion de la devise. L’un des articles est de la plume de Bruce Hicks. Il qualifie le débat de tempête dans un verre d’eau (tempest in a teapot) qui vient brouiller les cartes et il s’attache surtout à éduquer le public quant à l’histoire et le symbolisme des armoiries en soulignant que la devise entourant l’écu et exprimant l’aspiration à une meilleure patrie est conforme à d’autres armoiries royales comme celles de l’Angleterre, de l’Écosse et de l’ancienne France, ce qui n’est pas entièrement exact (voir fig. 6-7) [23]. Patrick Gagnon estime aussi que le débat est une comédie porteuse de confusion qui vient gâter une belle réalisation canadienne. Il s’exprime en ce sens dans les journaux tout en faisant connaître les antécédents de l’emblème et les péripéties qui ont mené à l’insertion de la devise [24]. Le ministère du Patrimoine canadien rédige également un communiqué de presse qui crédite Hicks pour les changements et met l’accent sur le symbolisme et l’historique des composantes de l’emblème avec beaucoup de détails sur ses origines européennes [25].
Un journaliste ramène la question au Québec en publiant « A Coat to fit Québec: Ottawa makes a surreptitious change to a national symbol » (Un écu fait sur mesure pour le Québec : Ottawa apporte subrepticement des modifications à un symbole national). L’auteur admet que le Parti québécois n’a pas participé au débat, mais qu’un communiqué officiel du gouvernement suggère que les changements avaient en partie pour objet d’accommoder le Québec. Il se fonde sur les déclarations de Gagnon à l’effet que, comme Canadien français, il avait toujours trouvé les armoiries du Canada trop calquées sur celles du Royaume-Uni et que, même si la composition n’avait pas soulevé l’ire des Québécois, elle n’avait pas non plus éveillé de sentiments positifs parmi eux. Il blâme partiellement le communiqué pour l’indignation des réformistes du fait que celui-ci faisait état de nouvelles armoiries alors qu’il ne s’agissait que d’un ajout honorifique [26].
Au Nouveau Brunswick, les modifications aux armoiries donnent lieu à une interprétation aberrante. Gregory James Hargrove, chef du Confederation of Regions Party, un parti contre le bilinguisme et Wilmot F. Ross, un conseiller du parti, profitent de l’occasion pour monter une campagne contre les Québécois et les Acadiens. Ross fait parvenir au Saint John Telegraph Journal une lettre du 13 février 1996 pleine d’indignation intitulée « Coat of Arms Made Blood Boil » — littéralement que les changements aux armoiries « lui ont fait bouillir le sang », c’est-à-dire l’ont fait sortir de ses gonds. L’objet de son déchaînement est qu’il s’est persuadé que, dans les armoiries canadiennes révisées, la licorne, support senestre de l’écu, tient le drapeau du Québec. Il proteste que l’introduction subreptice de ce drapeau est un affront aux autres provinces qui n’y figurent pas, niant ainsi leur existence même et élevant la province de Québec au niveau d’une nation comme si elle l’avait été depuis la Confédération.
Évidemment, la déclaration à l’emporte-pièce de Ross manque de rigueur intellectuelle puisqu’il confond le drapeau de la province de Québec avec la bannière de France qui figure dans les armoiries du Canada depuis 1921 et non depuis la Confédération. Dans un article d’une ironie piquante faisant appel à l’imagerie de Don Quichotte qui lutte contre des moulins à vent, Robert Pichette, expert en héraldique canadienne, se charge de faire l’éducation de Wilmot Ross quant aux vrais changements apportés aux armoiries. Il élargit le débat en brossant un tableau politique des enjeux qui opposent Hargrove et son parti aux aspirations des Acadiens et lance un appel à l’unité dans le même sens que la devise « ils aspirent à une patrie meilleure ». Il fait aussi remarquer que les armoiries du Canada telles qu’assignées par proclamation royale en 1921 sont à peine canadiennes ayant été conçues à l’apogée de l’Empire britannique, une observation qui rejoint les propos de Patrick Gagnon exprimés plus haut [27].
Le 5 septembre 1996, plus de deux ans après l’approbation par la reine du changement aux armoiries nationales et plus de neuf mois après les débats en Chambre, un article imprégné de vitriole paraît dans le Saskatoon Star-Phoenix sous la signature de Diane Francis. L’article dénonce l’insertion de la devise de l’Ordre du Canada comme étant une capitulation devant les séparatistes (« Crest change a sellout to separatists »). En premier lieu, elle affiche son ignorance au niveau de la langue du blason en utilisant le mot « crest » qui veut dire cimier en anglais, c’est-à-dire ce qui se trouve au-dessus du casque, l’expression « crest » étant employé trop souvent par le grand public pour désigner des armoiries complètes. Elle met l’accent sur le fait que la devise du Canada a été A Mari Usque Ad Mare pendant 74 ans et maintenant des culturocrates (culture-crats) en difficulté financière (fiscally challenged) veulent ajouter Desiderantes Meliorem Patriam. Cette observation révèle une grande ignorance des pratiques héraldiques puisque les armoiries des pays (voir fig. 4, 6-7) et parfois des particuliers peuvent afficher deux devises. Elle en conclut qu’il est évident que des séparatistes ont infiltré le ministère du Patrimoine canadien.
Même si l’ajout aux armoiries n’avait pas fait l’objet d’une motion ou d’un vote en Chambre, la journaliste insiste qu’on a forcé l’adoption précipitée des armoiries révisées par le Parlement (« the alterations were rammed through Parliament from out of left field ») à un moment opportun, notamment à la suite d’un référendum (« in the aftermath of a referendum vote » qui visait à rendre la devise « D’un océan à l’autre » obsolète. Ces affirmations faussaient la réalité puisque le Parlement n’avait pas approuvé la devise et que l’approbation royale des armoiries modifiées se faisait en juillet 1994 alors que le référendum sur la souveraineté du Québec se tenait le 30 octobre 1995. En plus, ajoute-t-elle, les modifications, comme tout ce que font les libéraux, étaient conçues pour être bien reçues des Québécois. Pour étayer sa thèse à l’effet que les libéraux s’étaient vendus aux séparatistes, elle reprend les propos de Patrick Gagnon exprimant l’opinion que les armoiries d’avant 1994 étaient trop britanniques et ne plaisaient pas particulièrement aux Québécois.
La journaliste formule ensuite une comparaison invraisemblable où elle assimile l’ajout de la devise de l’Ordre du Canada au remplacement de l’inscription publicitaire « La Belle Province » sur les plaques d’immatriculation du Québec par la devise « Je me souviens », ce qui a eu lieu en 1978. Elle demande d’abord la sempiternelle question « Je me souviens de quoi ? », apparemment sans se rendre compte que de nombreuses devises sont construites de la même façon sans que personne ne s’en préoccupe [28]. Ensuite, elle se permet d’affirmer que le souvenir exprimé par la devise du Québec est celui de la défaite sur les plaines d’Abraham, même si cette interprétation échappe aux meilleurs spécialistes qui se sont penchés sur la question [29]. Elle ajoute que les apologistes de « Je me souviens » — comme si la devise avait besoin d’être défendue — la font remonter à un poème au sujet d’une guerre, mais que peu de personnes y croient [30]. Ignorant le fait que les armoiries avec la devise figuraient sur les plans annexés à un contrat daté du 9 février 1883, bien avant qu’il existe un mouvement séparatiste, Diane Francis semble vouloir dire que la devise représente une façon pour les séparatistes de blâmer les autres en se fondant sur le révisionnisme historique (« The slogan was a separatist guilt trip based on historical revisionism. ») [31]. Elle précise le sens qu’elle donne à révisionnisme, notamment que, si les Français du Québec ont été brimés pendant des générations (« were abused for generations »), le tort appartient à leur Église, à leurs premiers ministres provenant du Québec et à la lignée ininterrompue de leurs dirigeants politiques francophones (« … they have only their Church, Québec-based prime ministers and their uninterrupted succession of francophone political leaders to blame. »), comme si le fait qu’un premier ministre soit élu au Québec présente un côté néfaste et comme s’il était aberrant pour le Québec d’élire en majorité des dirigeants francophones [32].
Après une longue digression pour déverser son fiel contre la devise du Québec en faussant plusieurs faits et en faisant ressortir les préjugés d’usage contre les Québécois, Diane Francis revient enfin à l’objet de son article. Elle accuse les libéraux de gaspiller de l’argent pour mousser la carrière de politiciens québécois, comme si les Québécois seraient enclins à voter pour un député du fait que la devise de l’Ordre du Canada entoure l’écu canadien. Elle affirme que tripatouiller les armoiries du pays n’est pas du ressort du Patrimoine canadien qui devrait s’occuper de langues officielles [33], de multiculturalisme et autres valeurs culturels qui enrichissent nos valeurs identitaires, et que les bonnes traditions canadiennes ne nécessitent pas de changements. Enfin qu’il faut empêcher les politiciens au Québec et dans le reste du Canada de trafiquer ses valeurs pour s’attirer des votes (« Here we have another example of tampering with perfectly acceptable traditions to woo votes. »), comme si un simple ajout à un emblème national qui existait depuis des décennies allaient attirer une avalanche de vote à des politiciens canadiens, particulièrement au Québec [34].
Lorsque confrontée aux journalistes, la députée Deborah Grey révèle les vrais motifs de son intervention en Chambre. Elle croit que les libéraux ont gardé les changements aux armoiries secrets pour ne pas déplaire aux Québécois à un moment où ils prévoyaient l’élection d’un gouvernement « séparatiste » dans la province. Plus précisément selon elle, ils ont choisi de se taire momentanément pour glisser un fait accompli en douce le moment jugé opportun [18]. À un autre journaliste, elle avait dit que les Québécois se plaignaient constamment d’aliénation et que cette mesure allait aliéner le reste du pays — comme si le Québec avait souhaité le changement aux armoiries. En plus, elle affirme n’avoir rien vu de pareil; qu’elle se souvenait comme adolescente du débat déchirant sur le drapeau du Canada, mais, qu’au moins, il y avait eu un débat [19] — comme si on pouvait mettre sur un pied d’égalité l’adoption d’un drapeau national et l’ajout d’une devise approuvé par la reine à un emblème assigné des décennies auparavant par proclamation royale.
Michel Gauthier du Bloc québécois, député de Roberval, qualifie l’exercice de « perte de temps ». Il se moque de la banalité des propos des réformistes qui aspirent à devenir l’opposition officielle et fait remarquer que si les Québécois étaient témoins des trivialités qui préoccupait le Parlement, il y aurait davantage de souverainistes [20]. D’autres intervenants cherchent à mettre l’accent sur le côté positif de la question. En dehors de la Chambre, le ministre du Patrimoine canadien résume tout l’exercice en quelques mots simples, notamment que l’ajout de la devise avait pour but de donner aux armoiries un cachet plus canadien [21]. Effectivement, toutes les modifications stylistiques et décoratives apportées aux armoiries par l’artiste de l’Autorité héraldique du Canada allaient précisément dans ce sens.
L’un des articles nous apprend que Patrick Gagnon et Bruce Hicks étaient des amis à l’Université McGill et que Gagnon avait travaillé pour Hicks de 1988 à 1993 d’où leur intérêt mutuel pour l’emblème du pays. M. Hicks révèle aussi qu’il a contribué des citations et renseignements pour le communiqué de presse, mais que Gagnon ou son personnel avaient rédigé le texte final. Hicks voit les modifications aux armories comme une responsabilité gouvernementale où il n’y a pas lieu d’impliquer le public. Il craint néanmoins d’être oublié comme celui qui a eu l’idée d’ajouter la devise et qui a milité pendant 14 ans pour la faire accepter. S’il est vrai que la brochure Les symboles du Canada ne mentionne pas M. Hicks, une affiche du Patrimoine canadien expliquant la modification aux armoiries le mentionne comme celui qui a proposé l’ajout de la devise [22]. Pour sa part, le député Gagnon avait crédité Hicks pour les changements dans son communiqué de presse, dans son intervention en Chambre et dans un article qu’il fera paraître par la suite.
Au-delà du débat politisé accusant les libéraux d’avoir agi en sous-main et soulignant l’indignation des réformistes, plusieurs articles paraissant dans les journaux veulent démontrer que l’insertion de la devise représentait un geste patriotique bien intentionné. Ces articles mettent l’accent sur l’historique des armoiries et le parcours qui a mené à l’inclusion de la devise. L’un des articles est de la plume de Bruce Hicks. Il qualifie le débat de tempête dans un verre d’eau (tempest in a teapot) qui vient brouiller les cartes et il s’attache surtout à éduquer le public quant à l’histoire et le symbolisme des armoiries en soulignant que la devise entourant l’écu et exprimant l’aspiration à une meilleure patrie est conforme à d’autres armoiries royales comme celles de l’Angleterre, de l’Écosse et de l’ancienne France, ce qui n’est pas entièrement exact (voir fig. 6-7) [23]. Patrick Gagnon estime aussi que le débat est une comédie porteuse de confusion qui vient gâter une belle réalisation canadienne. Il s’exprime en ce sens dans les journaux tout en faisant connaître les antécédents de l’emblème et les péripéties qui ont mené à l’insertion de la devise [24]. Le ministère du Patrimoine canadien rédige également un communiqué de presse qui crédite Hicks pour les changements et met l’accent sur le symbolisme et l’historique des composantes de l’emblème avec beaucoup de détails sur ses origines européennes [25].
Un journaliste ramène la question au Québec en publiant « A Coat to fit Québec: Ottawa makes a surreptitious change to a national symbol » (Un écu fait sur mesure pour le Québec : Ottawa apporte subrepticement des modifications à un symbole national). L’auteur admet que le Parti québécois n’a pas participé au débat, mais qu’un communiqué officiel du gouvernement suggère que les changements avaient en partie pour objet d’accommoder le Québec. Il se fonde sur les déclarations de Gagnon à l’effet que, comme Canadien français, il avait toujours trouvé les armoiries du Canada trop calquées sur celles du Royaume-Uni et que, même si la composition n’avait pas soulevé l’ire des Québécois, elle n’avait pas non plus éveillé de sentiments positifs parmi eux. Il blâme partiellement le communiqué pour l’indignation des réformistes du fait que celui-ci faisait état de nouvelles armoiries alors qu’il ne s’agissait que d’un ajout honorifique [26].
Au Nouveau Brunswick, les modifications aux armoiries donnent lieu à une interprétation aberrante. Gregory James Hargrove, chef du Confederation of Regions Party, un parti contre le bilinguisme et Wilmot F. Ross, un conseiller du parti, profitent de l’occasion pour monter une campagne contre les Québécois et les Acadiens. Ross fait parvenir au Saint John Telegraph Journal une lettre du 13 février 1996 pleine d’indignation intitulée « Coat of Arms Made Blood Boil » — littéralement que les changements aux armoiries « lui ont fait bouillir le sang », c’est-à-dire l’ont fait sortir de ses gonds. L’objet de son déchaînement est qu’il s’est persuadé que, dans les armoiries canadiennes révisées, la licorne, support senestre de l’écu, tient le drapeau du Québec. Il proteste que l’introduction subreptice de ce drapeau est un affront aux autres provinces qui n’y figurent pas, niant ainsi leur existence même et élevant la province de Québec au niveau d’une nation comme si elle l’avait été depuis la Confédération.
Évidemment, la déclaration à l’emporte-pièce de Ross manque de rigueur intellectuelle puisqu’il confond le drapeau de la province de Québec avec la bannière de France qui figure dans les armoiries du Canada depuis 1921 et non depuis la Confédération. Dans un article d’une ironie piquante faisant appel à l’imagerie de Don Quichotte qui lutte contre des moulins à vent, Robert Pichette, expert en héraldique canadienne, se charge de faire l’éducation de Wilmot Ross quant aux vrais changements apportés aux armoiries. Il élargit le débat en brossant un tableau politique des enjeux qui opposent Hargrove et son parti aux aspirations des Acadiens et lance un appel à l’unité dans le même sens que la devise « ils aspirent à une patrie meilleure ». Il fait aussi remarquer que les armoiries du Canada telles qu’assignées par proclamation royale en 1921 sont à peine canadiennes ayant été conçues à l’apogée de l’Empire britannique, une observation qui rejoint les propos de Patrick Gagnon exprimés plus haut [27].
Le 5 septembre 1996, plus de deux ans après l’approbation par la reine du changement aux armoiries nationales et plus de neuf mois après les débats en Chambre, un article imprégné de vitriole paraît dans le Saskatoon Star-Phoenix sous la signature de Diane Francis. L’article dénonce l’insertion de la devise de l’Ordre du Canada comme étant une capitulation devant les séparatistes (« Crest change a sellout to separatists »). En premier lieu, elle affiche son ignorance au niveau de la langue du blason en utilisant le mot « crest » qui veut dire cimier en anglais, c’est-à-dire ce qui se trouve au-dessus du casque, l’expression « crest » étant employé trop souvent par le grand public pour désigner des armoiries complètes. Elle met l’accent sur le fait que la devise du Canada a été A Mari Usque Ad Mare pendant 74 ans et maintenant des culturocrates (culture-crats) en difficulté financière (fiscally challenged) veulent ajouter Desiderantes Meliorem Patriam. Cette observation révèle une grande ignorance des pratiques héraldiques puisque les armoiries des pays (voir fig. 4, 6-7) et parfois des particuliers peuvent afficher deux devises. Elle en conclut qu’il est évident que des séparatistes ont infiltré le ministère du Patrimoine canadien.
Même si l’ajout aux armoiries n’avait pas fait l’objet d’une motion ou d’un vote en Chambre, la journaliste insiste qu’on a forcé l’adoption précipitée des armoiries révisées par le Parlement (« the alterations were rammed through Parliament from out of left field ») à un moment opportun, notamment à la suite d’un référendum (« in the aftermath of a referendum vote » qui visait à rendre la devise « D’un océan à l’autre » obsolète. Ces affirmations faussaient la réalité puisque le Parlement n’avait pas approuvé la devise et que l’approbation royale des armoiries modifiées se faisait en juillet 1994 alors que le référendum sur la souveraineté du Québec se tenait le 30 octobre 1995. En plus, ajoute-t-elle, les modifications, comme tout ce que font les libéraux, étaient conçues pour être bien reçues des Québécois. Pour étayer sa thèse à l’effet que les libéraux s’étaient vendus aux séparatistes, elle reprend les propos de Patrick Gagnon exprimant l’opinion que les armoiries d’avant 1994 étaient trop britanniques et ne plaisaient pas particulièrement aux Québécois.
La journaliste formule ensuite une comparaison invraisemblable où elle assimile l’ajout de la devise de l’Ordre du Canada au remplacement de l’inscription publicitaire « La Belle Province » sur les plaques d’immatriculation du Québec par la devise « Je me souviens », ce qui a eu lieu en 1978. Elle demande d’abord la sempiternelle question « Je me souviens de quoi ? », apparemment sans se rendre compte que de nombreuses devises sont construites de la même façon sans que personne ne s’en préoccupe [28]. Ensuite, elle se permet d’affirmer que le souvenir exprimé par la devise du Québec est celui de la défaite sur les plaines d’Abraham, même si cette interprétation échappe aux meilleurs spécialistes qui se sont penchés sur la question [29]. Elle ajoute que les apologistes de « Je me souviens » — comme si la devise avait besoin d’être défendue — la font remonter à un poème au sujet d’une guerre, mais que peu de personnes y croient [30]. Ignorant le fait que les armoiries avec la devise figuraient sur les plans annexés à un contrat daté du 9 février 1883, bien avant qu’il existe un mouvement séparatiste, Diane Francis semble vouloir dire que la devise représente une façon pour les séparatistes de blâmer les autres en se fondant sur le révisionnisme historique (« The slogan was a separatist guilt trip based on historical revisionism. ») [31]. Elle précise le sens qu’elle donne à révisionnisme, notamment que, si les Français du Québec ont été brimés pendant des générations (« were abused for generations »), le tort appartient à leur Église, à leurs premiers ministres provenant du Québec et à la lignée ininterrompue de leurs dirigeants politiques francophones (« … they have only their Church, Québec-based prime ministers and their uninterrupted succession of francophone political leaders to blame. »), comme si le fait qu’un premier ministre soit élu au Québec présente un côté néfaste et comme s’il était aberrant pour le Québec d’élire en majorité des dirigeants francophones [32].
Après une longue digression pour déverser son fiel contre la devise du Québec en faussant plusieurs faits et en faisant ressortir les préjugés d’usage contre les Québécois, Diane Francis revient enfin à l’objet de son article. Elle accuse les libéraux de gaspiller de l’argent pour mousser la carrière de politiciens québécois, comme si les Québécois seraient enclins à voter pour un député du fait que la devise de l’Ordre du Canada entoure l’écu canadien. Elle affirme que tripatouiller les armoiries du pays n’est pas du ressort du Patrimoine canadien qui devrait s’occuper de langues officielles [33], de multiculturalisme et autres valeurs culturels qui enrichissent nos valeurs identitaires, et que les bonnes traditions canadiennes ne nécessitent pas de changements. Enfin qu’il faut empêcher les politiciens au Québec et dans le reste du Canada de trafiquer ses valeurs pour s’attirer des votes (« Here we have another example of tampering with perfectly acceptable traditions to woo votes. »), comme si un simple ajout à un emblème national qui existait depuis des décennies allaient attirer une avalanche de vote à des politiciens canadiens, particulièrement au Québec [34].
5. Remarques récapitulatives
1) La pratique de placer une devise autour de l’écu est essentiellement britannique. En France, les colliers des ordres du Saint-Esprit et de Saint-Michel entourent l’écu au centre des armoiries royales, mais la devise se place sur un listel dans le haut. Parfois il y a deux devises (fig. 7). En Écosse, le collier de l’ordre du Chardon entoure l’écu et les devises figurent sur des listeaux, l’un au-dessus et l’autre au-dessous (fig. 6).
2) La reine devait approuver le changement aux armoiries du pays du fait qu’elles étaient assignées par proclamation royale et qu’elles constituaient sa marque personnelle comme reine du Canada.
3) Le 5 décembre 1995, le député Patrick Gagnon faisait connaître la modification aux armoiries à la Chambre des communes presque un an et demi après son approbation par la reine. Il estimait que l’ajout constituait une belle initiative qui rendait l’emblème plus canadien et ne s’attendait vraisemblablement pas à des protestations.
4) La langue maternelle de tous ceux qui ont promu à l’origine l’augmentation aux armoiries nationales était l’anglais, notamment le journaliste Bruce Hicks, John Williamson, premier vice-président de la Société héraldique du Canada, le major Terrence Manuel, président de la même société, et Robert Watt, héraut d’armes du Canada qui a présidé à l’insertion de la devise dans les armoiries nationales sur les lettres patentes de l’Autorité héraldique du Canada en 1989. Outre le ministre Dupuy et le député Gagnon, de nombreux fonctionnaires francophones liés aux Secrétariat d’État, au Patrimoine canadien, à la Résidence du gouverneur général et à l’Ordre du Canada étaient impliqués. Certains d’entre eux vivaient sans doute au Québec, mais ils étaient des employés du gouvernement fédéral et représentaient ses intérêts.
5) Le ministre Dupuy avait réglé cette question selon les précédents établis, c’est-à-dire, en obtenant l’approbation de la reine via le premier ministre et le gouverneur général. Le Parlement n’avait pas joué de rôle dans l’assignation des armories originales ni dans les modifications cosmétiques survenues par la suite. Dans l’ensemble des responsabilités du ministre Dupuis, l’ajout de la devise représentait sans doute une formalité et il ne devait pas s’attendre à se faire bombarder de questions et de reproches à ce sujet presque un an et demi après l’approbation royale.
6) Quelques journalistes anglophones percevaient l’augmentation aux armoiries comme une mesure des libéraux pour amadouer, non seulement des souverainistes québécois, mais le Québec dans son ensemble. Leurs articles ne s’adressaient certes pas aux libéraux et encore moins aux Québécois, mais apparemment aux adhérents de l’idéologie des réformistes situés surtout dans l’Ouest du Canada. Les lettres envoyées au Saint John Telegraph Journal reflétaient les prises de position du Confederation of Regions Party qui s’opposait au bilinguisme et par extension aux Québécois et aux Acadiens. Comme le parti réformiste, ils utilisaient l’ajout aux armoiries pour se faire du capital politique. Les emblèmes nationaux servent souvent de véhicule pour exprimer le mécontentement politique. Ils sont souvent utilisés dans ce sens par les caricaturistes
7) Beaucoup d’articles de journaux s’en tenaient aux faits. Ils soulignaient l’indignation du parti réformiste sans nécessairement l’approuver. Ils tentaient d’expliquer que l’insertion de la devise constituait un geste patriotique qui consistait à jumeler la devise de l’ordre national aux armoiries nationales. L’ajout aux armoiries a eu très peu d’écho dans la presse francophone et il ne semble pas que des journalistes aient relevé le ridicule de blâmer le Québec pour un phénomène qui avait lieu hors du Québec et qui, dans l’ensemble, laissait les Québécois indifférents comme la majorité des Canadiens.
8) En général, les Canadiens ― et c’est sans doute le cas dans d’autres pays ― se préoccupent peu des emblèmes de leur pays, province ou territoire. Par contre lorsqu’il est question de les modifier, ils sentent, à tort ou à raison, que leur identité et traditions sont en jeu et expriment leur indignation. Les médias et les politiciens s’en mêlent et exacerbent leur sentiment d’aliénation. Ils cherchent à blâmer un parti politique ou une minorité différente d’eux. La vraie source de mécontentement d’une partie des habitants de l’Ouest était le référendum récent au Québec qui visait la séparation et la motion des libéraux déclarant le Québec une société distincte. Ceci n’avait rien à voir avec l’ajout d’une devise aux armoiries du pays. Certains argumentaient que la modification à l’emblème national visait sûrement à plaire au Québec puisque les autres Canadiens étaient heureux du statu quo.
9) Au chapitre III, nous avons vu comment des journaux anglophones interprétaient le choix d’un drapeau national pour le Canada en 1964-1965 comme une concession énorme au Québec alors qu’on assistait avant tout à un débat entre anglophones. Un phénomène semblable se répète trois décennies plus tard lorsque le gouvernement ajoute une devise aux armoiries du pays, même si ce geste ne présente aucune commune mesure avec le choix d’un drapeau national. En effet, on ne doit pas confondre les armoiries qui identifient surtout le gouvernement canadien avec le drapeau qui symbolise la nation. Sans l’intervention, en effet bien intentionnée, du député Gagnon en Chambre, l’ajout aux armoiries aurait pu suivre son cours normal sans soulever de protestations politiquement motivées. Cette récrimination prenait parfois des tournures surprenantes qui n’avaient rien à voir avec l’enjeu en question : par exemple attribuer une signification péjorative à la devise du Québec et s’en prendre à la qualité de ses politiciens.
10) Aujourd’hui la presque totalité des Canadiens acceptent le drapeau unifolié et la présence de la devise de l’Ordre du Canada dans les armoiries du pays.
1) La pratique de placer une devise autour de l’écu est essentiellement britannique. En France, les colliers des ordres du Saint-Esprit et de Saint-Michel entourent l’écu au centre des armoiries royales, mais la devise se place sur un listel dans le haut. Parfois il y a deux devises (fig. 7). En Écosse, le collier de l’ordre du Chardon entoure l’écu et les devises figurent sur des listeaux, l’un au-dessus et l’autre au-dessous (fig. 6).
2) La reine devait approuver le changement aux armoiries du pays du fait qu’elles étaient assignées par proclamation royale et qu’elles constituaient sa marque personnelle comme reine du Canada.
3) Le 5 décembre 1995, le député Patrick Gagnon faisait connaître la modification aux armoiries à la Chambre des communes presque un an et demi après son approbation par la reine. Il estimait que l’ajout constituait une belle initiative qui rendait l’emblème plus canadien et ne s’attendait vraisemblablement pas à des protestations.
4) La langue maternelle de tous ceux qui ont promu à l’origine l’augmentation aux armoiries nationales était l’anglais, notamment le journaliste Bruce Hicks, John Williamson, premier vice-président de la Société héraldique du Canada, le major Terrence Manuel, président de la même société, et Robert Watt, héraut d’armes du Canada qui a présidé à l’insertion de la devise dans les armoiries nationales sur les lettres patentes de l’Autorité héraldique du Canada en 1989. Outre le ministre Dupuy et le député Gagnon, de nombreux fonctionnaires francophones liés aux Secrétariat d’État, au Patrimoine canadien, à la Résidence du gouverneur général et à l’Ordre du Canada étaient impliqués. Certains d’entre eux vivaient sans doute au Québec, mais ils étaient des employés du gouvernement fédéral et représentaient ses intérêts.
5) Le ministre Dupuy avait réglé cette question selon les précédents établis, c’est-à-dire, en obtenant l’approbation de la reine via le premier ministre et le gouverneur général. Le Parlement n’avait pas joué de rôle dans l’assignation des armories originales ni dans les modifications cosmétiques survenues par la suite. Dans l’ensemble des responsabilités du ministre Dupuis, l’ajout de la devise représentait sans doute une formalité et il ne devait pas s’attendre à se faire bombarder de questions et de reproches à ce sujet presque un an et demi après l’approbation royale.
6) Quelques journalistes anglophones percevaient l’augmentation aux armoiries comme une mesure des libéraux pour amadouer, non seulement des souverainistes québécois, mais le Québec dans son ensemble. Leurs articles ne s’adressaient certes pas aux libéraux et encore moins aux Québécois, mais apparemment aux adhérents de l’idéologie des réformistes situés surtout dans l’Ouest du Canada. Les lettres envoyées au Saint John Telegraph Journal reflétaient les prises de position du Confederation of Regions Party qui s’opposait au bilinguisme et par extension aux Québécois et aux Acadiens. Comme le parti réformiste, ils utilisaient l’ajout aux armoiries pour se faire du capital politique. Les emblèmes nationaux servent souvent de véhicule pour exprimer le mécontentement politique. Ils sont souvent utilisés dans ce sens par les caricaturistes
7) Beaucoup d’articles de journaux s’en tenaient aux faits. Ils soulignaient l’indignation du parti réformiste sans nécessairement l’approuver. Ils tentaient d’expliquer que l’insertion de la devise constituait un geste patriotique qui consistait à jumeler la devise de l’ordre national aux armoiries nationales. L’ajout aux armoiries a eu très peu d’écho dans la presse francophone et il ne semble pas que des journalistes aient relevé le ridicule de blâmer le Québec pour un phénomène qui avait lieu hors du Québec et qui, dans l’ensemble, laissait les Québécois indifférents comme la majorité des Canadiens.
8) En général, les Canadiens ― et c’est sans doute le cas dans d’autres pays ― se préoccupent peu des emblèmes de leur pays, province ou territoire. Par contre lorsqu’il est question de les modifier, ils sentent, à tort ou à raison, que leur identité et traditions sont en jeu et expriment leur indignation. Les médias et les politiciens s’en mêlent et exacerbent leur sentiment d’aliénation. Ils cherchent à blâmer un parti politique ou une minorité différente d’eux. La vraie source de mécontentement d’une partie des habitants de l’Ouest était le référendum récent au Québec qui visait la séparation et la motion des libéraux déclarant le Québec une société distincte. Ceci n’avait rien à voir avec l’ajout d’une devise aux armoiries du pays. Certains argumentaient que la modification à l’emblème national visait sûrement à plaire au Québec puisque les autres Canadiens étaient heureux du statu quo.
9) Au chapitre III, nous avons vu comment des journaux anglophones interprétaient le choix d’un drapeau national pour le Canada en 1964-1965 comme une concession énorme au Québec alors qu’on assistait avant tout à un débat entre anglophones. Un phénomène semblable se répète trois décennies plus tard lorsque le gouvernement ajoute une devise aux armoiries du pays, même si ce geste ne présente aucune commune mesure avec le choix d’un drapeau national. En effet, on ne doit pas confondre les armoiries qui identifient surtout le gouvernement canadien avec le drapeau qui symbolise la nation. Sans l’intervention, en effet bien intentionnée, du député Gagnon en Chambre, l’ajout aux armoiries aurait pu suivre son cours normal sans soulever de protestations politiquement motivées. Cette récrimination prenait parfois des tournures surprenantes qui n’avaient rien à voir avec l’enjeu en question : par exemple attribuer une signification péjorative à la devise du Québec et s’en prendre à la qualité de ses politiciens.
10) Aujourd’hui la presque totalité des Canadiens acceptent le drapeau unifolié et la présence de la devise de l’Ordre du Canada dans les armoiries du pays.
Notes
Tous les sites web donnés en référence ont été visités le 16 février 2020.
[1] Une lettre au rédacteur argumente, avec citations bibliques à l’appui, que la devise de l’Ordre du Canada Desiderantes meliorem patriam ne signifie pas « Ils aspirent à une patrie meilleure », mais « Vouloir mourir et aller au ciel » (Yearning to die and go to heaven). L’argumentation est savante, mais il est évident que l’auteur veut s’amuser. Un verset de l’épître de saint Paul aux Hébreux (11:16) selon la Bible de Jérusalem se lit comme suit : « Or, en fait, ils aspirent à une patrie meilleure, c’est-à-dire céleste. ». Le simple fait que le verset contient la précision « c’est-à-dire céleste » en rapport avec la patrie signifie que Desiderantes meliorem patriam sans plus signifie littéralement « Ils aspirent à une patrie meilleure ». La lettre est de Bill CASSELMAN de Dunnville en Ontario et paraissait dans le Globe and Mail du 16 décembre 1995, p. D7.
[2] Tim NAUMETZ, « Getting credit for change in coat of arms » dans The Hill Times, 14 déc. 1995, p. 17.
[3] Bruce M. HICKS, « The Campaign to Change the Royal Arms of Canada » dans Hogtown Heraldry, vol. 12, no 4 (hivers 2000-2001), p. 7.
[4] http://reg.gg.ca/heraldry/pub-reg/project.asp?lang=e&ProjectID=1824&ShowAll=1.
[5] Léopold Henri Amyot, 28 mars 1989 : http://reg.gg.ca/heraldry/pub-reg/project.asp?lang=e&ProjectID=1828&ShowAll=1; François Richard, 29 mars 1989 : http://reg.gg.ca/heraldry/pub-reg/project.asp?lang=e&ProjectID=1829&ShowAll=1; Maurice Sauvé, 30 mars 1989 : http://reg.gg.ca/heraldry/pub-reg/project.asp?lang=e&ProjectID=1825&ShowAll=1 (les armoiries du récipiendaire sont également entourées de la devise de l’Ordre du Canada); Wesley Drewett Black, 3 avril 1989 : http://reg.gg.ca/heraldry/pub-reg/project.asp?lang=e&ProjectID=1830&ShowAll=1.
[6] http://www.heraldry.ca/content/art/stained_glass/wallis/rideauHallRoyalWindow.jpg.
[7] L'hon. Michel Dupuy, ministre du Patrimoine canadien, « Loi sur le ministère du Patrimoine canadien » : https://www.noscommunes.ca/DocumentViewer/fr/35-1/chambre/seance-102/debats (6416).
[8] https://laws-lois.justice.gc.ca/fra/lois/C-17.3/page-1.html#h-68087, (2) h.
[9] Le lecteur pourra suivre toutes les péripéties qui ont marqué le choix et les modifications aux armoiries du Canada ici : Auguste VACHON, Canada’s Coat of Arms: Defining a County Within an Empire : https://heraldicscienceheraldique.com/canadarsquos-coat-of-arms-defining-a-country-within-an-empire.html, particulièrement les chapitres 4 à 6.
[10] Comme héraut Saint-Laurent, j’ai contribué modestement aux modifications en signalant que, quelques années auparavant (vers 1970), un artiste du nom de Hans D. Birk avait dessiné les armories du Canada en rendant les bouts des lambrequins dans la forme de feuilles d’érable, idée qui a été retenue (fig. 5).
[11] À l’Autorité héraldique du Canada, j’étais gardien du sceau et je devais m’assurer, dans la mesure du possible, que les lettres de concession d’emblèmes étaient libres d’erreurs avant d’apposer le sceau. Je n’avais pas été impliqué dans la décision d’ajouter la devise de l’Ordre du Canada aux armoiries nationales, mais je n’ai pas exprimé de souci en 1989 avant d’appliquer le sceau aux lettres d’armoiries où figurait la devise de l’Ordre du Canada (voir chronologie 1989). Pour moi, il s’agissait d’une mesure conforme à une pratique courante en Grande-Bretagne où la devise de l’ordre de la Jarretière entoure l’écu royal (fig. 4).
[12] Le texte du communiqué de presse paraît sous le titre « New Coat-of-Arms adopted for Canada » (Parliament Buildings, Ottawa) dans le Alberni Valley Times, 4 déc. 1995, p. 11A.
[13] Débats de la Chambre de communes, 35e législature, 1re session, vol. 15 : http://parl.canadiana.ca/view/oop.debates_CDC3501_15/532?r=0&s=2 ou http://www.collectionscanada.gc.ca/eppp-archive/100/201/301/hansard-f/35-1/271_95-12-05/271SM1F.html.
[14] http://parl.canadiana.ca/view/oop.debates_CDC3501_15/272?r=0&s=1 ou http://www.collectionscanada.gc.ca/eppp-archive/100/201/301/hansard-f/35-1/267_95-11-29/267GO1F.html. Anglais : http://www.collectionscanada.gc.ca/eppp-archive/100/201/301/hansard-f/35-1/271_95-12-05/271OQ1E.html
[15] http://parl.canadiana.ca/view/oop.debates_CDC3501_15/536?r=0&s=1, 5 déc. 1995, 17236 : Deborah Grey – Michel Dupuy.
[16] http://parl.canadiana.ca/view/oop.debates_CDC3501_15/537?r=0&s=1 5 déc. 1995, 17237-38 : Chuck Strahl- Michel Dupuy.
[17] http://parl.canadiana.ca/view/oop.debates_CDC3501_15/539?r=0&s=1 5 déc.1995, 173239-40 ou http://www.collectionscanada.gc.ca/eppp-archive/100/201/301/hansard-f/35-1/271_95-12-05/271OQ1F.html : Preston Manning – Michel Dupuy - Jan Brown - Herb Gray
[18] Jules RICHER, « Le Reform soulève une tempête aux Communes » dans Le Journal de Québec, 6 déc. 1995, p. 14; « Surprise! Canada has a revised coat of arms » dans London Free Press, 6 déc. 1995, p. A4; Linda DROUIN «Coat of arms changed without consultation » dans Niagara Falls Review, 6 déc. 1995, p. A2.
[19] Edward GREENSPON, « Reform outraged by secret in Canada’s coat of arms » dans The Globe and Mail, 6 déc. 1995, p. A1-2.
[20] Linda DROUIN, « Coat-of-arms revision surprises House of Commons» dans The Ottawa Citizen, 6 déc. 1995, p. A5; Edward GREENSPON, op. cit.
[21] Linda DROUIN, « Coat-of-arms revision », p. A5.
[22] Tim NAUMETZ, op. cit,, p. 17.
[23] Bruce M. HICKS, « Innovation Lost in Feigned Outrage, Confusion » dans Fredericton Daily Gleaner, 14 déc. 1995, p. 5. Hicks fera paraître plusieurs autres articles qui abondent dans le même sens : « European influences apparent Canada tries on a new coat » dans Lindsay Daily Post, 3 janv. 1996 et « Coat of Arms; the history » dans Charlottetown Guardian, 5 janv. 1996, p. A7.
[24] Patrick GAGNON, « A farcical call to arms: Reform party diatribe marred a proud moment for Canadians » dans The Ottawa Citizen, 27 déc. 1995, p. A 14.
[25] Heritage Canada, « An official explanation of Canada’s new Coat of Arms » dans Saint John Telegraph Journal, mars 1996, p. A11.
[26] Colby COSH, « A Coat to fit Québec: Ottawa makes a surreptitious change to a national symbol» dans Alberta Report. 25 déc. 1995, p. 9.
[27] Robert PICHETTE, « The ignorant tilt at francophone windmills: The moribund CoR ranks have been firing missives both misguided and misinformed » et Armand R. SOUCY, lettre à l’éditeur « No resemblance between flags », les deux contributions dans Telegraph Journal (Saint-Jean, Nouveau-Brunswick), 1 mars 1996, p. A11.
[28] Les devises J’aime la croix et En parole je vis ont respectivement un complément d’objet direct et indirect. Je me souviens est ce que j’appelle une devise ouverte en ce sens qu’elle n’a pas de complément. Beaucoup de devises n’en ont pas, par exemple : J’espère, J’aime, Je pense, Je maintiendrai, Je sers, Faire sans dire, Espérez toujours, Accept, Achieve, Beware, Build in Depth, Deserve, Have, Do or Die, Press Through, Serve and Share, etc. Plusieurs devises ont un complément, mais on ne sait pas de quoi il s’agit : Je le tiens, Je l’ai gagné, Fiez-vous-y, This I’ll Defend, etc. Mais il est un fait que beaucoup de devises rendent le même sens que la devise du Québec : Memini (Je me souviens), Meminisse (Se souvenir), Ne obliviscaris (N’oublie pas), Ne oublie, Souvenance, Remember, Remember and Forget not, Je n’oublierai jamais. Ces devises ne sont pas mal formulées, car pour demeurer dynamiques, les devises comme les symboles doivent conserver une bonne part de mystère, d’imaginaire et d’insaisissable : révéler tout en voilant : voir à ce sujet Jean CHEVALIER et Alain GHEERBRANT, Dictionnaire des symboles…, Paris, Seghers, 1973, p. XVIII. Les devises citées comme échantillon plus haut à titre d’exemple proviennent de W.S.W. ANSON, Mottoes and Badges …, Londres, George Routledge, 1904; A. CHASSANT et Henri TAUSIN, Dictionnaire des devises historiques et héraldiques, Paris, J.B. Dumoulin, 1878, 2 vol.; L.G. PINE, A Dictionary of Mottoes, Londres, Routledge et Kegan Paul, 1983.
[29] Le spécialiste de la question, Gaston Deschênes, s’exprime sans équivoque à ce sujet : « Il a été impossible de trouver le moindre texte où [Eugène-Étienne] Taché aurait expliqué l'origine et la signification du Je me souviens et on peut penser qu'il n'en a pas senti le besoin, tellement le message qu'il voulait transmettre était simple et la signification de sa devise, évidente quand on la replace dans son contexte. » : http://www.ameriquefrancaise.org/fr/article-518/La%20devise%20qu%C3%A9b%C3%A9coise%20%C2%ABJe%20me%20souviens%C2%BB#.Whr76lWnGig. Ceci rejoint l’idée de la note précédente où il est démontré que beaucoup de devises contiennent un verbe sans complément d’objet direct ou indirect et que ces devises demeurent efficaces.
[30] Plusieurs auteurs ont spéculé quant à l’origine et la signification de la devise du Québec, par exemple qu’elle pouvait provenir du poème de Victor Hugo Lueur au couchant : « J’entendais près de moi rire les jeunes hommes / Et les graves vieillards dire : Je me souviens. — / Ô patrie ! ô concorde entre les citoyens ! » ou encore d’un poème qui aurait été lu à l’inauguration de l’édifice du Parlement contenant les vers « Je me souviens /que né sous le lis, / je fleuris sous la rose. ». On a également pensé aux vers de la chanson Un canadien errant, notamment « Va, dis à mes amis / Que je me souviens d’eux ». On a aussi tenté de rattacher la devise à légende du chien d’or, ouvrage de William Kirby publié à l’origine en 1877. Kirby raconte que sur la façade de la maison de Nicholas Jaquin Philibert figure un bas-relief en pierre montrant un chien rongeant l’os d’un homme avec l’inscription ici en langue moderne : « Je suis un chien qui ronge l'os, / En le rongeant je prends mon repos / Un temps viendra qui n'est pas venu / Que je mordrai qui m'aura mordu. » Voir William KIRBY, The Chien D'or: The Golden Dog; a Legend of Quebec, New York, R. Worthington, 1878, p. 116 et vignette sur la page de titre. La légende remonte aux derniers jours de la Nouvelle-France, mais la plaque en pierre qui existe toujours ornait à l’origine la maison du chirurgien Timothée Roussel construite en 1688. Comme il s’agit d’une image de vengeance, il est facile de l’assimiler à la devise du Québec si l’on donne à « Je me souviens » le sens exprimé par Diane Francis que le souvenir est de la conquête et qu’un jour le chien qui représente les Canadiens français sera assez fort pour se venger. Bien entendu il s’agit de pure spéculation puisque personne ne sait quel sens Taché a voulu donner à la devise. Au sujet des nombreuses interprétations et mythes concernant la devise du Québec, voir : http://agora.qc.ca/documents/quebec_-_etat--la_devise_je_me_souviens_par_gaston_deschenes; au sujet de la légende du chien d’or, voir : https://heraldicscienceheraldique.com/un-puissant-symbole-de-vengeance-qui-brave-le-temps.html. Pour ma part, j’ai souvent pensé que le poème Chanson d’automne de Paul Verlaine aurait pu aussi servir d’inspiration pour la devise et notamment les vers : « Je me souviens / Des jours anciens / Et je pleure ». Poète à ses heures, Tâché a sûrement lu ces vers qui datent de son époque.
[31] La notion que « Je me souviens » est un slogan séparatiste persiste dans certains milieux. Elle se retrouve sous la plume d’une journaliste en 2001 qui décrit un concert en honneur de Luc Plamondon à Ottawa où on avait projeté une grande fleur de lis et la devise du Québec en lettres de 15 mètres près de la Tour de la Paix et qu’elle décrit ainsi : « The image of the Quebec sovereigntist slogan displayed proudly beneath the Peace Tower certainly has to rank among the most incongruous sights at any outdoor event this summer. » : Natasha GAUTHIER, « Concert honours Quebec songwriter: Something for everyone at Plamondon tribute » dans The Ottawa Citizen, 8 juill. 2001, p. A11. J’ai répliqué à ce reportage dans une lettre à l’éditeur : Auguste VACHON, « Article showed historical ignorance » dans The Ottawa Citizen, 13 juill. 2001, p. F5.
[32] En effet, ils ont élu beaucoup d’anglophones ou de personnes à un haut niveau de bilinguisme. L’un des pères de la Confédération, sir Alexander Tilloch Galt, né en Angleterre, représente le comté de Sherbrooke au Québec dans l’Assemblée du Canada et après 1867 à la Chambre des communes. John Jones Ross, premier ministre du Québec (1884-1887) est le fils de George McIntosh Ross, marchand d'origine écossaise, et de Sophie-Éloïse Gouin. Une bonne partie de sa carrière se déroule en français au Québec, mais il évolue aussi dans un milieu bilingue comme membre de l’Assemblée du Canada (1861-1867), député à la Chambre des communes (1867-1874) et président du Sénat (1891-1896). En 1872, John Young défait sir George Alexander Drummond dans Montréal-Ouest. Sir John Joseph Caldwell Abbott, premier ministre du Canada (1891-1892), représente la circonscription d’Argenteuil, un siège détenu auparavant par un autre anglophone, Sydney Robert Bellingham. Parmi les premiers ministres élus au Québec, sir Wilfred Laurier, né de parents francophones, maîtrisait à merveille la langue anglaise. Par contre, Louis Stephen St. Laurent parlait à son père en français et à sa mère irlandaise en anglais, langue qu’il parlait sans accent. Le premiers ministres Pierre Elliott Trudeau, Brian Mulroney, et Jean Chértien étaient tous bilingues. Parler de l’Église comme une force opprimante en 1995 est un vieux cliché qui n’a plus sa place.
[33] En réalité, le ministère du Patrimoine canadien a la responsabilité du cérémonial d’État et des symboles canadiens.
[34] Diane FRANCIS, « Crest change a sellout to separatists » dans Saskatoon Star-Phoenix, 5 sept. 1996, p. A2.
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[1] Une lettre au rédacteur argumente, avec citations bibliques à l’appui, que la devise de l’Ordre du Canada Desiderantes meliorem patriam ne signifie pas « Ils aspirent à une patrie meilleure », mais « Vouloir mourir et aller au ciel » (Yearning to die and go to heaven). L’argumentation est savante, mais il est évident que l’auteur veut s’amuser. Un verset de l’épître de saint Paul aux Hébreux (11:16) selon la Bible de Jérusalem se lit comme suit : « Or, en fait, ils aspirent à une patrie meilleure, c’est-à-dire céleste. ». Le simple fait que le verset contient la précision « c’est-à-dire céleste » en rapport avec la patrie signifie que Desiderantes meliorem patriam sans plus signifie littéralement « Ils aspirent à une patrie meilleure ». La lettre est de Bill CASSELMAN de Dunnville en Ontario et paraissait dans le Globe and Mail du 16 décembre 1995, p. D7.
[2] Tim NAUMETZ, « Getting credit for change in coat of arms » dans The Hill Times, 14 déc. 1995, p. 17.
[3] Bruce M. HICKS, « The Campaign to Change the Royal Arms of Canada » dans Hogtown Heraldry, vol. 12, no 4 (hivers 2000-2001), p. 7.
[4] http://reg.gg.ca/heraldry/pub-reg/project.asp?lang=e&ProjectID=1824&ShowAll=1.
[5] Léopold Henri Amyot, 28 mars 1989 : http://reg.gg.ca/heraldry/pub-reg/project.asp?lang=e&ProjectID=1828&ShowAll=1; François Richard, 29 mars 1989 : http://reg.gg.ca/heraldry/pub-reg/project.asp?lang=e&ProjectID=1829&ShowAll=1; Maurice Sauvé, 30 mars 1989 : http://reg.gg.ca/heraldry/pub-reg/project.asp?lang=e&ProjectID=1825&ShowAll=1 (les armoiries du récipiendaire sont également entourées de la devise de l’Ordre du Canada); Wesley Drewett Black, 3 avril 1989 : http://reg.gg.ca/heraldry/pub-reg/project.asp?lang=e&ProjectID=1830&ShowAll=1.
[6] http://www.heraldry.ca/content/art/stained_glass/wallis/rideauHallRoyalWindow.jpg.
[7] L'hon. Michel Dupuy, ministre du Patrimoine canadien, « Loi sur le ministère du Patrimoine canadien » : https://www.noscommunes.ca/DocumentViewer/fr/35-1/chambre/seance-102/debats (6416).
[8] https://laws-lois.justice.gc.ca/fra/lois/C-17.3/page-1.html#h-68087, (2) h.
[9] Le lecteur pourra suivre toutes les péripéties qui ont marqué le choix et les modifications aux armoiries du Canada ici : Auguste VACHON, Canada’s Coat of Arms: Defining a County Within an Empire : https://heraldicscienceheraldique.com/canadarsquos-coat-of-arms-defining-a-country-within-an-empire.html, particulièrement les chapitres 4 à 6.
[10] Comme héraut Saint-Laurent, j’ai contribué modestement aux modifications en signalant que, quelques années auparavant (vers 1970), un artiste du nom de Hans D. Birk avait dessiné les armories du Canada en rendant les bouts des lambrequins dans la forme de feuilles d’érable, idée qui a été retenue (fig. 5).
[11] À l’Autorité héraldique du Canada, j’étais gardien du sceau et je devais m’assurer, dans la mesure du possible, que les lettres de concession d’emblèmes étaient libres d’erreurs avant d’apposer le sceau. Je n’avais pas été impliqué dans la décision d’ajouter la devise de l’Ordre du Canada aux armoiries nationales, mais je n’ai pas exprimé de souci en 1989 avant d’appliquer le sceau aux lettres d’armoiries où figurait la devise de l’Ordre du Canada (voir chronologie 1989). Pour moi, il s’agissait d’une mesure conforme à une pratique courante en Grande-Bretagne où la devise de l’ordre de la Jarretière entoure l’écu royal (fig. 4).
[12] Le texte du communiqué de presse paraît sous le titre « New Coat-of-Arms adopted for Canada » (Parliament Buildings, Ottawa) dans le Alberni Valley Times, 4 déc. 1995, p. 11A.
[13] Débats de la Chambre de communes, 35e législature, 1re session, vol. 15 : http://parl.canadiana.ca/view/oop.debates_CDC3501_15/532?r=0&s=2 ou http://www.collectionscanada.gc.ca/eppp-archive/100/201/301/hansard-f/35-1/271_95-12-05/271SM1F.html.
[14] http://parl.canadiana.ca/view/oop.debates_CDC3501_15/272?r=0&s=1 ou http://www.collectionscanada.gc.ca/eppp-archive/100/201/301/hansard-f/35-1/267_95-11-29/267GO1F.html. Anglais : http://www.collectionscanada.gc.ca/eppp-archive/100/201/301/hansard-f/35-1/271_95-12-05/271OQ1E.html
[15] http://parl.canadiana.ca/view/oop.debates_CDC3501_15/536?r=0&s=1, 5 déc. 1995, 17236 : Deborah Grey – Michel Dupuy.
[16] http://parl.canadiana.ca/view/oop.debates_CDC3501_15/537?r=0&s=1 5 déc. 1995, 17237-38 : Chuck Strahl- Michel Dupuy.
[17] http://parl.canadiana.ca/view/oop.debates_CDC3501_15/539?r=0&s=1 5 déc.1995, 173239-40 ou http://www.collectionscanada.gc.ca/eppp-archive/100/201/301/hansard-f/35-1/271_95-12-05/271OQ1F.html : Preston Manning – Michel Dupuy - Jan Brown - Herb Gray
[18] Jules RICHER, « Le Reform soulève une tempête aux Communes » dans Le Journal de Québec, 6 déc. 1995, p. 14; « Surprise! Canada has a revised coat of arms » dans London Free Press, 6 déc. 1995, p. A4; Linda DROUIN «Coat of arms changed without consultation » dans Niagara Falls Review, 6 déc. 1995, p. A2.
[19] Edward GREENSPON, « Reform outraged by secret in Canada’s coat of arms » dans The Globe and Mail, 6 déc. 1995, p. A1-2.
[20] Linda DROUIN, « Coat-of-arms revision surprises House of Commons» dans The Ottawa Citizen, 6 déc. 1995, p. A5; Edward GREENSPON, op. cit.
[21] Linda DROUIN, « Coat-of-arms revision », p. A5.
[22] Tim NAUMETZ, op. cit,, p. 17.
[23] Bruce M. HICKS, « Innovation Lost in Feigned Outrage, Confusion » dans Fredericton Daily Gleaner, 14 déc. 1995, p. 5. Hicks fera paraître plusieurs autres articles qui abondent dans le même sens : « European influences apparent Canada tries on a new coat » dans Lindsay Daily Post, 3 janv. 1996 et « Coat of Arms; the history » dans Charlottetown Guardian, 5 janv. 1996, p. A7.
[24] Patrick GAGNON, « A farcical call to arms: Reform party diatribe marred a proud moment for Canadians » dans The Ottawa Citizen, 27 déc. 1995, p. A 14.
[25] Heritage Canada, « An official explanation of Canada’s new Coat of Arms » dans Saint John Telegraph Journal, mars 1996, p. A11.
[26] Colby COSH, « A Coat to fit Québec: Ottawa makes a surreptitious change to a national symbol» dans Alberta Report. 25 déc. 1995, p. 9.
[27] Robert PICHETTE, « The ignorant tilt at francophone windmills: The moribund CoR ranks have been firing missives both misguided and misinformed » et Armand R. SOUCY, lettre à l’éditeur « No resemblance between flags », les deux contributions dans Telegraph Journal (Saint-Jean, Nouveau-Brunswick), 1 mars 1996, p. A11.
[28] Les devises J’aime la croix et En parole je vis ont respectivement un complément d’objet direct et indirect. Je me souviens est ce que j’appelle une devise ouverte en ce sens qu’elle n’a pas de complément. Beaucoup de devises n’en ont pas, par exemple : J’espère, J’aime, Je pense, Je maintiendrai, Je sers, Faire sans dire, Espérez toujours, Accept, Achieve, Beware, Build in Depth, Deserve, Have, Do or Die, Press Through, Serve and Share, etc. Plusieurs devises ont un complément, mais on ne sait pas de quoi il s’agit : Je le tiens, Je l’ai gagné, Fiez-vous-y, This I’ll Defend, etc. Mais il est un fait que beaucoup de devises rendent le même sens que la devise du Québec : Memini (Je me souviens), Meminisse (Se souvenir), Ne obliviscaris (N’oublie pas), Ne oublie, Souvenance, Remember, Remember and Forget not, Je n’oublierai jamais. Ces devises ne sont pas mal formulées, car pour demeurer dynamiques, les devises comme les symboles doivent conserver une bonne part de mystère, d’imaginaire et d’insaisissable : révéler tout en voilant : voir à ce sujet Jean CHEVALIER et Alain GHEERBRANT, Dictionnaire des symboles…, Paris, Seghers, 1973, p. XVIII. Les devises citées comme échantillon plus haut à titre d’exemple proviennent de W.S.W. ANSON, Mottoes and Badges …, Londres, George Routledge, 1904; A. CHASSANT et Henri TAUSIN, Dictionnaire des devises historiques et héraldiques, Paris, J.B. Dumoulin, 1878, 2 vol.; L.G. PINE, A Dictionary of Mottoes, Londres, Routledge et Kegan Paul, 1983.
[29] Le spécialiste de la question, Gaston Deschênes, s’exprime sans équivoque à ce sujet : « Il a été impossible de trouver le moindre texte où [Eugène-Étienne] Taché aurait expliqué l'origine et la signification du Je me souviens et on peut penser qu'il n'en a pas senti le besoin, tellement le message qu'il voulait transmettre était simple et la signification de sa devise, évidente quand on la replace dans son contexte. » : http://www.ameriquefrancaise.org/fr/article-518/La%20devise%20qu%C3%A9b%C3%A9coise%20%C2%ABJe%20me%20souviens%C2%BB#.Whr76lWnGig. Ceci rejoint l’idée de la note précédente où il est démontré que beaucoup de devises contiennent un verbe sans complément d’objet direct ou indirect et que ces devises demeurent efficaces.
[30] Plusieurs auteurs ont spéculé quant à l’origine et la signification de la devise du Québec, par exemple qu’elle pouvait provenir du poème de Victor Hugo Lueur au couchant : « J’entendais près de moi rire les jeunes hommes / Et les graves vieillards dire : Je me souviens. — / Ô patrie ! ô concorde entre les citoyens ! » ou encore d’un poème qui aurait été lu à l’inauguration de l’édifice du Parlement contenant les vers « Je me souviens /que né sous le lis, / je fleuris sous la rose. ». On a également pensé aux vers de la chanson Un canadien errant, notamment « Va, dis à mes amis / Que je me souviens d’eux ». On a aussi tenté de rattacher la devise à légende du chien d’or, ouvrage de William Kirby publié à l’origine en 1877. Kirby raconte que sur la façade de la maison de Nicholas Jaquin Philibert figure un bas-relief en pierre montrant un chien rongeant l’os d’un homme avec l’inscription ici en langue moderne : « Je suis un chien qui ronge l'os, / En le rongeant je prends mon repos / Un temps viendra qui n'est pas venu / Que je mordrai qui m'aura mordu. » Voir William KIRBY, The Chien D'or: The Golden Dog; a Legend of Quebec, New York, R. Worthington, 1878, p. 116 et vignette sur la page de titre. La légende remonte aux derniers jours de la Nouvelle-France, mais la plaque en pierre qui existe toujours ornait à l’origine la maison du chirurgien Timothée Roussel construite en 1688. Comme il s’agit d’une image de vengeance, il est facile de l’assimiler à la devise du Québec si l’on donne à « Je me souviens » le sens exprimé par Diane Francis que le souvenir est de la conquête et qu’un jour le chien qui représente les Canadiens français sera assez fort pour se venger. Bien entendu il s’agit de pure spéculation puisque personne ne sait quel sens Taché a voulu donner à la devise. Au sujet des nombreuses interprétations et mythes concernant la devise du Québec, voir : http://agora.qc.ca/documents/quebec_-_etat--la_devise_je_me_souviens_par_gaston_deschenes; au sujet de la légende du chien d’or, voir : https://heraldicscienceheraldique.com/un-puissant-symbole-de-vengeance-qui-brave-le-temps.html. Pour ma part, j’ai souvent pensé que le poème Chanson d’automne de Paul Verlaine aurait pu aussi servir d’inspiration pour la devise et notamment les vers : « Je me souviens / Des jours anciens / Et je pleure ». Poète à ses heures, Tâché a sûrement lu ces vers qui datent de son époque.
[31] La notion que « Je me souviens » est un slogan séparatiste persiste dans certains milieux. Elle se retrouve sous la plume d’une journaliste en 2001 qui décrit un concert en honneur de Luc Plamondon à Ottawa où on avait projeté une grande fleur de lis et la devise du Québec en lettres de 15 mètres près de la Tour de la Paix et qu’elle décrit ainsi : « The image of the Quebec sovereigntist slogan displayed proudly beneath the Peace Tower certainly has to rank among the most incongruous sights at any outdoor event this summer. » : Natasha GAUTHIER, « Concert honours Quebec songwriter: Something for everyone at Plamondon tribute » dans The Ottawa Citizen, 8 juill. 2001, p. A11. J’ai répliqué à ce reportage dans une lettre à l’éditeur : Auguste VACHON, « Article showed historical ignorance » dans The Ottawa Citizen, 13 juill. 2001, p. F5.
[32] En effet, ils ont élu beaucoup d’anglophones ou de personnes à un haut niveau de bilinguisme. L’un des pères de la Confédération, sir Alexander Tilloch Galt, né en Angleterre, représente le comté de Sherbrooke au Québec dans l’Assemblée du Canada et après 1867 à la Chambre des communes. John Jones Ross, premier ministre du Québec (1884-1887) est le fils de George McIntosh Ross, marchand d'origine écossaise, et de Sophie-Éloïse Gouin. Une bonne partie de sa carrière se déroule en français au Québec, mais il évolue aussi dans un milieu bilingue comme membre de l’Assemblée du Canada (1861-1867), député à la Chambre des communes (1867-1874) et président du Sénat (1891-1896). En 1872, John Young défait sir George Alexander Drummond dans Montréal-Ouest. Sir John Joseph Caldwell Abbott, premier ministre du Canada (1891-1892), représente la circonscription d’Argenteuil, un siège détenu auparavant par un autre anglophone, Sydney Robert Bellingham. Parmi les premiers ministres élus au Québec, sir Wilfred Laurier, né de parents francophones, maîtrisait à merveille la langue anglaise. Par contre, Louis Stephen St. Laurent parlait à son père en français et à sa mère irlandaise en anglais, langue qu’il parlait sans accent. Le premiers ministres Pierre Elliott Trudeau, Brian Mulroney, et Jean Chértien étaient tous bilingues. Parler de l’Église comme une force opprimante en 1995 est un vieux cliché qui n’a plus sa place.
[33] En réalité, le ministère du Patrimoine canadien a la responsabilité du cérémonial d’État et des symboles canadiens.
[34] Diane FRANCIS, « Crest change a sellout to separatists » dans Saskatoon Star-Phoenix, 5 sept. 1996, p. A2.