La société de la Nouvelle-France était-elle féodale ?
Auguste Vachon, héraut Outaouais émérite
Plusieurs historiens ont qualifié la société de la Nouvelle-France de féodale, mais il faut d’abord se demander si la féodalité avait survécue dans la France qui est venue coloniser l’Amérique au début du XVIIe siècle. On est confronté sur ce plan à un problème de définition. Trop souvent, on donne à féodalité un sens restrictif qui la limite au fief tout en négligeant les aspects sociaux, militaires et politiques de ce phénomène. Si on donne au mot la plénitude de son sens, il n’est plus possible d’établir une équivalence entre régime seigneurial et féodalité, le premier n’étant qu’une des manifestations du second, un vestige d’une réalité beaucoup plus grande.
Déjà au XIIe siècle, l’un des piliers du monde féodal, le service militaire en retour pour la terre commençait à disparaître avec l’emploi de mercenaires. Sous Philippe IV dit le Bel, roi de 1285 à 1314, l’armée entière était à la solde du pouvoir royal [1]. Ce qui permettait au roi de payer ses troupes était de nouvelles sources de revenues provenant de l’essor des villes et de l’expansion du commerce favorisé par des meilleurs moyens de transport, l’afflux de métaux précieux et de monnaie en Occident [2]. La terre n’était plus la seule base économique de la France.
Sous le pape Innocent III (1160-1216), la primauté du spirituel sur le temporel devenait une réalité. Ce pape était assez puissant pour imposer sa volonté aux couronnes d’Europe. Mais, un siècle plus tard environ, Philippe Le Bel était en mesure de bafouer les ambitions théocratiques du pape Boniface VIII. Par le concordat de Bologne (1516), conclu entre le pape Léon X et François Ier, le roi nommait les évêques et le pape se réservait l’investiture canonique. Plus près de la période qui nous concerne, Louis XIV ne reconnaissait aucun pouvoir temporel au pape et était appuyé dans ce sens par le clergé français [3]. Même si le sacre est une cérémonie religieuse qui confère au souverain un caractère sacré, il est évident que Louis XIV personnifiait en tous points un roi régnant par la grâce de Dieu lui-même et non pas par la grâce de l’Église. Au Canada, le roi veillait, avec son ministre Colbert, à ce que les pouvoirs de l’Église n’empiètent pas sur ceux de l’État [4]. Nous sommes alors loin de l’autorité exercée par certains papes féodaux. (fig. 1)
Déjà au XIIe siècle, l’un des piliers du monde féodal, le service militaire en retour pour la terre commençait à disparaître avec l’emploi de mercenaires. Sous Philippe IV dit le Bel, roi de 1285 à 1314, l’armée entière était à la solde du pouvoir royal [1]. Ce qui permettait au roi de payer ses troupes était de nouvelles sources de revenues provenant de l’essor des villes et de l’expansion du commerce favorisé par des meilleurs moyens de transport, l’afflux de métaux précieux et de monnaie en Occident [2]. La terre n’était plus la seule base économique de la France.
Sous le pape Innocent III (1160-1216), la primauté du spirituel sur le temporel devenait une réalité. Ce pape était assez puissant pour imposer sa volonté aux couronnes d’Europe. Mais, un siècle plus tard environ, Philippe Le Bel était en mesure de bafouer les ambitions théocratiques du pape Boniface VIII. Par le concordat de Bologne (1516), conclu entre le pape Léon X et François Ier, le roi nommait les évêques et le pape se réservait l’investiture canonique. Plus près de la période qui nous concerne, Louis XIV ne reconnaissait aucun pouvoir temporel au pape et était appuyé dans ce sens par le clergé français [3]. Même si le sacre est une cérémonie religieuse qui confère au souverain un caractère sacré, il est évident que Louis XIV personnifiait en tous points un roi régnant par la grâce de Dieu lui-même et non pas par la grâce de l’Église. Au Canada, le roi veillait, avec son ministre Colbert, à ce que les pouvoirs de l’Église n’empiètent pas sur ceux de l’État [4]. Nous sommes alors loin de l’autorité exercée par certains papes féodaux. (fig. 1)
Fig. 1 En 1077, Henri IV, empereur
d’Allemagne, excommunié par le pape Grégoire VII et abandonné de ses vassaux,
demeure trois jours pieds nus dans la neige près du château de Canossa
(province de Reggio d’Émilie, Italie) implorant le
pape de le recevoir et le relever de l'excommunication. Estampe appartenant
à A. & P. Vachon, d’après une peinture de O. Friedrich.
Les communautés religieuses en Nouvelle-France possédaient environ 25% des seigneuries qu’elles distribuaient en parcelles à des censitaires. Les revenus de ces terres servaient à maintenir des hôpitaux et des établissements d’enseignement qui rendaient de grands services à l’État. Il y avait aussi la dîme pour le maintient du clergé, fixée au vingtième minot de grain (1664) et au vingt-sixième (1667) [5]. Cette dîme, une survivance de la féodalité, n’avait pas de commune mesure avec la dîme d’avant la Révolution en France qui pouvait s’élever jusqu’à un cinquième de la production agricole [6].
On rencontre quelques traces des corps de métiers dans les Relations des Jésuites : « Le 1er [décembre 1645 à Québec] ceux de la forge vinrent demander le vin de la St Eloy [patron des armuriers]. Ils étaient quatre, on leur donna quatre chapelets & au maître une bouteille de vin [7]. » En 1646, les charpentiers, maçons, matelots, taillandiers et boulangers portaient des torches dans la procession de la fête du Saint-Sacrement du 6 juin. Jean Guyon, maçon, avait fixé à la sienne : « les armes de son métier, marteau, compas & règle » [8]. (fig. 2)
On rencontre quelques traces des corps de métiers dans les Relations des Jésuites : « Le 1er [décembre 1645 à Québec] ceux de la forge vinrent demander le vin de la St Eloy [patron des armuriers]. Ils étaient quatre, on leur donna quatre chapelets & au maître une bouteille de vin [7]. » En 1646, les charpentiers, maçons, matelots, taillandiers et boulangers portaient des torches dans la procession de la fête du Saint-Sacrement du 6 juin. Jean Guyon, maçon, avait fixé à la sienne : « les armes de son métier, marteau, compas & règle » [8]. (fig. 2)
Fig. 2 L’une des interprétations possibles des armes des maçons figurant dans la procession de la fête du Saint-Sacrement du 6 juin 1646, décrites dans les Relations des Jésuites.
En France, il était difficile d’accéder au titre de maître et des artisans pouvaient demeurer longtemps à l’état de compagnons de sorte que les maîtres constituaient le patronat et les compagnons les salariés [9]. En Nouvelle-France, l’artisan qui avait exercé son métier pendant six ou dix ans accédait à la maîtrise [10]. L’apprentissage se faisait par contrat, mais la notion de créer le chef-d’œuvre pour accéder au statut de maître était presque totalement absente.
Les quelques confréries de métiers n’exerçaient pas de contrôle sur la compétence ou la qualité des produits ou travaux. La confrérie Sainte-Anne à Québec regroupait surtout des menuisiers et avait des orientations pieuses et bénévoles [11]. La confrérie Saint-Eloi à Montréal comptait quelques armuriers, serruriers et arquebusiers qui se réunissaient pour fêter l’anniversaire de leur saint patron avec une grand-messe et un dîner plantureux bien arrosé [12]. Les membres se querellèrent et en vinrent aux coups. L’expulsion d’un membre en 1681 donna lieu à un procès auquel l’association ne semble pas avoir survécue [13]. Il existait aussi une communauté de cordonniers à Montréal en 1758 dont le but était d’honorer leurs saints patrons saint Crépin et saint Crépinien [14]. On ne trouve pas dans la colonie les corporations ou jurandes bien règlementées de la France [15]. Le seul vrai contrôle sur les métiers s’exerçait par l’État [16].
Depuis longtemps à l’époque de la Nouvelle-France, l’héraldique qui superficiellement pouvait sembler être la manifestation féodale par excellence, représentait des personnes physiques ou morales et non plus le fief. L’attribution des armoiries avait subi en France la même centralisation que le pouvoir d’État, cette compétence étant exercée par un juge d’armes. Grâce en partie à la libre adoption, le port d’armoiries s’était répandu à toutes les couches de la société, aux paysans et bourgeois comme aux nobles. En Nouvelle-France, les armoiries des particuliers figuraient surtout sur les sceaux et l’argenterie, parfois sur de la céramique de table et quelques ex-libris. Les armoiries roturières ou de libre adoption étaient rares, mais leur présence confirme la même démocratisation de l’héraldique qu’en France [17].
On rencontre en Nouvelle-France un exemple d’emprunt héraldique qui s’inspire des anciens liens vassaliques. En 1668, Godefroy de Lintot, voulant exprimer sa reconnaissance à l’intendant Jean Talon pour lui avoir procuré ses lettres d’anoblissement, sollicita la permission de meubler ses armoiries d’éléments provenant de celles de l’intendant qui portait : D’azur au chevron accompagné de trois épis de blé soutenus chacun d’un croissant, le tout d’or. (fig. 3) Talon semblait craindre que l’écu de son protégé devienne trop chargé s’il accédait à sa demande, mais il lui permit néanmoins d’y ajouter l’épi et le croissant qu’on retrouve dans les armoiries que lui concédait Louis-Roger d’Hozier : D’azur à l’épée haute d’argent accostée de deux épis de blé d’or tigés et feuillés de sinople soutenus chacun d’un croissant d’argent; l’écu timbré d’un casque de profil orné de lambrequins d’argent, d’azur, d’or et de sinople [18]. (fig. 4)
Les quelques confréries de métiers n’exerçaient pas de contrôle sur la compétence ou la qualité des produits ou travaux. La confrérie Sainte-Anne à Québec regroupait surtout des menuisiers et avait des orientations pieuses et bénévoles [11]. La confrérie Saint-Eloi à Montréal comptait quelques armuriers, serruriers et arquebusiers qui se réunissaient pour fêter l’anniversaire de leur saint patron avec une grand-messe et un dîner plantureux bien arrosé [12]. Les membres se querellèrent et en vinrent aux coups. L’expulsion d’un membre en 1681 donna lieu à un procès auquel l’association ne semble pas avoir survécue [13]. Il existait aussi une communauté de cordonniers à Montréal en 1758 dont le but était d’honorer leurs saints patrons saint Crépin et saint Crépinien [14]. On ne trouve pas dans la colonie les corporations ou jurandes bien règlementées de la France [15]. Le seul vrai contrôle sur les métiers s’exerçait par l’État [16].
Depuis longtemps à l’époque de la Nouvelle-France, l’héraldique qui superficiellement pouvait sembler être la manifestation féodale par excellence, représentait des personnes physiques ou morales et non plus le fief. L’attribution des armoiries avait subi en France la même centralisation que le pouvoir d’État, cette compétence étant exercée par un juge d’armes. Grâce en partie à la libre adoption, le port d’armoiries s’était répandu à toutes les couches de la société, aux paysans et bourgeois comme aux nobles. En Nouvelle-France, les armoiries des particuliers figuraient surtout sur les sceaux et l’argenterie, parfois sur de la céramique de table et quelques ex-libris. Les armoiries roturières ou de libre adoption étaient rares, mais leur présence confirme la même démocratisation de l’héraldique qu’en France [17].
On rencontre en Nouvelle-France un exemple d’emprunt héraldique qui s’inspire des anciens liens vassaliques. En 1668, Godefroy de Lintot, voulant exprimer sa reconnaissance à l’intendant Jean Talon pour lui avoir procuré ses lettres d’anoblissement, sollicita la permission de meubler ses armoiries d’éléments provenant de celles de l’intendant qui portait : D’azur au chevron accompagné de trois épis de blé soutenus chacun d’un croissant, le tout d’or. (fig. 3) Talon semblait craindre que l’écu de son protégé devienne trop chargé s’il accédait à sa demande, mais il lui permit néanmoins d’y ajouter l’épi et le croissant qu’on retrouve dans les armoiries que lui concédait Louis-Roger d’Hozier : D’azur à l’épée haute d’argent accostée de deux épis de blé d’or tigés et feuillés de sinople soutenus chacun d’un croissant d’argent; l’écu timbré d’un casque de profil orné de lambrequins d’argent, d’azur, d’or et de sinople [18]. (fig. 4)
Le clergé avait élaboré un système de classement de la société féodale : ceux qui prient (moines), ceux qui combattent (chevaliers) et ceux qui travaillent (paysans). Cette structure se reflétait dans les états généraux (noblesse, clergé et tiers état) que le roi convoquait pour le conseiller en cas de crise. À son arrivée en Nouvelle-France en 1672, Frontenac avait eu l’idée de convoquer les trois états sans l’autorisation de la Cour. Colbert le blâma de cette initiative et l’enjoignit de se conformer aux pratiques de la France où « … les Rois ont estimé du bien de leur service de ne point assembler depuis longtemps les États généraux. » et, préférablement, de ne « … jamais donner cette forme au corps des habitants du pays [19]. » Le ministre ne voulait sans doute pas remettre à l’honneur un conseil qui ne s’était pas rassemblé en France depuis 1614 et il ne semblait pas priser l’idée de diviser la société de la Nouvelle-France en catégories médiévales.
La pyramide féodale que dominait le souverain et qui, par des liens vassaliques, plaçait sous son autorité le plus petit des seigneurs, pouvait apparaître come une source de cohésion, mais elle était davantage une source de morcellement et d’affaiblissement du pouvoir central. Plusieurs des grands féodaux étaient aussi puissants, voire plus puissants que le roi, et pouvaient lui faire opposition si quelque situation ne servait pas leurs intérêts [20]. Après la mort de saint Louis en 1270, la puissance seigneuriale s’amenuisa graduellement devant la montée du pouvoir royal : « À la fin du XIIIe siècle, la féodalité politique est morte, les anciens châteaux se confondent avec les maisons-fortes des chevaliers et sont tous contrôlés par un pouvoir éminent; le réseau des hommages converge vers l’autorité suprême; la noblesse appauvrie, besogneuse, est domestiquée [21]. » Avec Louis XI, roi de 1461 à 1487, la France s’achemine vers une monarchie absolue et un État centralisé [22]. Les châteaux, jadis l’emblème par excellence du pouvoir féodal, tendent à être désaffectés parce qu’ils ne résistent plus à la puissance des canons et offrent un milieu de vie assez lugubre [23].
Le gouvernement de l’aristocratie régionale qui dominait le monde féodal était disparu de la France. Les ministres étaient chargés de l'application des décisions royales dans tout le pays. Au XVIIe siècle, les gouverneurs des provinces perdaient beaucoup de leur pouvoir au profit des intendants (de justice, police et finances), de puissants personnages qui agissaient au nom du roi sur de vastes territoires, les généralités de finances [24]. Dès 1663, le roi assumait lui-même la gestion de la colonie en lui donnant une structure administrative calquée sur une province française. Au gouverneur général venait s’ajouter un conseil supérieur et un intendant. Le gouverneur et l’intendant devaient rendre compte de leur administration au ministre responsable des colonies. Les anciens liens vassaliques étaient ainsi remplacés par un appareil administratif hiérarchisé et responsable au souverain et par des fonctionnaires à la solde de l’État comme l’étaient les militaires.
Le seigneur devait prêter foi et hommage au roi et le censitaire à son seigneur. Il s’agissait là d’un rituel bien féodal, mais le censitaire n’était pas lié au seigneur pour la vie comme s’était le cas dans les premiers temps féodaux. Il pouvait perdre sa terre s’il ne tenait pas feu et lieu ou manquait à ses obligations envers le seigneur, mais il pouvait aussi vendre son lopin tout comme le seigneur pouvait vendre sa seigneurie. En France, le serf féodal pouvait, avec l’accord du seigneur, transmettre sa terre à un héritier, mais il ne pouvait pas la vendre. Il avait un statut juridique au-dessus de l’esclave dans le sens que le seigneur ne pouvait pas le vendre ou le tuer, mais il échappait rarement à l’état de servage. Bien entendu, la condition des paysans variait d’une région et d’une période à l’autre.
On constate que William Bennett Munro, auteur de The seigneurs of Old Canada: A Chronicle of New-World Feudalism, savait pertinemment ce qu’était la féodalité. Il va jusqu’à décrire le système seigneurial comme un emaciated descendant de la grande institution médiévale qu’était la féodalité, et pourtant, il n’hésite pas à parler de féodalité du Nouveau-Monde dans son titre. Il admet que cette institution dans son ensemble n’existe plus, mais au lieu de voir le régime seigneurial comme l’un des éléments de la féodalité, il affirme « The feudal system became the seigneurial system ». C’est ce rejeton d’une institution beaucoup plus grande qu’il blâme pour les excès de la Révolution française et la connotation négative associée à la féodalité [25].
À cause du régime seigneurial, trop d’historiens ont qualifié la société de la Nouvelle-France et du Québec de féodale. C’est peut-être cet abus terminologique qui a motivé l’historien Marcel Trudel à affirmer, que le régime seigneurial au Canada n’était pas de la féodalité puisqu’il était bien encadré par l’État et plutôt bienveillant [26]. Il est vrai que ce qu’on exigeait des censitaires en Nouvelle-France n’avait pas de commune mesure avec ce que les seigneurs pouvaient exiger des serfs au Moyen Âge. Plus tard, beaucoup de nobles devenaient également imposables en France. On constate, par exemple, qu’au XVIIIe siècle, un grand nombre de nobles qui tentaient de vivre de leur domaine payaient des impôts exorbitants, par exemples, sur toutes leurs terres louées, nobles ou roturières [27].
Plusieurs spécialistes ont affirmé qu’on ne doit pas établir d’équivalence entre système seigneurial et féodalité, le premier n’étant qu’un aspect du second. D’autres ne reconnaissent pas l’existence d’un régime féodal en France lorsque ce pays a entrepris la colonisation de la Nouvelle-France au XVIIe siècle :
1) Pierre De Vaissière : « Au XVIe siècle, la féodalité est morte, et les vieux cadres où se trouvait enserrée la société du moyen âge sont brisés … la féodalité est morte et le vice capital de ce régime, le fractionnement et comme l’émiettement de l’autorité publique entre mille mains, a disparu. Le sentiment national est né à la fin de la guerre de Cent ans et Charles VII a su profiter de cette belle explosion de la conscience française pour faire prévaloir les droits de la royauté … Louis XI, par la force et par la ruse, a poursuivi l’œuvre et si bien achevé de briser les dernières résistances féodales, qu’après lui la noblesse se groupe tout naturellement autour de ses souverains … [28] ». Cette citation résume le point essentiel de mon article.
2) Marc Bloch : « ‘L’Assemblée Nationale’, dit le fameux décret du 11 août 1789, ‘détruit entièrement le régime féodal’. Comment désormais mettre en doute la réalité d’un système social dont la ruine avait coûté tant de peines ?
Ce mot, pourtant, promis à une si belle fortune, était, il faut l’avouer, un mot fort mal choisi… Dans l’usage aujourd’hui courant, ‘féodalité’ et ‘société féodale’ recouvrent un ensemble intriqué d’images où le fief proprement dit a cessé de figurer au premier plan [29]. »
3) Georges Duby et Robert Mandrou : « Féodalité, l’expression est critiquable, ― le fief n’est en effet qu’une des articulations, et non la plus importante, du nouvel agencement des rapports entre les hommes ―… [30]. »
4) Jean Meyer : « Le mot [Ancien Régime] désigne d'abord l'organisation politique (mais il faudrait mettre le pluriel) d'avant 1789; ensuite une certaine société, que l’on qualifiait au XVIIIe siècle, à la suite des juristes, de ‘féodale’ ― entendons en réalité, ‘seigneuriale’ »
« Les mots sont, on le sait, trompeurs. Les révolutionnaires ont voulu détruire la féodalité : ils voulaient dire seigneurie. Car la féodalité au sens propre du mot n'a plus guère d'importance en France. On peut certes en trouver des survivances, variables suivant les provinces [31]. »
5) Georges Duby : «Le mot féodalité apparut au XVIIe siècle pour qualifier ce qui se rattache au fief, c'est-à-dire à l'un des vestiges alors les mieux conservés du système juridique médiéval. Il en vint à définir tout ce qui subsistait de ce système. C'est ainsi que l'entendirent les révolutionnaires de 1789, abusant du mot féodal pour désigner ce qui, dans l'Ancien Régime, leur paraissait le plus mériter la destruction. Ce terme prit alors un sens péjoratif, qui lui est resté dans l'usage courant où il sert à définir tout ce qui est mépris de l'autorité publique au profit d'intérêts privés.
Il s'agit ici de lui restituer sa signification véritable, celle que les historiens s'attachent à circonscrire. »
« … les révolutionnaires abolirent ce qu'ils appelaient les droits féodaux, c'est-à-dire un ensemble complexe de prérogatives qui relevaient en réalité bien davantage de la seigneurie que du fief [32]. »
6) Ferdinand Lot : « En employant les mots féodal, féodalité à tort et à travers, les historiens vident ces mots de tout sens spécifique [33]. »
La tenure seigneuriale, qui était la base économique de la féodalité, a longtemps été une façon d’exploiter la terre et ce système a conservé au Canada quelques éléments originaux : la distribution des terres à des censitaires qui payaient au seigneur le cens (une redevance légère datant de la période féodale), une rente en argent ou en nature, un impôt sur la vente des terres (lods et ventes). Le censitaire devait aussi utiliser le moulin banal et se plier à certaines corvées. Le seigneur pouvait également se réserver des droits de pêche et d’exploitation des bois sur toute sa seigneurie. Même si le régime seigneurial conservait des survivances de la féodalité, il s’agissait d’une institution généralement beaucoup moins onéreuse qu’en France.
En France, non seulement les impositions étaient plus nombreuses qu’au Canada, mais il n’y avait pas d’uniformité dans leur nombre ou sévérité d’une région à l’autre [34]. Des facteurs qui ont grandement contribué à donner une mauvaise réputation au régime seigneurial en France ont été la révision des terriers qui ranimait des droits tombés en désuétude et les impôts royaux qui venaient s’ajouter aux droits seigneuriaux. Des agents du roi et souvent des agents à ferme recouvraient impitoyablement les redevances royales ou seigneuriales [35].
Les historiens de marque cités plus haut ont démontré que le système seigneurial n’était qu’un élément de la féodalité, que la confusion entre les deux mots a perduré jusqu’à la Révolution française et que les révolutionnaires ont détruit le régime seigneurial et non la féodalité qui n’existait plus au sens large du mot. De Vaissière affirme catégoriquement que cette institution dans son sens propre était morte en France lorsque ce pays est venu coloniser le Canada au XVIIe siècle.
La définition de la féodalité par les historiens cités n’est pas unanimement acceptée et ceci n’est pas surprenant, car ce mot n’est pas défini de la même façon par tous. Les marxistes voient dans la féodalité (ou féodalisme) une étape qui a précédé le capitalisme moderne et une société où les seigneurs, l’État et l’Église exploitaient la classe paysanne. Mais est-il juste de nier des activités capitalistes significatives en France avant la Révolution française ? Voici ce qu’en dit Jean Meyer : « On comprend donc aisément qu'on ait pu considérer que le principal mérite de la Révolution ait été de supprimer un frein principal au développement du capitalisme. Sans doute la mainmorte [36] ecclésiastique, le retrait féodal [37] ralentissent-ils effectivement la circulation des terres. Ils n’avaient pu cependant empêcher le développement rapide du capitalisme du XVIIIe siècle. Le frein est secondaire, puisque le taux de croissance français est alors l’un des plus forts du globe [38]. »
***
On constate dans la colonie un phénomène d’amenuisement ou de dilatation de certaines institutions ou pratiques sociales en regard de la mère patrie: un régime seigneurial uniforme, mieux encadré et moins onéreux, des confréries d’artisans à des fins religieuses, bénévoles et récréatives, un clergé moins puissant et des clivages moins accentués entre les couches de la société. L’héraldique, trop souvent associée à l’unique noblesse, avait, depuis longtemps dans la mère patrie, échappée au cadre féodal pour représenter toutes les couches de la société et cela bien avant la Révolution française. À une échelle réduite, l’héraldique coloniale se conformait à celle de la France. Sa survivance jusqu’à nos jours s’explique par son adaptation rapide à de nouvelles réalités.
Féodalité ou féodale sont parfois encore utilisés pour désigner la société de l’Ancien Régime en France et l’ensemble de la société de la Nouvelle-France et du Québec colonial [39]. La société de la colonie étant à l’image de celle de la mère patrie, elles seraient les deux féodales [40]. Décidément la conception de la féodalité en France exprimée par des historiens de la trempe de Marc Bloch, Georges Duby et Jean Meyer et reflétée dans plusieurs articles de la grande encyclopédie Universalis a du mal à se faire accepter dans certains milieux. Mais vraisemblablement, elle finira par triompher et, lorsqu’on cessera de confondre féodalité et régime seigneurial dans l’ancienne métropole, il deviendra difficile d’appliquer ce mot aux institutions et à la société de sa colonie canadienne. Ce n’est pas uniquement une question de sémantique. Aucune société ne souhaite se faire accoler un terme, devenu par surplus péjoratif, en vertu d’une définition que d’éminents historiens considèrent une interprétation étroite de son sens réel.
La pyramide féodale que dominait le souverain et qui, par des liens vassaliques, plaçait sous son autorité le plus petit des seigneurs, pouvait apparaître come une source de cohésion, mais elle était davantage une source de morcellement et d’affaiblissement du pouvoir central. Plusieurs des grands féodaux étaient aussi puissants, voire plus puissants que le roi, et pouvaient lui faire opposition si quelque situation ne servait pas leurs intérêts [20]. Après la mort de saint Louis en 1270, la puissance seigneuriale s’amenuisa graduellement devant la montée du pouvoir royal : « À la fin du XIIIe siècle, la féodalité politique est morte, les anciens châteaux se confondent avec les maisons-fortes des chevaliers et sont tous contrôlés par un pouvoir éminent; le réseau des hommages converge vers l’autorité suprême; la noblesse appauvrie, besogneuse, est domestiquée [21]. » Avec Louis XI, roi de 1461 à 1487, la France s’achemine vers une monarchie absolue et un État centralisé [22]. Les châteaux, jadis l’emblème par excellence du pouvoir féodal, tendent à être désaffectés parce qu’ils ne résistent plus à la puissance des canons et offrent un milieu de vie assez lugubre [23].
Le gouvernement de l’aristocratie régionale qui dominait le monde féodal était disparu de la France. Les ministres étaient chargés de l'application des décisions royales dans tout le pays. Au XVIIe siècle, les gouverneurs des provinces perdaient beaucoup de leur pouvoir au profit des intendants (de justice, police et finances), de puissants personnages qui agissaient au nom du roi sur de vastes territoires, les généralités de finances [24]. Dès 1663, le roi assumait lui-même la gestion de la colonie en lui donnant une structure administrative calquée sur une province française. Au gouverneur général venait s’ajouter un conseil supérieur et un intendant. Le gouverneur et l’intendant devaient rendre compte de leur administration au ministre responsable des colonies. Les anciens liens vassaliques étaient ainsi remplacés par un appareil administratif hiérarchisé et responsable au souverain et par des fonctionnaires à la solde de l’État comme l’étaient les militaires.
Le seigneur devait prêter foi et hommage au roi et le censitaire à son seigneur. Il s’agissait là d’un rituel bien féodal, mais le censitaire n’était pas lié au seigneur pour la vie comme s’était le cas dans les premiers temps féodaux. Il pouvait perdre sa terre s’il ne tenait pas feu et lieu ou manquait à ses obligations envers le seigneur, mais il pouvait aussi vendre son lopin tout comme le seigneur pouvait vendre sa seigneurie. En France, le serf féodal pouvait, avec l’accord du seigneur, transmettre sa terre à un héritier, mais il ne pouvait pas la vendre. Il avait un statut juridique au-dessus de l’esclave dans le sens que le seigneur ne pouvait pas le vendre ou le tuer, mais il échappait rarement à l’état de servage. Bien entendu, la condition des paysans variait d’une région et d’une période à l’autre.
On constate que William Bennett Munro, auteur de The seigneurs of Old Canada: A Chronicle of New-World Feudalism, savait pertinemment ce qu’était la féodalité. Il va jusqu’à décrire le système seigneurial comme un emaciated descendant de la grande institution médiévale qu’était la féodalité, et pourtant, il n’hésite pas à parler de féodalité du Nouveau-Monde dans son titre. Il admet que cette institution dans son ensemble n’existe plus, mais au lieu de voir le régime seigneurial comme l’un des éléments de la féodalité, il affirme « The feudal system became the seigneurial system ». C’est ce rejeton d’une institution beaucoup plus grande qu’il blâme pour les excès de la Révolution française et la connotation négative associée à la féodalité [25].
À cause du régime seigneurial, trop d’historiens ont qualifié la société de la Nouvelle-France et du Québec de féodale. C’est peut-être cet abus terminologique qui a motivé l’historien Marcel Trudel à affirmer, que le régime seigneurial au Canada n’était pas de la féodalité puisqu’il était bien encadré par l’État et plutôt bienveillant [26]. Il est vrai que ce qu’on exigeait des censitaires en Nouvelle-France n’avait pas de commune mesure avec ce que les seigneurs pouvaient exiger des serfs au Moyen Âge. Plus tard, beaucoup de nobles devenaient également imposables en France. On constate, par exemple, qu’au XVIIIe siècle, un grand nombre de nobles qui tentaient de vivre de leur domaine payaient des impôts exorbitants, par exemples, sur toutes leurs terres louées, nobles ou roturières [27].
Plusieurs spécialistes ont affirmé qu’on ne doit pas établir d’équivalence entre système seigneurial et féodalité, le premier n’étant qu’un aspect du second. D’autres ne reconnaissent pas l’existence d’un régime féodal en France lorsque ce pays a entrepris la colonisation de la Nouvelle-France au XVIIe siècle :
1) Pierre De Vaissière : « Au XVIe siècle, la féodalité est morte, et les vieux cadres où se trouvait enserrée la société du moyen âge sont brisés … la féodalité est morte et le vice capital de ce régime, le fractionnement et comme l’émiettement de l’autorité publique entre mille mains, a disparu. Le sentiment national est né à la fin de la guerre de Cent ans et Charles VII a su profiter de cette belle explosion de la conscience française pour faire prévaloir les droits de la royauté … Louis XI, par la force et par la ruse, a poursuivi l’œuvre et si bien achevé de briser les dernières résistances féodales, qu’après lui la noblesse se groupe tout naturellement autour de ses souverains … [28] ». Cette citation résume le point essentiel de mon article.
2) Marc Bloch : « ‘L’Assemblée Nationale’, dit le fameux décret du 11 août 1789, ‘détruit entièrement le régime féodal’. Comment désormais mettre en doute la réalité d’un système social dont la ruine avait coûté tant de peines ?
Ce mot, pourtant, promis à une si belle fortune, était, il faut l’avouer, un mot fort mal choisi… Dans l’usage aujourd’hui courant, ‘féodalité’ et ‘société féodale’ recouvrent un ensemble intriqué d’images où le fief proprement dit a cessé de figurer au premier plan [29]. »
3) Georges Duby et Robert Mandrou : « Féodalité, l’expression est critiquable, ― le fief n’est en effet qu’une des articulations, et non la plus importante, du nouvel agencement des rapports entre les hommes ―… [30]. »
4) Jean Meyer : « Le mot [Ancien Régime] désigne d'abord l'organisation politique (mais il faudrait mettre le pluriel) d'avant 1789; ensuite une certaine société, que l’on qualifiait au XVIIIe siècle, à la suite des juristes, de ‘féodale’ ― entendons en réalité, ‘seigneuriale’ »
« Les mots sont, on le sait, trompeurs. Les révolutionnaires ont voulu détruire la féodalité : ils voulaient dire seigneurie. Car la féodalité au sens propre du mot n'a plus guère d'importance en France. On peut certes en trouver des survivances, variables suivant les provinces [31]. »
5) Georges Duby : «Le mot féodalité apparut au XVIIe siècle pour qualifier ce qui se rattache au fief, c'est-à-dire à l'un des vestiges alors les mieux conservés du système juridique médiéval. Il en vint à définir tout ce qui subsistait de ce système. C'est ainsi que l'entendirent les révolutionnaires de 1789, abusant du mot féodal pour désigner ce qui, dans l'Ancien Régime, leur paraissait le plus mériter la destruction. Ce terme prit alors un sens péjoratif, qui lui est resté dans l'usage courant où il sert à définir tout ce qui est mépris de l'autorité publique au profit d'intérêts privés.
Il s'agit ici de lui restituer sa signification véritable, celle que les historiens s'attachent à circonscrire. »
« … les révolutionnaires abolirent ce qu'ils appelaient les droits féodaux, c'est-à-dire un ensemble complexe de prérogatives qui relevaient en réalité bien davantage de la seigneurie que du fief [32]. »
6) Ferdinand Lot : « En employant les mots féodal, féodalité à tort et à travers, les historiens vident ces mots de tout sens spécifique [33]. »
La tenure seigneuriale, qui était la base économique de la féodalité, a longtemps été une façon d’exploiter la terre et ce système a conservé au Canada quelques éléments originaux : la distribution des terres à des censitaires qui payaient au seigneur le cens (une redevance légère datant de la période féodale), une rente en argent ou en nature, un impôt sur la vente des terres (lods et ventes). Le censitaire devait aussi utiliser le moulin banal et se plier à certaines corvées. Le seigneur pouvait également se réserver des droits de pêche et d’exploitation des bois sur toute sa seigneurie. Même si le régime seigneurial conservait des survivances de la féodalité, il s’agissait d’une institution généralement beaucoup moins onéreuse qu’en France.
En France, non seulement les impositions étaient plus nombreuses qu’au Canada, mais il n’y avait pas d’uniformité dans leur nombre ou sévérité d’une région à l’autre [34]. Des facteurs qui ont grandement contribué à donner une mauvaise réputation au régime seigneurial en France ont été la révision des terriers qui ranimait des droits tombés en désuétude et les impôts royaux qui venaient s’ajouter aux droits seigneuriaux. Des agents du roi et souvent des agents à ferme recouvraient impitoyablement les redevances royales ou seigneuriales [35].
Les historiens de marque cités plus haut ont démontré que le système seigneurial n’était qu’un élément de la féodalité, que la confusion entre les deux mots a perduré jusqu’à la Révolution française et que les révolutionnaires ont détruit le régime seigneurial et non la féodalité qui n’existait plus au sens large du mot. De Vaissière affirme catégoriquement que cette institution dans son sens propre était morte en France lorsque ce pays est venu coloniser le Canada au XVIIe siècle.
La définition de la féodalité par les historiens cités n’est pas unanimement acceptée et ceci n’est pas surprenant, car ce mot n’est pas défini de la même façon par tous. Les marxistes voient dans la féodalité (ou féodalisme) une étape qui a précédé le capitalisme moderne et une société où les seigneurs, l’État et l’Église exploitaient la classe paysanne. Mais est-il juste de nier des activités capitalistes significatives en France avant la Révolution française ? Voici ce qu’en dit Jean Meyer : « On comprend donc aisément qu'on ait pu considérer que le principal mérite de la Révolution ait été de supprimer un frein principal au développement du capitalisme. Sans doute la mainmorte [36] ecclésiastique, le retrait féodal [37] ralentissent-ils effectivement la circulation des terres. Ils n’avaient pu cependant empêcher le développement rapide du capitalisme du XVIIIe siècle. Le frein est secondaire, puisque le taux de croissance français est alors l’un des plus forts du globe [38]. »
***
On constate dans la colonie un phénomène d’amenuisement ou de dilatation de certaines institutions ou pratiques sociales en regard de la mère patrie: un régime seigneurial uniforme, mieux encadré et moins onéreux, des confréries d’artisans à des fins religieuses, bénévoles et récréatives, un clergé moins puissant et des clivages moins accentués entre les couches de la société. L’héraldique, trop souvent associée à l’unique noblesse, avait, depuis longtemps dans la mère patrie, échappée au cadre féodal pour représenter toutes les couches de la société et cela bien avant la Révolution française. À une échelle réduite, l’héraldique coloniale se conformait à celle de la France. Sa survivance jusqu’à nos jours s’explique par son adaptation rapide à de nouvelles réalités.
Féodalité ou féodale sont parfois encore utilisés pour désigner la société de l’Ancien Régime en France et l’ensemble de la société de la Nouvelle-France et du Québec colonial [39]. La société de la colonie étant à l’image de celle de la mère patrie, elles seraient les deux féodales [40]. Décidément la conception de la féodalité en France exprimée par des historiens de la trempe de Marc Bloch, Georges Duby et Jean Meyer et reflétée dans plusieurs articles de la grande encyclopédie Universalis a du mal à se faire accepter dans certains milieux. Mais vraisemblablement, elle finira par triompher et, lorsqu’on cessera de confondre féodalité et régime seigneurial dans l’ancienne métropole, il deviendra difficile d’appliquer ce mot aux institutions et à la société de sa colonie canadienne. Ce n’est pas uniquement une question de sémantique. Aucune société ne souhaite se faire accoler un terme, devenu par surplus péjoratif, en vertu d’une définition que d’éminents historiens considèrent une interprétation étroite de son sens réel.
Was the Society of New France Feudal?
Summary
The author examines the propriety of applying the word feudal to the economy and society of New France and later the Province of Quebec. He attempts to show that remnants of feudalism such as the seigniorial system and the tithe were much milder in the colony than in France and that some manifestations of feudal society, such as powerful guilds, were not transplanted into New France. The main contention is that the pillars of feudalism no longer existed in France when it colonized North America. The fragmentation of the power of the state had given way to centralisation and the absolute power of the sovereign. The feudal pyramid that linked the smallest seigneur to the king was superseded by a modern administration with ministers, governors and intendants. Long before the discovery of Canada, land in return for military service had been replaced by paid troops. Powerful popes were no longer able to impose their will on kings; and castles, once the very emblem of feudal power, were disappearing because they could no longer resist the force of canons and offered dismal living conditions. The author further points out that heraldry in France, which originated in a feudal society, had become fully democratic extending to all levels of society including the peasantry by the time New France came into being. In France, many arms were adopted freely, but the French legal definition accepted assumed arms as being legitimate. In New France there were, besides noble arms, a few cases of bourgeois and freely adopted ones, which confirm that heraldry in the colony was in the image of the colonizing country.
Many outstanding historians quoted in the article (nos. 1 to 6, footnotes 24 to 29 in the original French) have criticized the word feudalism (which appeared in the seventeenth century) on the basis that the fief was only a part, and not the most important one, of the feudal organization. The same analogy exists in heraldry for the word “crest” which is often used to designate the whole coat of arms, although it is a secondary component of it.
The authors quoted insist that feudalism should not be equated with Ancien Régime or with the seigniorial system since feudalism, as it existed in medieval France, was a much broader phenomenon, which had gradually disintegrated into residues of a larger social structure by the time French colonies appeared in North America. Their views run counter to an imbedded semantic tradition and to the Marxist definition of feudalism as the economic stage before the rise of capitalism, and a period when seigneurs, state and church exploited the peasantry. A closer look at the situation in France reveals that there was a diversity of industries, strong economic growth, and considerable capitalist activity during the eighteenth century, prior to the slump that preceded the French Revolution.
It is hoped that the way of looking at this question by the modern authors quoted will triumph in France with the result that historians will stop equating the seigniorial system with feudalism. It will then become ludicrous to apply the term feudal to the society of New France, and later to that of the Province of Quebec, where lingered residual remnants of French feudal institutions. It is not just a matter of semantics. No society wants to be defined by a word loaded with a pejorative connotation by virtue of a definition that outstanding modern historians consider to be a narrow interpretation of the term.
Although heraldry has retained much of the terminology and applications of feudal times, it had also evolved to become accessible to all forms of institutions and all levels of society, a factor which no doubt goes a long way towards explaining its survival to this day. A.V.
Many outstanding historians quoted in the article (nos. 1 to 6, footnotes 24 to 29 in the original French) have criticized the word feudalism (which appeared in the seventeenth century) on the basis that the fief was only a part, and not the most important one, of the feudal organization. The same analogy exists in heraldry for the word “crest” which is often used to designate the whole coat of arms, although it is a secondary component of it.
The authors quoted insist that feudalism should not be equated with Ancien Régime or with the seigniorial system since feudalism, as it existed in medieval France, was a much broader phenomenon, which had gradually disintegrated into residues of a larger social structure by the time French colonies appeared in North America. Their views run counter to an imbedded semantic tradition and to the Marxist definition of feudalism as the economic stage before the rise of capitalism, and a period when seigneurs, state and church exploited the peasantry. A closer look at the situation in France reveals that there was a diversity of industries, strong economic growth, and considerable capitalist activity during the eighteenth century, prior to the slump that preceded the French Revolution.
It is hoped that the way of looking at this question by the modern authors quoted will triumph in France with the result that historians will stop equating the seigniorial system with feudalism. It will then become ludicrous to apply the term feudal to the society of New France, and later to that of the Province of Quebec, where lingered residual remnants of French feudal institutions. It is not just a matter of semantics. No society wants to be defined by a word loaded with a pejorative connotation by virtue of a definition that outstanding modern historians consider to be a narrow interpretation of the term.
Although heraldry has retained much of the terminology and applications of feudal times, it had also evolved to become accessible to all forms of institutions and all levels of society, a factor which no doubt goes a long way towards explaining its survival to this day. A.V.