Le visage sur les cartes de Champlain : portrait ou symbole?
Auguste Vachon, héraut Outaouais émérite
Lors d’une recherche sur Internet, j’ai découvert l’hypothèse d’un autoportrait de Champlain sur ses cartes de 1612 et 1632. Cette supposition me paraissait d’autant plus invraisemblable que ce type de visage m’était familier comme symbole héraldique. Le fait qu’un historien de la trempe de Marcel Trudel avait le premier soulevé cette question m’intriguait. En poursuivant mes recherches, j’ai repéré un solide démenti à cette idée dans l’ouvrage sur Champlain de Raymonde Litalien et Denis Vaugeois, notamment dans le chapitre de Denis Martin consacré aux prétendus portraits de l’homme [1]. Comme l’hypothèse d’un autoportrait persiste toujours, particulièrement sur internet, ― et sans doute à cause de la renommée de celui qui l’a posé ― je tente ici de jeter quelques nouveaux rayons de lumière sur cette question en l’abordant sous trois volets : cartographique, iconographique et héraldique. À ceci, j’ajoute des observations sur l’universalité de symboles et je signale des liens à de nombreux sites Internet contenant des renseignements additionnels.
Cartographie
En 1978, Marcel Trudel s’interroge au sujet d’un visage figurant au centre d’une rose des vents sur deux des cartes de Champlain. Il entrevoit plusieurs possibilités dont un autoportrait du cartographe :
« … de qui est ce visage d’adulte imberbe que le cartographe représente dans la lunette de la rose des vents ? […] Or personne, encore, à notre connaissance, ne s’est arrêté à ce personnage de la rose des vents.
S’il était fréquent chez les peintres de se représenter sur leurs tableaux par l’intermédiaire de l’un de leurs personnages, nous n’avons pas retrouvé cette habitude chez les cartographes; nous ne connaissons, du temps de Champlain, qu’un seul explorateur qui ait vu son portrait mis bien en évidence sur une carte de ses voyages : Thomas Jones.
En tout cas de qui est ce visage que Champlain fait apparaître dans la rose des vents de 1612, puis dans la carte de 1632 : celui du graveur, qui a bien voulu remplir un vide disgracieux, ou un bienfaiteur que Champlain veut honorer, ou de Champlain lui-même? [2] »
Il est clair que Trudel croit qu’il s’agit du visage d’un personnage réel et non d’une figure ornementale du genre qu’on rencontre en plusieurs formes d’art, y inclus en cartographie [3].
En faisant allusion à « une série exclusive diffusée à la télévision en 2002 », Denis Martin affirme que : « … dans un épisode ultérieur, Marcel Trudel lui-même commentant en entrevue la fameuse rose des vents de la carte de 1632 et affirmant cette fois que la tradition des cartographes était de se représenter dans leurs ouvrages, du moins à l’époque de Champlain. L’historien critique et posant des hypothèses de 1978 avait fait place au croyant. [4] »
Notons au départ que relativement peu de cartographes se représentaient dans leurs œuvres au temps de Champlain ou à d’autres époques, mais le phénomène existait comme le démontrent les 15 cartes ( Annexe I Cartes ornées de portraits d’explorateurs, navigateurs ou cartographes ) qui vont du XVe au XVIIe siècle (cartes 1, 5, 7, 10, 13, 14). Parfois, les cartographes incluaient l’effigie d’illustres représentants de leur discipline ou d’une discipline connexe comme la géographie (cartes 2, 10). Les portraits des explorateurs les plus importants y figuraient aussi, formant par moments une véritable galerie sur la même carte (cartes 2, 3, 4, 5, 6, 8, 9, 11,12, 15). John Smith qui a laissé son autoportrait (carte 5) était, comme Champlain, explorateur, colonisateur, cartographe et auteur. Notons que les portraits sur ces 15 cartes se veulent des représentations ressemblantes, gravées convenablement ― médaillons, portraits en buste et portraits en pied pour l’une des cartes (4) ― et non des figures minimalistes (yeux, nez, bouche et quelques ombres) comme celles des cartes de Champlain. Surtout, ils sont bien identifiés; aucun n’est introduit de façon voilée.
Je me suis longuement interrogé sur la carte de Thomas Jones que signale Trudel. J’ai d’abord pensé qu’il pouvait s’agir du Thomas Jones qui s’était rendu en Indes orientales en 1608-1610, à partir de Woolwich en Angleterre, apparemment comme charpentier et maître d’équipage à bord de l’Ascension, navire commandé par le capitaine Alexander Sharpeigh (Sharpey). [5] Mais une carte à son effigie manquait. Des recherches récentes m’ont fait découvrir le portrait du capitaine Thomas James, un contemporain de Champlain dont le portrait est « mis bien en évidence » sur sa carte intitulée The platt [plate] of sayling for the discoverye of a passage into the South Sea. 1631. 1632. insérée au début de son œuvre : The Strange and Dangerous Voyage of Captaine Thomas James, in his Intended Discovery of the Northwest Passage into the South Sea … (voir http://luna.folger.edu/luna/servlet/detail/FOLGERCM1~6~6~1021646~171479:The-strange-and-dangerous-voyage-of). J’en ai conclus que l’épellation Thomas Jones, au lieu de Thomas James, résultait d’une erreur typographique.
Denis Martin mentionne une mappemonde de 1544 de Sébastien Cabot ou l’on voit en marge un soleil et un croissant de lune à face humaine qui veulent peut-être signifier que lorsqu’il fait jour sur une région de la terre, il fait nuit sur l’autre : http://expositions.bnf.fr/marine/grand/por_201.htm. On retrouve le même genre de soleil et de lune sur la carte de Vaughan (Annexe I, no 9 et sur la carte anonyme (Annexe I no 11). Une autre carte de la Floride, du Canada et du Labrador de Guillaume Le Testu incluse dans sa Cosmographie universelle (1555) est ornée d’un drapeau rouge portant un soleil doré à visage humain : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8447838j/f112.item.hl. Dans le même recueil, une carte de la Floride, Terre-Neuve et Labrador montre un drapeau bleu chargé d’une lune dorée toujours à figure humaine : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8447838j/f122.item.hl. Voir aussi: http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8447838j/f42.item.hl et http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8447838j/f110.item.hl.
Comme nous le verrons davantage plus bas, ce que l’on voit sur les cartes de Champlain n’est pas une rose des vents décorée au centre d’un visage, mais bien un soleil à traits humains qui sert de rose des vents. Les pointes des roses des vents sont presque toujours droites, mais le soleil avec ses 16 pointes ou plus, ondulées ou pas, se prête également bien à cette fonction. Le phénomène demeure rare. Je n’ai repéré qu’un seul autre document géographique où un soleil à face et à 32 rayons alternés droits et ondulés sert de rose des vents avec quatre fleurs de lis pour indiquer les points cardinaux [6]. On rencontre aussi deux soleils agissant comme rose des vents sur la carte de la Nouvelle-France de Jean-Baptiste-Louis Franquelin (1688) ― cette fois sans figure humaine, mais alternant huit rayons droits avec huit rayons ondulés comme les soleils de Champlain : http://fr.wikipedia.org/wiki/Jean-Baptiste-Louis_Franquelin#/media/File:Amerique_Septentrionale_JBF_1688.jpg. Les effigies au centre des roses des vents semblent aussi rarissimes, particulièrement si l’on exclut de cette catégorie la rose des vents centrale de la mappemonde de Juan de la Cosa (vers 1500) qui s’orne d’une scène de la nativité. Cette rareté peut surprendre, car les vents, qui aussi constitue des repères, prenaient souvent la forme d’une tête humaine sur les cartes anciennes (Annexe I, mappemonde 2) et, à partir de là, il n’y avait qu’un pas à franchir pour donner un ou plusieurs visages aux roses des vents.
En 1978, Marcel Trudel s’interroge au sujet d’un visage figurant au centre d’une rose des vents sur deux des cartes de Champlain. Il entrevoit plusieurs possibilités dont un autoportrait du cartographe :
« … de qui est ce visage d’adulte imberbe que le cartographe représente dans la lunette de la rose des vents ? […] Or personne, encore, à notre connaissance, ne s’est arrêté à ce personnage de la rose des vents.
S’il était fréquent chez les peintres de se représenter sur leurs tableaux par l’intermédiaire de l’un de leurs personnages, nous n’avons pas retrouvé cette habitude chez les cartographes; nous ne connaissons, du temps de Champlain, qu’un seul explorateur qui ait vu son portrait mis bien en évidence sur une carte de ses voyages : Thomas Jones.
En tout cas de qui est ce visage que Champlain fait apparaître dans la rose des vents de 1612, puis dans la carte de 1632 : celui du graveur, qui a bien voulu remplir un vide disgracieux, ou un bienfaiteur que Champlain veut honorer, ou de Champlain lui-même? [2] »
Il est clair que Trudel croit qu’il s’agit du visage d’un personnage réel et non d’une figure ornementale du genre qu’on rencontre en plusieurs formes d’art, y inclus en cartographie [3].
En faisant allusion à « une série exclusive diffusée à la télévision en 2002 », Denis Martin affirme que : « … dans un épisode ultérieur, Marcel Trudel lui-même commentant en entrevue la fameuse rose des vents de la carte de 1632 et affirmant cette fois que la tradition des cartographes était de se représenter dans leurs ouvrages, du moins à l’époque de Champlain. L’historien critique et posant des hypothèses de 1978 avait fait place au croyant. [4] »
Notons au départ que relativement peu de cartographes se représentaient dans leurs œuvres au temps de Champlain ou à d’autres époques, mais le phénomène existait comme le démontrent les 15 cartes ( Annexe I Cartes ornées de portraits d’explorateurs, navigateurs ou cartographes ) qui vont du XVe au XVIIe siècle (cartes 1, 5, 7, 10, 13, 14). Parfois, les cartographes incluaient l’effigie d’illustres représentants de leur discipline ou d’une discipline connexe comme la géographie (cartes 2, 10). Les portraits des explorateurs les plus importants y figuraient aussi, formant par moments une véritable galerie sur la même carte (cartes 2, 3, 4, 5, 6, 8, 9, 11,12, 15). John Smith qui a laissé son autoportrait (carte 5) était, comme Champlain, explorateur, colonisateur, cartographe et auteur. Notons que les portraits sur ces 15 cartes se veulent des représentations ressemblantes, gravées convenablement ― médaillons, portraits en buste et portraits en pied pour l’une des cartes (4) ― et non des figures minimalistes (yeux, nez, bouche et quelques ombres) comme celles des cartes de Champlain. Surtout, ils sont bien identifiés; aucun n’est introduit de façon voilée.
Je me suis longuement interrogé sur la carte de Thomas Jones que signale Trudel. J’ai d’abord pensé qu’il pouvait s’agir du Thomas Jones qui s’était rendu en Indes orientales en 1608-1610, à partir de Woolwich en Angleterre, apparemment comme charpentier et maître d’équipage à bord de l’Ascension, navire commandé par le capitaine Alexander Sharpeigh (Sharpey). [5] Mais une carte à son effigie manquait. Des recherches récentes m’ont fait découvrir le portrait du capitaine Thomas James, un contemporain de Champlain dont le portrait est « mis bien en évidence » sur sa carte intitulée The platt [plate] of sayling for the discoverye of a passage into the South Sea. 1631. 1632. insérée au début de son œuvre : The Strange and Dangerous Voyage of Captaine Thomas James, in his Intended Discovery of the Northwest Passage into the South Sea … (voir http://luna.folger.edu/luna/servlet/detail/FOLGERCM1~6~6~1021646~171479:The-strange-and-dangerous-voyage-of). J’en ai conclus que l’épellation Thomas Jones, au lieu de Thomas James, résultait d’une erreur typographique.
Denis Martin mentionne une mappemonde de 1544 de Sébastien Cabot ou l’on voit en marge un soleil et un croissant de lune à face humaine qui veulent peut-être signifier que lorsqu’il fait jour sur une région de la terre, il fait nuit sur l’autre : http://expositions.bnf.fr/marine/grand/por_201.htm. On retrouve le même genre de soleil et de lune sur la carte de Vaughan (Annexe I, no 9 et sur la carte anonyme (Annexe I no 11). Une autre carte de la Floride, du Canada et du Labrador de Guillaume Le Testu incluse dans sa Cosmographie universelle (1555) est ornée d’un drapeau rouge portant un soleil doré à visage humain : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8447838j/f112.item.hl. Dans le même recueil, une carte de la Floride, Terre-Neuve et Labrador montre un drapeau bleu chargé d’une lune dorée toujours à figure humaine : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8447838j/f122.item.hl. Voir aussi: http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8447838j/f42.item.hl et http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8447838j/f110.item.hl.
Comme nous le verrons davantage plus bas, ce que l’on voit sur les cartes de Champlain n’est pas une rose des vents décorée au centre d’un visage, mais bien un soleil à traits humains qui sert de rose des vents. Les pointes des roses des vents sont presque toujours droites, mais le soleil avec ses 16 pointes ou plus, ondulées ou pas, se prête également bien à cette fonction. Le phénomène demeure rare. Je n’ai repéré qu’un seul autre document géographique où un soleil à face et à 32 rayons alternés droits et ondulés sert de rose des vents avec quatre fleurs de lis pour indiquer les points cardinaux [6]. On rencontre aussi deux soleils agissant comme rose des vents sur la carte de la Nouvelle-France de Jean-Baptiste-Louis Franquelin (1688) ― cette fois sans figure humaine, mais alternant huit rayons droits avec huit rayons ondulés comme les soleils de Champlain : http://fr.wikipedia.org/wiki/Jean-Baptiste-Louis_Franquelin#/media/File:Amerique_Septentrionale_JBF_1688.jpg. Les effigies au centre des roses des vents semblent aussi rarissimes, particulièrement si l’on exclut de cette catégorie la rose des vents centrale de la mappemonde de Juan de la Cosa (vers 1500) qui s’orne d’une scène de la nativité. Cette rareté peut surprendre, car les vents, qui aussi constitue des repères, prenaient souvent la forme d’une tête humaine sur les cartes anciennes (Annexe I, mappemonde 2) et, à partir de là, il n’y avait qu’un pas à franchir pour donner un ou plusieurs visages aux roses des vents.
Iconographie
Denis Martin démontre avec brio que le visage sur les cartes de 1612 et 1632 est simplement une façon de représenter le soleil à l’époque de Champlain. Il cite, à titre d’exemple, des ouvrages alchimiques et hermétiques comme la Quinta Essentia de Léonhard Thurneysser (1572), la Philosophia reformata de Johann Daniel Mylius, et les emblèmes gravés par Matthieu Mériam pour L’Atlante fugitive (ou Atlanta fugiens) de Michael Maier, publiée en 1618 chez Jean-Théodore de Bry. Il évoque aussi les cartes de tarot qui présentent le même soleil [7].
Les gravures d’Albrecht Dürer (1471-1528), rééditées de nombreuses fois, contiennent beaucoup de soleils et de lunes à visage [8]. Le site suivant présente aussi un grand nombre de soleils du même genre depuis le XIVe siècle et au-delà de l’époque de Champlain : http://paris.blog.lemonde.fr/2008 /02/03/le-soleil-the-sun-2-graphic-representation-in-history-of-arts-and-cultures/. Les soleils à visage se retrouvent également sur de nombreux cadrans solaires : http://cadrans-solaires.scg.ulaval.ca/cadransolaire/p2v4no1.html. On constate que les rayons du soleil peuvent être tous droits ou tous ondulés, mais très souvent alternent des rayons droits avec des rayons ondulés comme les soleils de Champlain. Beaucoup de soleils et de lunes à visage apparaissent sur des représentations d’Amérindiens aux XVIIe et XVIIIe siècles. Le Brief Discours (d’un voyage aux Antilles et au Mexique, 1599–1601), que plusieurs historiens attribuent à Champlain, [9] contient un dessin aquarellé représentant une cérémonie amérindienne où une lune à visage illumine la scène [10]. Une gravure des Voyages de Champlain (1619, entre p. 87et 88) montre un guerrier amérindien en armure de baguettes de bois, portant un casque ayant pour panache (ou cimier) un rameau orné au bout d’un soleil à visage avec des rayons ondulés et une coiffe de plumes (fig. 1) [11]. L’ouvrage de François Du Creux, Historiae Canadensis seu Novae Franciae… 1664, contient le portrait en pied d’un guerrier amérindien tatoué sur la poitrine de deux soleils à visage et à rayons alternés droits et ondulés : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k1321663/f132.image.r.
Denis Martin démontre avec brio que le visage sur les cartes de 1612 et 1632 est simplement une façon de représenter le soleil à l’époque de Champlain. Il cite, à titre d’exemple, des ouvrages alchimiques et hermétiques comme la Quinta Essentia de Léonhard Thurneysser (1572), la Philosophia reformata de Johann Daniel Mylius, et les emblèmes gravés par Matthieu Mériam pour L’Atlante fugitive (ou Atlanta fugiens) de Michael Maier, publiée en 1618 chez Jean-Théodore de Bry. Il évoque aussi les cartes de tarot qui présentent le même soleil [7].
Les gravures d’Albrecht Dürer (1471-1528), rééditées de nombreuses fois, contiennent beaucoup de soleils et de lunes à visage [8]. Le site suivant présente aussi un grand nombre de soleils du même genre depuis le XIVe siècle et au-delà de l’époque de Champlain : http://paris.blog.lemonde.fr/2008 /02/03/le-soleil-the-sun-2-graphic-representation-in-history-of-arts-and-cultures/. Les soleils à visage se retrouvent également sur de nombreux cadrans solaires : http://cadrans-solaires.scg.ulaval.ca/cadransolaire/p2v4no1.html. On constate que les rayons du soleil peuvent être tous droits ou tous ondulés, mais très souvent alternent des rayons droits avec des rayons ondulés comme les soleils de Champlain. Beaucoup de soleils et de lunes à visage apparaissent sur des représentations d’Amérindiens aux XVIIe et XVIIIe siècles. Le Brief Discours (d’un voyage aux Antilles et au Mexique, 1599–1601), que plusieurs historiens attribuent à Champlain, [9] contient un dessin aquarellé représentant une cérémonie amérindienne où une lune à visage illumine la scène [10]. Une gravure des Voyages de Champlain (1619, entre p. 87et 88) montre un guerrier amérindien en armure de baguettes de bois, portant un casque ayant pour panache (ou cimier) un rameau orné au bout d’un soleil à visage avec des rayons ondulés et une coiffe de plumes (fig. 1) [11]. L’ouvrage de François Du Creux, Historiae Canadensis seu Novae Franciae… 1664, contient le portrait en pied d’un guerrier amérindien tatoué sur la poitrine de deux soleils à visage et à rayons alternés droits et ondulés : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k1321663/f132.image.r.
Fig. 1. Cette gravure d’après Champlain illustre clairement le panache à soleil d’un guerrier amérindien, tirée de Jean de Laet, L'histoire du nouveau monde ou description des Indes occidentales, Leyde, Bonaventure & Abraham, 1640, p. 51. Bibliothèque et Archives Canada, photo C 124987. Voir l’original dans Voyages de Champlain, 1619 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k2141035/f196.image.r=champlain. Laet crédite Champlain comme source, mais il était fréquent à l’époque de copier d’autres ouvrages sans attribution, particulièrement s’il s’agissait d’une autre langue que l’original. L’un des exemples les plus flagrants en ce sens est celui de John Ogilby, traducteur et cartographe écossais, qui publiait America en 1671, une traduction, avec quelques ajouts seulement, du livre d’Arnoldus Montanus De Nieuwe En Onbekende Weereld paru en hollandais à Amsterdam la même année. Aucune mention du véritable créateur! En 1673, paraissait une traduction allemande du même ouvrage sous le nom d’Olfert Dupper, toujours sans mentionner l’original.
Pour la Nouvelle-France du XVIIe siècle, on retrouve aussi des soleils et lunes à figure humaine dans six dessins de Louis Nicolas, un missionnaire jésuite ayant séjourné dans la colonie de 1664 à 1674 (Annexe II Dessins de Louis Nicolas illustrés de soleils et lunes à visage).
L’association des Amérindiens à des soleils à figure humaine se poursuit au XVIIIe siècle. Une gravure de Jacques Grasset de Saint-Sauveur (1796) laisse voir sur la poitrine d’un « Homme Acadien » un soleil toujours à traits humains : http://calypso.bib.umontreal.ca/cdm4/item_viewer.php?CISOROOT=/_gravu&CISOPTR=230&CISOBOX=1&REC=3. Les Voyages du Baron De la Hontan dans l'Amérique septentrionale … (1706) contiennent deux gravures. La première, une représentation des rites liés au soleil pratiqués par les Indiens d'Amérique septentrionale, est illustrée de trois soleils à visage, l’un levant, l’autre couchant et l’un du midi, (t. 2, p. 125): http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b2300012s/f16.item. L’autre gravure présente des emblèmes et, à ce qu’il semble, un calendrier illustré d’un soleil et de nombreuses lunes à visage (t. 2, p. 191) : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b2300012s/f23.item. Toutes les figures de ces soleils et lunes ne présentent que quelques traits : yeux, nez, bouche.
Au premier abord ― bien que nombreuses ― on serait enclin à penser que les représentations de soleils et lunes à visage attribuées aux Amérindiens sont entièrement teintées d’influence européenne. Mais, même si c’était le cas, l’iconographie européenne des Amérindiens confirme que des soleils à figure étaient omniprésents au temps de Champlain, y inclut dans une de ses propres gravures d’un guerrier amérindien (fig. 1). Il existe aussi quelques indices que l’idée de donner un visage aux astres existait en Amérique du Nord avant l’arrivée des Européens. On retrouve dans le Picket Wire Canyon du sud-est du Colorado des pétroglyphes précolombiens dont un soleil composé de deux yeux et d’une bouche à l’intérieur d’un cercle d’où émanent plusieurs rayons entourés d’une auréole circulaire comme dans les dessins de Nicolas (Annexe II) : http://www.viewzone.com/picket11.html. Dans la section Rinconada du Petroglyph National Monument à Albuquerque, Nouveau-Mexique, on rencontre un autre pétroglyphe formé d’un cercle ayant deux yeux, un nez et une bouche, placé au centre d’une étoile à quatre rais avec des membres et ce qui semble être un énorme panache: http://en.wikipedia.org/wiki/Petroglyph_National_Monument.
La conclusion de Denis Martin au sujet d’un prétendu autoportrait de Champlain sur ses cartes est catégorique :
« La représentation du soleil dans les cartes de 1612 et 1632 a aussi peu à voir avec le visage supposé de Champlain que sont réelles les baleines qui y figurent ― ou que l’un des vaisseaux y apparaissant puisse être le navire sur lequel ait voyagé le fondateur de Québec. En dépit du désir ardent des historiens, “l’autoportrait” de Champlain est malheureusement une avenue de recherche sans issue. [12] »
Comme nous l’avons vu, malgré ce démenti, certaines personnes persistent à présenter l’hypothèse de Trudel comme crédible, particulièrement sur Internet. En 2008, l’historien Fischer résume la controverse entourant la possibilité d’un autoportrait sur les cartes de Champlain, mais n’émet d’opinion à ce sujet. Il mentionne une carte de la main de Champlain conservée à La Library of Congress et datée de 1607 : http://www.loc.gov/resource/g3321p.ct001431/. Sur celle-ci, figure un cartouche orné de deux visages : celui du haut grotesque, celui du bas carnavalesque. Pour diverses raisons, Fischer ne souscrit pas à l’idée que l’une des figures puisse représenter le cartographe, mais il n’écarte pas la possibilité de personnages réels [13]. De fait, des visages stéréotypés du même genre ornent souvent les cartouches des cartes géographiques [14]. Parfois, ils représentent des dieux de l’Antiquité, mais la majorité d’entre eux sont purement décoratifs. Plusieurs sont trop difformes pour représenter de vrais humains, encore moins une personne précise. Ils n’ont pas plus d’identité spécifique que les amours et les sirènes ― et combien d’autres figures ― qui décorent ces cartouches [15]. Le visage est un élément décoratif important de l’art en général. Les mascarons sont fréquents en architecture; on retrouve des visages semblables sur beaucoup de gravures [16].
L’association des Amérindiens à des soleils à figure humaine se poursuit au XVIIIe siècle. Une gravure de Jacques Grasset de Saint-Sauveur (1796) laisse voir sur la poitrine d’un « Homme Acadien » un soleil toujours à traits humains : http://calypso.bib.umontreal.ca/cdm4/item_viewer.php?CISOROOT=/_gravu&CISOPTR=230&CISOBOX=1&REC=3. Les Voyages du Baron De la Hontan dans l'Amérique septentrionale … (1706) contiennent deux gravures. La première, une représentation des rites liés au soleil pratiqués par les Indiens d'Amérique septentrionale, est illustrée de trois soleils à visage, l’un levant, l’autre couchant et l’un du midi, (t. 2, p. 125): http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b2300012s/f16.item. L’autre gravure présente des emblèmes et, à ce qu’il semble, un calendrier illustré d’un soleil et de nombreuses lunes à visage (t. 2, p. 191) : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b2300012s/f23.item. Toutes les figures de ces soleils et lunes ne présentent que quelques traits : yeux, nez, bouche.
Au premier abord ― bien que nombreuses ― on serait enclin à penser que les représentations de soleils et lunes à visage attribuées aux Amérindiens sont entièrement teintées d’influence européenne. Mais, même si c’était le cas, l’iconographie européenne des Amérindiens confirme que des soleils à figure étaient omniprésents au temps de Champlain, y inclut dans une de ses propres gravures d’un guerrier amérindien (fig. 1). Il existe aussi quelques indices que l’idée de donner un visage aux astres existait en Amérique du Nord avant l’arrivée des Européens. On retrouve dans le Picket Wire Canyon du sud-est du Colorado des pétroglyphes précolombiens dont un soleil composé de deux yeux et d’une bouche à l’intérieur d’un cercle d’où émanent plusieurs rayons entourés d’une auréole circulaire comme dans les dessins de Nicolas (Annexe II) : http://www.viewzone.com/picket11.html. Dans la section Rinconada du Petroglyph National Monument à Albuquerque, Nouveau-Mexique, on rencontre un autre pétroglyphe formé d’un cercle ayant deux yeux, un nez et une bouche, placé au centre d’une étoile à quatre rais avec des membres et ce qui semble être un énorme panache: http://en.wikipedia.org/wiki/Petroglyph_National_Monument.
La conclusion de Denis Martin au sujet d’un prétendu autoportrait de Champlain sur ses cartes est catégorique :
« La représentation du soleil dans les cartes de 1612 et 1632 a aussi peu à voir avec le visage supposé de Champlain que sont réelles les baleines qui y figurent ― ou que l’un des vaisseaux y apparaissant puisse être le navire sur lequel ait voyagé le fondateur de Québec. En dépit du désir ardent des historiens, “l’autoportrait” de Champlain est malheureusement une avenue de recherche sans issue. [12] »
Comme nous l’avons vu, malgré ce démenti, certaines personnes persistent à présenter l’hypothèse de Trudel comme crédible, particulièrement sur Internet. En 2008, l’historien Fischer résume la controverse entourant la possibilité d’un autoportrait sur les cartes de Champlain, mais n’émet d’opinion à ce sujet. Il mentionne une carte de la main de Champlain conservée à La Library of Congress et datée de 1607 : http://www.loc.gov/resource/g3321p.ct001431/. Sur celle-ci, figure un cartouche orné de deux visages : celui du haut grotesque, celui du bas carnavalesque. Pour diverses raisons, Fischer ne souscrit pas à l’idée que l’une des figures puisse représenter le cartographe, mais il n’écarte pas la possibilité de personnages réels [13]. De fait, des visages stéréotypés du même genre ornent souvent les cartouches des cartes géographiques [14]. Parfois, ils représentent des dieux de l’Antiquité, mais la majorité d’entre eux sont purement décoratifs. Plusieurs sont trop difformes pour représenter de vrais humains, encore moins une personne précise. Ils n’ont pas plus d’identité spécifique que les amours et les sirènes ― et combien d’autres figures ― qui décorent ces cartouches [15]. Le visage est un élément décoratif important de l’art en général. Les mascarons sont fréquents en architecture; on retrouve des visages semblables sur beaucoup de gravures [16].
Fig. 2. Chope miniature au portrait fictif de Champlain marquant le tricentenaire de la ville de Québec, 1608-1908. À gauche, un castor sur un écu s’ajoute à la bannière royale du Royaume-Uni (Royal Standard); à droite, une fleur de lis figure au centre du tricolore de la République française. Le monogramme entre les hampes (sans le chiffre VII et sans couronne) se veut celui du roi Édouard VII. Presque toute la composition est faussée, y inclus « Quebec » sans accent. Fabricant inconnu, grès, 1908. Collection Vachon, Musée canadien de l’histoire.
Héraldique
Normalement, un héraldiste chevronné se poserait assez peu de questions au sujet de la figure rayonnante apparaissant sur les cartes de Champlain, car il y reconnaîtrait sur-le-champ un soleil comme il en existe en armoiries depuis des siècles. Le soleil héraldique peut avoir un visage ou ne pas en avoir, avoir seulement des rayons droits ou seulement des rayons ondulés, ou alterner des rayons droits et ondulés. Toutefois, le soleil à traits humains et à rayons droits et ondulés en alternance est très répandu et est apparu en héraldique bien avant Champlain (fig. 3-4, 6).
Normalement, un héraldiste chevronné se poserait assez peu de questions au sujet de la figure rayonnante apparaissant sur les cartes de Champlain, car il y reconnaîtrait sur-le-champ un soleil comme il en existe en armoiries depuis des siècles. Le soleil héraldique peut avoir un visage ou ne pas en avoir, avoir seulement des rayons droits ou seulement des rayons ondulés, ou alterner des rayons droits et ondulés. Toutefois, le soleil à traits humains et à rayons droits et ondulés en alternance est très répandu et est apparu en héraldique bien avant Champlain (fig. 3-4, 6).
Fig. 3. Au premier quartier, un soleil à figure et à rayons alternés droits et ondulés. Tiré de l’Armorial Séguier-Coislin, 1401-1500, p. 156r : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b53023962n.
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Fig. 4. Un soleil à figure et à rayons alternés droits et ondulés. Tiré de « Traités de blason » au début de l’Armorial flamand et lorrain, 1401-1700, p. 87v : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b53038290c.
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Fig. 5. Armoiries de Jean Charlier de Gerson, philosophe, homme politique, enseignant et théologien français, chancelier de l'Université de Paris. Les rayons du soleil sont tous ondulés. On y voit aussi un croissant de lune et des étoiles. Détail d’une gravure d’Albrecht Dürer « Le chancelier Gerson représenté en Pèlerin », 1494. Tiré de L’hermétisme dans l’art héraldique, de Gassicourt et du Roure de Paulin, 1907.
Fig. 6. Armoiries des rois incas dessinées par Felipe Guáman Poma de Alaya (après 1536-1616) pour son ouvrage El primer nueva corónica y buen gobierno (1612-1615). Au premier quartier, un soleil à visage et à rayons alternés droits et ondulés; au deuxième, un croissant de lune à visage; au troisième, un éclair; au quatrième, une idole au sommet d’une montagne.
On pourrait penser que Guáman Poma de Alaya (fig. 6), Inca de naissance, s’est inspiré de l’héraldique européenne pour dessiner le soleil des armoiries de rois incas, d’autant plus que le même soleil figure sur d’autres planches de son ouvrage et sur ses gravures sur bois. Ce soleil se retrouve sur un portrait du XVIe siècle de Pachacútec (1400 - 1471), neuvième gouverneur de l’État inca, par l’école de Cuzco (escuela cusqueña) et sur le costume du gouverneur [17]. Une autre illustration de la chronique de Martín de Murúa (env. 1525-env. 1618), un frère basque de l’Ordre des Mercédaires, représente Pachacútec en prière dans le temple du soleil ou Coricancha, devant un autel où apparaît la même représentation du soleil à visage et moustache alternant des rayons droits avec de rayons ondulés. Voir le site: http://www.taringa.net/posts/apuntes-y-monog rafias/16212419/Biografia-de- Pachacutec.html.
La façon précise de représenter le soleil avec des rayons droits et ondulés en alternance reflètent probablement une influence européenne, mais on ne peut nier la présence de soleils à visage chez les peuples de la Mésoamérique et de l’Amérique du Sud, car des objets précolombiens le confirment nettement. La pierre du soleil (Piedra del Sol), un emblème aztèque dédié au soleil et conservé au Musée national d’anthropologie de Mexico, arbore une figure humaine. Sur le linteau de la porte du Soleil (Puerta del Sol) à Tihuanaco, on aperçoit un bas-relief du dieu des Inca, Kon Tici Viracocha, ayant la tête entourée de rayons. Le splendide manteau rituel du soleil des rois péruviens (fait en or, civilisation des Moches, 200 ans av. J.-C.) s’orne aussi d’un soleil à face humaine et à rayons [18]. D’autres vestiges comme le superbe masque solaire retrouvé sur l’île de La Tolita (Équateur) ou encore le magnifique disque solaire à visage conservé au Musée de l’or de Bogota sont autant de preuves de l’existence de soleils à traits humains avant l’arrivée des Européens.
L’héraldique illustre bien le fait que l’iconographie du soleil à traits humains, qui existait bien avant Champlain, s’est transmise intacte et sans interruption jusqu’à aujourd’hui, avec seulement quelques variations de style. C’est le même visage solaire qui orne les cartes du fondateur de Québec (fig. 7-10). La forme ronde donne un air de bonhomie à ces figures qui présentent une physionomie plutôt impassible. La survivance des mêmes traits à travers les siècles, sans interruption, avant l’époque de Champlain jusqu’à aujourd’hui, démontre à quel point la face de ces deux astres était devenue un stéréotype visuel du même genre que l’on en retrouve en art religieux où des représentations du Christ, de la Vierge et des saints qui se transmettent d’un siècle à l’autre avec quelques variations stylistiques seulement.
La façon précise de représenter le soleil avec des rayons droits et ondulés en alternance reflètent probablement une influence européenne, mais on ne peut nier la présence de soleils à visage chez les peuples de la Mésoamérique et de l’Amérique du Sud, car des objets précolombiens le confirment nettement. La pierre du soleil (Piedra del Sol), un emblème aztèque dédié au soleil et conservé au Musée national d’anthropologie de Mexico, arbore une figure humaine. Sur le linteau de la porte du Soleil (Puerta del Sol) à Tihuanaco, on aperçoit un bas-relief du dieu des Inca, Kon Tici Viracocha, ayant la tête entourée de rayons. Le splendide manteau rituel du soleil des rois péruviens (fait en or, civilisation des Moches, 200 ans av. J.-C.) s’orne aussi d’un soleil à face humaine et à rayons [18]. D’autres vestiges comme le superbe masque solaire retrouvé sur l’île de La Tolita (Équateur) ou encore le magnifique disque solaire à visage conservé au Musée de l’or de Bogota sont autant de preuves de l’existence de soleils à traits humains avant l’arrivée des Européens.
L’héraldique illustre bien le fait que l’iconographie du soleil à traits humains, qui existait bien avant Champlain, s’est transmise intacte et sans interruption jusqu’à aujourd’hui, avec seulement quelques variations de style. C’est le même visage solaire qui orne les cartes du fondateur de Québec (fig. 7-10). La forme ronde donne un air de bonhomie à ces figures qui présentent une physionomie plutôt impassible. La survivance des mêmes traits à travers les siècles, sans interruption, avant l’époque de Champlain jusqu’à aujourd’hui, démontre à quel point la face de ces deux astres était devenue un stéréotype visuel du même genre que l’on en retrouve en art religieux où des représentations du Christ, de la Vierge et des saints qui se transmettent d’un siècle à l’autre avec quelques variations stylistiques seulement.
Des symboles universels
Les divinités du soleil représentées avec une tête entourée de rayons sont universelles. C’est le cas, par exemple d’Hélios, de Malakbêl, l’une des divinités du panthéon de la cité de Palmyre en Syrie, et de certaine représentations du dieu grec Apollon comme celle sculptée sur le fronton de son temple conservé au Musée de Pergame à Berlin. Sur ce fronton, des rayons droits et ondulés émanent de sa face, tout comme beaucoup des soleils que nous venons d’étudier (site : http://www.mindserpent.com/American_History/religion/pope/rc_images.html). Les divinités solaires des Amériques sont aussi représentées par des visages et rayons (voir plus haut « Iconographie » et « Héraldique »). Par affiliation ou analogie, les rois s’associaient également au soleil. L’exemple par excellence est celui de Louis XIV, mais il y en existe d’autres comme les pharaons, ou divinités royales d’Égypte, qui s’identifiaient aux dieux solaires Horus, Rê, Amon-Rê ou Aton. L’hymne au soleil (Aton) attribué à Aménophis IV (Akhénaton) est connu universellement. Voir le site suivant qui contient 41 divinités solaires : http://fr.wikipedia.org/wiki/Cat%C3%A9gorie:Divinit%C3%A9_solaire.
Le visage de la lune provient peut-être des traits humains qu’on semble discerner sur sa surface, le « bonhomme dans la lune », mais il existait aussi des divinités lunaires comme Thot, Diane, Hécate et Mama Quilla. L’hymne à la lune, Nanna (r) chez les Sumériens ou Sîn pour les Akkadiens (reflet indirect du soleil), n’est pas très bien connu : http://www.cosmovisions.com/$Nanna.htm.
Voir le site suivant qui contient 32 divinités lunaires : http://fr.wikipedia.org/wiki/Cat%C3%A9gorie:Divinit%C3%A9_lunaire.
Les divinités du soleil représentées avec une tête entourée de rayons sont universelles. C’est le cas, par exemple d’Hélios, de Malakbêl, l’une des divinités du panthéon de la cité de Palmyre en Syrie, et de certaine représentations du dieu grec Apollon comme celle sculptée sur le fronton de son temple conservé au Musée de Pergame à Berlin. Sur ce fronton, des rayons droits et ondulés émanent de sa face, tout comme beaucoup des soleils que nous venons d’étudier (site : http://www.mindserpent.com/American_History/religion/pope/rc_images.html). Les divinités solaires des Amériques sont aussi représentées par des visages et rayons (voir plus haut « Iconographie » et « Héraldique »). Par affiliation ou analogie, les rois s’associaient également au soleil. L’exemple par excellence est celui de Louis XIV, mais il y en existe d’autres comme les pharaons, ou divinités royales d’Égypte, qui s’identifiaient aux dieux solaires Horus, Rê, Amon-Rê ou Aton. L’hymne au soleil (Aton) attribué à Aménophis IV (Akhénaton) est connu universellement. Voir le site suivant qui contient 41 divinités solaires : http://fr.wikipedia.org/wiki/Cat%C3%A9gorie:Divinit%C3%A9_solaire.
Le visage de la lune provient peut-être des traits humains qu’on semble discerner sur sa surface, le « bonhomme dans la lune », mais il existait aussi des divinités lunaires comme Thot, Diane, Hécate et Mama Quilla. L’hymne à la lune, Nanna (r) chez les Sumériens ou Sîn pour les Akkadiens (reflet indirect du soleil), n’est pas très bien connu : http://www.cosmovisions.com/$Nanna.htm.
Voir le site suivant qui contient 32 divinités lunaires : http://fr.wikipedia.org/wiki/Cat%C3%A9gorie:Divinit%C3%A9_lunaire.
Parfois, les symboles s’expriment de façon presque identique d’une civilisation à l’autre. La figure 11 est tirée de Marc DE VULSON DE LA COLOMBIÈRE, La science héroïque …, Paris, Cramoisy, 1644, p. 358 et 360, illustration no 8. L’auteur blasonne : Un firmament d’azur semé d’étoiles d’or, chargé & éclairé d’un soleil de même sur le premier quartier, & d’une lune en son montant d’argent. Un blason plus simple et plus exact aurait été : d’azur étoilé d’or, au soleil du même en chef senestré d’une lune tournée d’argent. L’original, qui provient d’un traité du blason du XVIe siècle, est illustré en couleurs dans Michel Pastoureau, Figures de l'héraldique (1996), p. 53. La figure 12, un souvenir péruvien moderne, répète essentiellement les mêmes éléments : un soleil à gauche, une lune à droite et des étoiles entre les deux.
Fig. 13. Ce détail de la gravure où Lahontan montre un tableau aux Amérindiens représente le firmament de la même façon que les figures 11 et 12 : un soleil à visage, une lune et un semis d’étoiles simultanément dans le même ciel. Les peintures à thème religieux servaient à la conversion des Amérindiens. Publiée à l’origine dans Dialogues de Monsieur le baron de Lahontan et d'un sauvage, dans l'Amérique, 1704, p. 1.
Fig. 14. Bibliothèque et Archives Canada, photo C 99231. Voir aussi : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k82269m/f19.image.r=lahontan.langFR.
Fig. 15. L’idée d’un soleil à la fois divinisé et humanisé, source de toute vie, est exprimée avec brio dans l’hymne au soleil (Aton) attribué à Aménophis IV connu sous le nom d’Akhénaton (gloire d’Aton). Ce carreau de céramique, daté de 1954 et signé Dali, reprend un thème analogue sous le titre Le soleil végéta. Quatre arbustes feuillés, symboles de vie, plongent leurs racines dans un soleil à figure humaine d’où ils s’alimentent. Ils encadrent trois oiseaux et un ange placé à droite. La pièce fait partie d’un ensemble nommé « La suite catalane » reproduisant six œuvres de Salvador Dali. Appartient à Paula et Auguste Vachon.
N. B.
À ceux qui s’intéressent au symbolisme du soleil et de la lune, nous recommandons le Dictionnaire des symboles de Jean CHEVALIER et Alain GHEERBRANT, Paris, Robert Laffont, 1982. Cet ouvrage démontre aussi à quel point les symboles ont une portée universelle.
À ceux qui s’intéressent au symbolisme du soleil et de la lune, nous recommandons le Dictionnaire des symboles de Jean CHEVALIER et Alain GHEERBRANT, Paris, Robert Laffont, 1982. Cet ouvrage démontre aussi à quel point les symboles ont une portée universelle.
Conclusion
Champlain, ou son graveur, a pu puiser le soleil à visage illustré sur ses cartes de nombreuses sources iconographiques telles qu’il en existait à son époque ― peut-être même des Amérindiens ou des figures du blason dont il devait posséder quelques notions comme cartographe. S’il est vrai que les portraits de certains grands explorateurs et cartographes, parfois des autoportraits, ornent les cartes de l’époque de Champlain, ces effigies sont bien identifiées et comparables à d’autres portraits gravés, non pas formés de quelques traits anonymes comme sur les cartes de Champlain. L’analyse iconographique démontre qu’il existait au temps de Champlain une façon stéréotypée de représenter la face du soleil ou de la lune, modèle qui se retrouve aussi sur plusieurs cartes géographiques de l’époque. Au Moyen Âge, l’héraldique a adopté ce stéréotype qui remonte à l’Antiquité et l’a conservé sans hiatus jusqu’à aujourd’hui.
Mon insistance au long de cet article sur le fait que la lune comme le soleil arboraient souvent un visage humain du même type, esquissé en quelques traits, sans beaucoup de variantes, veut démontrer une constante : notamment que les civilisations conféraient une personnalité humaine aux deux astres les plus visibles et les plus brillants dans le ciel, astres qu’elles associaient d’abord aux dieux et par extension aux rois [19]. L’universalité des soleils et lunes à visage est démontrée dans l’art de l’Antiquité et celui des nations autochtones des Amériques, en outre par des objets nettement précolombiens. L’agencement presque identique des astres d’une civilisation à l’autre s’explique peut-être par la fascination des hommes pour le firmament (fig. 12-14).
Il devient évident que l’hypothèse d’un autoportrait sur les cartes de Champlain ne résiste pas à l’analyse. Nul doute qu’il s’agit du symbole universel du soleil à face humaine, un stéréotype, dont la représentation s’est transmise à travers les âges. Même si la réponse à l’hypothèse d’un autoportrait est négative, la question méritait sans doute d’être posée pour tenter d’y trouver une réponse, mais aussi parce qu’elle soulève d’autre interrogations : quoi et pourquoi? au lieu de qui? L’utilisation d’un soleil à visage humain comme rose des vents est imaginatif et semble rarissime en cartographie. Il serait intéressant de savoir si le phénomène se retrouve sur plusieurs cartes autres que les pièces signalées ici (fig. 7 & 9 et la note 6). En outre, les éléments, à la fois décoratifs et instructifs, sur les cartes anciennes constituent une documentation qu’il importe de répertorier et d’étudier [20].
Mes conclusions, qui découlent d’une étude approfondie d’un seul aspect de la quête d’un portrait authentique de Champlain, abondent dans le même sens que celles de Denis Martin. Aideront-elles à convaincre ceux qui caressent toujours le rêve d’avoir sous les yeux l’effigie du père de la Nouvelle-France? Si jamais on découvre le tombeau de Champlain et que le crâne demeure intact, il sera sans doute possible de recréer un visage fidèle à celui de l’homme de son vivant.
N.B.
J’ai consulté tous les sites Internet le 31 mai 2015. On peut retrouver beaucoup des pièces sur d’autres sites en utilisant les données pertinentes.
Champlain, ou son graveur, a pu puiser le soleil à visage illustré sur ses cartes de nombreuses sources iconographiques telles qu’il en existait à son époque ― peut-être même des Amérindiens ou des figures du blason dont il devait posséder quelques notions comme cartographe. S’il est vrai que les portraits de certains grands explorateurs et cartographes, parfois des autoportraits, ornent les cartes de l’époque de Champlain, ces effigies sont bien identifiées et comparables à d’autres portraits gravés, non pas formés de quelques traits anonymes comme sur les cartes de Champlain. L’analyse iconographique démontre qu’il existait au temps de Champlain une façon stéréotypée de représenter la face du soleil ou de la lune, modèle qui se retrouve aussi sur plusieurs cartes géographiques de l’époque. Au Moyen Âge, l’héraldique a adopté ce stéréotype qui remonte à l’Antiquité et l’a conservé sans hiatus jusqu’à aujourd’hui.
Mon insistance au long de cet article sur le fait que la lune comme le soleil arboraient souvent un visage humain du même type, esquissé en quelques traits, sans beaucoup de variantes, veut démontrer une constante : notamment que les civilisations conféraient une personnalité humaine aux deux astres les plus visibles et les plus brillants dans le ciel, astres qu’elles associaient d’abord aux dieux et par extension aux rois [19]. L’universalité des soleils et lunes à visage est démontrée dans l’art de l’Antiquité et celui des nations autochtones des Amériques, en outre par des objets nettement précolombiens. L’agencement presque identique des astres d’une civilisation à l’autre s’explique peut-être par la fascination des hommes pour le firmament (fig. 12-14).
Il devient évident que l’hypothèse d’un autoportrait sur les cartes de Champlain ne résiste pas à l’analyse. Nul doute qu’il s’agit du symbole universel du soleil à face humaine, un stéréotype, dont la représentation s’est transmise à travers les âges. Même si la réponse à l’hypothèse d’un autoportrait est négative, la question méritait sans doute d’être posée pour tenter d’y trouver une réponse, mais aussi parce qu’elle soulève d’autre interrogations : quoi et pourquoi? au lieu de qui? L’utilisation d’un soleil à visage humain comme rose des vents est imaginatif et semble rarissime en cartographie. Il serait intéressant de savoir si le phénomène se retrouve sur plusieurs cartes autres que les pièces signalées ici (fig. 7 & 9 et la note 6). En outre, les éléments, à la fois décoratifs et instructifs, sur les cartes anciennes constituent une documentation qu’il importe de répertorier et d’étudier [20].
Mes conclusions, qui découlent d’une étude approfondie d’un seul aspect de la quête d’un portrait authentique de Champlain, abondent dans le même sens que celles de Denis Martin. Aideront-elles à convaincre ceux qui caressent toujours le rêve d’avoir sous les yeux l’effigie du père de la Nouvelle-France? Si jamais on découvre le tombeau de Champlain et que le crâne demeure intact, il sera sans doute possible de recréer un visage fidèle à celui de l’homme de son vivant.
N.B.
J’ai consulté tous les sites Internet le 31 mai 2015. On peut retrouver beaucoup des pièces sur d’autres sites en utilisant les données pertinentes.
Notes
[1] Denis MARTIN, « Samuel de Champlain à visage découvert » dans Raymonde LITALIEN et Denis VAUGEOIS, Champlain : la naissance de l’Amérique française, Québec, Éditions du Septentrion, 2004, p. 360-361.
[2] Ibid., p. 360, citant Marcel TRUDEL, « La carte de Champlain en 1632 : ses sources et son originalité, » dans Cartologica, 51 (juil.-déc. 1978), p. 18-20.
[3] Voir plus bas le dernier alinéa de la section « Iconographie ».
[4] MARTIN, « Champlain à visage découvert », p. 360.
[5] Jones a fait le récit de ce voyage, come aussi le capitaine Robert Coverte qui naviguait également sur l’Ascension. L’abbé Antoine François PRÉVOST, Histoire générale des voyages, ou nouvelle collection de toutes les relations de voyages par mer et par terre, vol. 1, Paris, Didot, 1746, p. 534 ; Samuel PURCHAS, Hakluytus Posthumus or Purchas his Pilgrimes, vol. 3, Glasgow, James MacLehose, 1905, p. 61.
[6] Archives départementales de la Marne, Archives numérisées, cartes et plans, « Procès verbal de reconnaissance des bornes et limites des terres de Chenay et Trigny, proches de l'étang, 12 juin 1705 », cote : 13 H 163/27. http://archives.marne.fr/?go_thesaurus=&thesaurus_opened=&node_&&open_thes=&close_thes=&select_thes=&unselect_thes=&label_fulltext=Tous+crit%C3%A8res&form_search_fulltext=&form_op_fulltext=ET&label_unitid=Cote&form_search_unitid=%2813+H+163%2F27%29&form_op_unitid=ET&form_search_unitdate=&form_search_unitdate2=&label_unitdate=P%C3%A9riode&label_unitdate_pref=entre&label_unitdate2=et&label_v2_date=Ou+date+exacte&form_search_v2_date=&form_req_v2_date=%7B%3Aunitdate%7D__VAL_&form_op_v2_date=ET&label_v2_geogname=Lieu+%28commune%2C+lieu-dit%E2%80%A6%29&form_search_v2_geogname=&form_req_v2_geogname=%7B%3Ageogname%7D__VAL_&form_op_geogname=ET&label_persname=Personne+ou+famille&form_search_persname=&form_op_persname=ET&label_subject=Sujet&form_search_subject=&form_op_subject=ET&btn_valid=Rechercher&action=search&id=recherche_guidee_plans_anciens
[7] Voir aussi John LAING et David WIRE, The Encyclopedia of Signs and Symbols, New York/Avenel (New Jersey), Crescent Books, 1993, p. 220-223, 247.
[8] Karl-Adolf KNAPPE, Dürer: The Complete Engravings, Etchings and Woodcuts, Secaucus (New Jersey), Wellfleet Press, s.d., p. 122, 127, 156, 158, 160, 172, 176, 190, 346.
[9] LITALIEN et VAUGEOIS, Champlain, p. 123; David Hackett FISCHER, Champlain’s Dream, New York et Toronto, Simon & Schuster, 2008, p. 99-100. Aux p. 586-593, Fischer résume la controverse relative au Brief Discours.
[10] LITALIEN et VAUGEOIS, Champlain, p. 85 et 129.
[11] Il s’agit d’un guerrier iroquoien, hurons ou onondaga selon Charles A. MARTIJN, « Les armoiries de Terre-Neuve et l’iconographie béothuk » dans Recherches amérindiennes au Québec, vol. XI, no 4, 1981, p. 317.
[12] MARTIN, « Champlain à visage découvert », p. 361.
[13] FISCHER, Champlain’s Dream, p. 600-601. La carte est reproduite aux p. 118-119 et décrites à la p. 120 de LITALIEN et VAUGEOIS, Champlain.
[14] Par exemple : John GOSS, The Mapping of North America, three centuries of map-making 1500-1860, Secaucus [New Jersey], Wellfleet Press, 1990, p. 35, 41, 65; Derek HAYES, Historical Atlas of Canada, Vancouver, Douglas & McIntyre, 2002, p. 38-39, carte 46; 84, carte 118; 137, carte 191.
[15] Par exemple: GOSS, Mapping North America, p. 69, 73, 75, 85, 87, 89, 95.
[16] MUSÉE DU QUÉBEC, La Renaissance et le Nouveau Monde, Gouvernement du Québec, 1984, p. 292-294; A. Hyatt MAYOR, Prints and People: a Social History of Printed Pictures, New York, The Metropolitan Museum of Art, 1971, s.p., illustrations 245, 255, 388, 390.563.
[17] Les peintures religieuses de l’école de Cuzco servaient à l’évangélisation, un phénomène qui se retrouvait aussi en Nouvelle-France. À partir du XVIe siècle, le clergé espagnol formait des peintres indigènes qui exécutaient de grands tableaux à l’huile propres à orner les églises. L’école de Cuzco connut un rayonnement remarquable, non seulement au Pérou, mais aussi dans de nombreuses villes des Andes, notamment sur le territoire de l’Équateur et de la Bolivie d’aujourd’hui. On peut admirer de nombreuses peintures de cette école sur Internet. En Nouvelle-France, les missionnaires jésuites Jean Pierron et Claude Chauchetière mettaient à profit leurs talents artistiques pour illustrer des thèmes religieux propres à mener les Amérindiens à la conversion. Nous connaissons également la fameuse peinture intitulée : « La France apportant la foi aux Indiens de la Nouvelle-France », conservée au monastère des Ursulines à Québec. L’incitation des Amérindiens à la foi au moyen de la peinture est également illustrée par la figure 14. On peut voir des dessins de Chauchetière sur le site : http://www.tekakwitha.info/articles/1685-drawings-chauchetiere.php. Au sujet de Pierron voir : Thibault FINET, Jean Pierron (1631-1700) : missionnaire, diplomate et peintre en Amérique, thèse Université de Montréal, 2012 : https://papyrus.bib.umontreal.ca/xmlui/bitstream/handle/1866/9659/Finet_Thibault_2012_memoire.pdf?sequence=7.
[18] Gianni GUADALUPI et al., Ors et trésors ; chefs-d’œuvre de joaillerie de l’Antiquité à nos jours, Italie, White Star, 2008, p. 194.
[19] Le concept des rois soleil est bien connu, mais celui des rois lunaires existait aussi: Édouard SCHURÉ, « La légende de Krishna et les origines du Brahmanisme » dans Revue des deux mondes, 87 (mai 1888), p. 289; David FRAWLEY, Gods, Sages and Kings: Vedic Secrets of Ancient Civilization, Delhi, Motilal Banarsidass, 1993, p. 139-142.
[20] Par exemple, René TEBEL présentait une thèse de doctorat à l’Université de Vienne (2004) concernant les illustrations de bateaux sur les cartes comme source historique, du début de la tradition cartographique depuis le Moyen Âge occidental jusqu’à la période de J. Blaeu (1602), publiée en 2008 sous le titre : Das Schiff im Kartenbild als Quelle für den Historiker. Le lecteur trouvera sur ce site (http://heraldicscienceheraldique.com/) trois articles concernant les armoiries ornant les cartes géographiques du Canada. La question est abordée de façon plus générale dans le chapitre I « Cartographic Imagery and Reproductions of Power » de l’ouvrage de Christine Marie PETTO, Mapping and Charting in Early Modern England and France, Maryland (É-U), Lexington Books, 2015 et dans Christian JACOBS, The Sovereign Map, University of Chicago Press, 2006.
[1] Denis MARTIN, « Samuel de Champlain à visage découvert » dans Raymonde LITALIEN et Denis VAUGEOIS, Champlain : la naissance de l’Amérique française, Québec, Éditions du Septentrion, 2004, p. 360-361.
[2] Ibid., p. 360, citant Marcel TRUDEL, « La carte de Champlain en 1632 : ses sources et son originalité, » dans Cartologica, 51 (juil.-déc. 1978), p. 18-20.
[3] Voir plus bas le dernier alinéa de la section « Iconographie ».
[4] MARTIN, « Champlain à visage découvert », p. 360.
[5] Jones a fait le récit de ce voyage, come aussi le capitaine Robert Coverte qui naviguait également sur l’Ascension. L’abbé Antoine François PRÉVOST, Histoire générale des voyages, ou nouvelle collection de toutes les relations de voyages par mer et par terre, vol. 1, Paris, Didot, 1746, p. 534 ; Samuel PURCHAS, Hakluytus Posthumus or Purchas his Pilgrimes, vol. 3, Glasgow, James MacLehose, 1905, p. 61.
[6] Archives départementales de la Marne, Archives numérisées, cartes et plans, « Procès verbal de reconnaissance des bornes et limites des terres de Chenay et Trigny, proches de l'étang, 12 juin 1705 », cote : 13 H 163/27. http://archives.marne.fr/?go_thesaurus=&thesaurus_opened=&node_&&open_thes=&close_thes=&select_thes=&unselect_thes=&label_fulltext=Tous+crit%C3%A8res&form_search_fulltext=&form_op_fulltext=ET&label_unitid=Cote&form_search_unitid=%2813+H+163%2F27%29&form_op_unitid=ET&form_search_unitdate=&form_search_unitdate2=&label_unitdate=P%C3%A9riode&label_unitdate_pref=entre&label_unitdate2=et&label_v2_date=Ou+date+exacte&form_search_v2_date=&form_req_v2_date=%7B%3Aunitdate%7D__VAL_&form_op_v2_date=ET&label_v2_geogname=Lieu+%28commune%2C+lieu-dit%E2%80%A6%29&form_search_v2_geogname=&form_req_v2_geogname=%7B%3Ageogname%7D__VAL_&form_op_geogname=ET&label_persname=Personne+ou+famille&form_search_persname=&form_op_persname=ET&label_subject=Sujet&form_search_subject=&form_op_subject=ET&btn_valid=Rechercher&action=search&id=recherche_guidee_plans_anciens
[7] Voir aussi John LAING et David WIRE, The Encyclopedia of Signs and Symbols, New York/Avenel (New Jersey), Crescent Books, 1993, p. 220-223, 247.
[8] Karl-Adolf KNAPPE, Dürer: The Complete Engravings, Etchings and Woodcuts, Secaucus (New Jersey), Wellfleet Press, s.d., p. 122, 127, 156, 158, 160, 172, 176, 190, 346.
[9] LITALIEN et VAUGEOIS, Champlain, p. 123; David Hackett FISCHER, Champlain’s Dream, New York et Toronto, Simon & Schuster, 2008, p. 99-100. Aux p. 586-593, Fischer résume la controverse relative au Brief Discours.
[10] LITALIEN et VAUGEOIS, Champlain, p. 85 et 129.
[11] Il s’agit d’un guerrier iroquoien, hurons ou onondaga selon Charles A. MARTIJN, « Les armoiries de Terre-Neuve et l’iconographie béothuk » dans Recherches amérindiennes au Québec, vol. XI, no 4, 1981, p. 317.
[12] MARTIN, « Champlain à visage découvert », p. 361.
[13] FISCHER, Champlain’s Dream, p. 600-601. La carte est reproduite aux p. 118-119 et décrites à la p. 120 de LITALIEN et VAUGEOIS, Champlain.
[14] Par exemple : John GOSS, The Mapping of North America, three centuries of map-making 1500-1860, Secaucus [New Jersey], Wellfleet Press, 1990, p. 35, 41, 65; Derek HAYES, Historical Atlas of Canada, Vancouver, Douglas & McIntyre, 2002, p. 38-39, carte 46; 84, carte 118; 137, carte 191.
[15] Par exemple: GOSS, Mapping North America, p. 69, 73, 75, 85, 87, 89, 95.
[16] MUSÉE DU QUÉBEC, La Renaissance et le Nouveau Monde, Gouvernement du Québec, 1984, p. 292-294; A. Hyatt MAYOR, Prints and People: a Social History of Printed Pictures, New York, The Metropolitan Museum of Art, 1971, s.p., illustrations 245, 255, 388, 390.563.
[17] Les peintures religieuses de l’école de Cuzco servaient à l’évangélisation, un phénomène qui se retrouvait aussi en Nouvelle-France. À partir du XVIe siècle, le clergé espagnol formait des peintres indigènes qui exécutaient de grands tableaux à l’huile propres à orner les églises. L’école de Cuzco connut un rayonnement remarquable, non seulement au Pérou, mais aussi dans de nombreuses villes des Andes, notamment sur le territoire de l’Équateur et de la Bolivie d’aujourd’hui. On peut admirer de nombreuses peintures de cette école sur Internet. En Nouvelle-France, les missionnaires jésuites Jean Pierron et Claude Chauchetière mettaient à profit leurs talents artistiques pour illustrer des thèmes religieux propres à mener les Amérindiens à la conversion. Nous connaissons également la fameuse peinture intitulée : « La France apportant la foi aux Indiens de la Nouvelle-France », conservée au monastère des Ursulines à Québec. L’incitation des Amérindiens à la foi au moyen de la peinture est également illustrée par la figure 14. On peut voir des dessins de Chauchetière sur le site : http://www.tekakwitha.info/articles/1685-drawings-chauchetiere.php. Au sujet de Pierron voir : Thibault FINET, Jean Pierron (1631-1700) : missionnaire, diplomate et peintre en Amérique, thèse Université de Montréal, 2012 : https://papyrus.bib.umontreal.ca/xmlui/bitstream/handle/1866/9659/Finet_Thibault_2012_memoire.pdf?sequence=7.
[18] Gianni GUADALUPI et al., Ors et trésors ; chefs-d’œuvre de joaillerie de l’Antiquité à nos jours, Italie, White Star, 2008, p. 194.
[19] Le concept des rois soleil est bien connu, mais celui des rois lunaires existait aussi: Édouard SCHURÉ, « La légende de Krishna et les origines du Brahmanisme » dans Revue des deux mondes, 87 (mai 1888), p. 289; David FRAWLEY, Gods, Sages and Kings: Vedic Secrets of Ancient Civilization, Delhi, Motilal Banarsidass, 1993, p. 139-142.
[20] Par exemple, René TEBEL présentait une thèse de doctorat à l’Université de Vienne (2004) concernant les illustrations de bateaux sur les cartes comme source historique, du début de la tradition cartographique depuis le Moyen Âge occidental jusqu’à la période de J. Blaeu (1602), publiée en 2008 sous le titre : Das Schiff im Kartenbild als Quelle für den Historiker. Le lecteur trouvera sur ce site (http://heraldicscienceheraldique.com/) trois articles concernant les armoiries ornant les cartes géographiques du Canada. La question est abordée de façon plus générale dans le chapitre I « Cartographic Imagery and Reproductions of Power » de l’ouvrage de Christine Marie PETTO, Mapping and Charting in Early Modern England and France, Maryland (É-U), Lexington Books, 2015 et dans Christian JACOBS, The Sovereign Map, University of Chicago Press, 2006.
The Face on Champlain’s Maps: a Portrait or a Symbol?
Summarized version
While doing research on the internet, I encountered the notion that the face appearing on the 1612 and 1632 maps of Champlain could be a self-portrait. This seemed far-fetched because this type of face was quite familiar to me as a heraldic symbol. Upon looking further into the matter, I discovered that the self-portrait hypothesis had first been raised by the historian Marcel Trudel in a 1978 publication entitled Cartologica. He inquired: “… who is the beardless adult face in the lunette of the compass rose?” and further stated that it was uncommon for explorers to be depicted on maps. The one example he knew was an explorer named Thomas Jones. There was in fact a navigator by that name, a rather obscure officer who travelled to the East Indies (1608-10) on the Ascension, a ship commanded by Captain Alexander Sharpeigh (Sharpey). But no map with his portrait could be found. Recently I chanced upon a map prominently featuring the portrait of Thomas James, a contemporary of Champlain who searched for a northwest passage to Asia in 1631-32 (see: http://luna.folger.edu/luna/servlet/detail/FOLGERCM1~6~6~1021646~171479:The-strange-and-dangerous-voyage-of). I concluded that the correct name was evidently Thomas James, Thomas Jones being a typographic error.
During an interview for a television series in 2002, Trudel’s views on the matter had become affirmative because he had since realized that a number of cartographers did portray themselves in their works. Denis Martin, author of the chapter on Champlain’s portraiture in the work on Champlain by Raymonde Litalien and Denis Vaugeois, remarks: “The historian of 1978, critical and full of hypotheses, had given way to the believer …” By referring to the imagery in several alchemic and hermetic works of the time, Martin forcefully demonstrates that the face with rays on Champlain’s maps is merely an image of the sun.
My own reason for writing on the matter stems from the fact that the myth created by Trudel survives, particularly on the internet, and that the internet itself can be used to bring many pertinent documents to the reader. The article contains three main sections: cartography, iconography and heraldry. I reasoned that viewing the question from several angles, including a heraldic perspective, could shed new light on the persistent conjecture of a self-portrait.
With fifteen examples (Annex I), all linked to the internet, the cartography section demonstrates that both explorers and cartographers appeared on maps before Champlain’s time and throughout the seventeenth century. But all these portraits are well engraved and well identified. They are not minimalist renditions showing two eyes, a nose and a mouth and a bit of shading, and they are not introduced in a disguised way as would be the case on Champlain’s maps, if indeed a portrait were there. The argument is made that what appears on Champlain’s map is not a compass rose with a face added, but the traditional sun with human features which is made to serve as a compass rose.
The iconography analysis repeats some of the arguments advanced by Denis Martin, but also shows that the moon was likewise represented with the same kind of blank face as the sun in the iconography of the time, often as a companion to the sun in art as well as on a number of maps. It also mentions several European depictions of Amerindians, including one of Champlain, but particularly those of Louis Nicolas, a missionary who sojourned in Canada from 1664 to 1674. His drawings (Annex II, with internet links) reinforce the possibility that the First Nations of his time did represent the sun and the moon with a face, for instance on body paintings. The article also refers to a sun with a face and rays as in Nicolas’ art found among the pre-Columbian petroglyphs of Picket Wire Canyon in Southeastern Colorado. The many European depictions of the sun in connection with First Nation peoples reinforce the fact that the sun with a face was omnipresent at the time of Champlain and throughout the sixteenth century.
The heraldic section develops the idea that the traditional representation of the sun with alternating straight and wavy rays, as on Champlain’s maps, had appeared in heraldry long before the 1600s and has survived to this day with only small stylistic variations. This fact clearly demonstrates that a stereotyped way of depicting the sun was repeated over centuries from Champlain’s period to this day (figs. 3-10).
The last part offers evidence that the sun with a face and rays is a universal symbol going back to antiquity in the old world and to pre-Columbian times in the Americas. It gives further examples of the sun as the emblem of both gods and kings.
Based on an analysis from several angles, only one conclusion remains possible; namely that the face on Champlain’s map is evidently the traditional sun with a human face and rays as it has been represented on several continents over the ages. Even if the answer is negative to the hypothesis of a self-portrait, the question was no doubt worth bringing up to elicit responses, and because it raises other questions: “What and why?” instead of “Who?” Using a sun with a face as a compass rose is ingenious and rare in cartography. It would be interesting to know if the phenomenon is found on several maps other than those I have pointed out in the article (figs. 7 & 9 and endnote 6). Moreover the illustrations on older maps, which are both decorative and instructive, are worthy of being inventoried and studied.
Whether the arguments presented here will convince those who entertain the dream of having in hand a portrait of the founder of New France remains to be seen. Of course, should Champlain’s tomb ever be discovered with the skull intact, we could no doubt produce a close resemblance of the man as he appeared during his lifetime. A.V.
During an interview for a television series in 2002, Trudel’s views on the matter had become affirmative because he had since realized that a number of cartographers did portray themselves in their works. Denis Martin, author of the chapter on Champlain’s portraiture in the work on Champlain by Raymonde Litalien and Denis Vaugeois, remarks: “The historian of 1978, critical and full of hypotheses, had given way to the believer …” By referring to the imagery in several alchemic and hermetic works of the time, Martin forcefully demonstrates that the face with rays on Champlain’s maps is merely an image of the sun.
My own reason for writing on the matter stems from the fact that the myth created by Trudel survives, particularly on the internet, and that the internet itself can be used to bring many pertinent documents to the reader. The article contains three main sections: cartography, iconography and heraldry. I reasoned that viewing the question from several angles, including a heraldic perspective, could shed new light on the persistent conjecture of a self-portrait.
With fifteen examples (Annex I), all linked to the internet, the cartography section demonstrates that both explorers and cartographers appeared on maps before Champlain’s time and throughout the seventeenth century. But all these portraits are well engraved and well identified. They are not minimalist renditions showing two eyes, a nose and a mouth and a bit of shading, and they are not introduced in a disguised way as would be the case on Champlain’s maps, if indeed a portrait were there. The argument is made that what appears on Champlain’s map is not a compass rose with a face added, but the traditional sun with human features which is made to serve as a compass rose.
The iconography analysis repeats some of the arguments advanced by Denis Martin, but also shows that the moon was likewise represented with the same kind of blank face as the sun in the iconography of the time, often as a companion to the sun in art as well as on a number of maps. It also mentions several European depictions of Amerindians, including one of Champlain, but particularly those of Louis Nicolas, a missionary who sojourned in Canada from 1664 to 1674. His drawings (Annex II, with internet links) reinforce the possibility that the First Nations of his time did represent the sun and the moon with a face, for instance on body paintings. The article also refers to a sun with a face and rays as in Nicolas’ art found among the pre-Columbian petroglyphs of Picket Wire Canyon in Southeastern Colorado. The many European depictions of the sun in connection with First Nation peoples reinforce the fact that the sun with a face was omnipresent at the time of Champlain and throughout the sixteenth century.
The heraldic section develops the idea that the traditional representation of the sun with alternating straight and wavy rays, as on Champlain’s maps, had appeared in heraldry long before the 1600s and has survived to this day with only small stylistic variations. This fact clearly demonstrates that a stereotyped way of depicting the sun was repeated over centuries from Champlain’s period to this day (figs. 3-10).
The last part offers evidence that the sun with a face and rays is a universal symbol going back to antiquity in the old world and to pre-Columbian times in the Americas. It gives further examples of the sun as the emblem of both gods and kings.
Based on an analysis from several angles, only one conclusion remains possible; namely that the face on Champlain’s map is evidently the traditional sun with a human face and rays as it has been represented on several continents over the ages. Even if the answer is negative to the hypothesis of a self-portrait, the question was no doubt worth bringing up to elicit responses, and because it raises other questions: “What and why?” instead of “Who?” Using a sun with a face as a compass rose is ingenious and rare in cartography. It would be interesting to know if the phenomenon is found on several maps other than those I have pointed out in the article (figs. 7 & 9 and endnote 6). Moreover the illustrations on older maps, which are both decorative and instructive, are worthy of being inventoried and studied.
Whether the arguments presented here will convince those who entertain the dream of having in hand a portrait of the founder of New France remains to be seen. Of course, should Champlain’s tomb ever be discovered with the skull intact, we could no doubt produce a close resemblance of the man as he appeared during his lifetime. A.V.