Avant-propos
Au temps de la Nouvelle-France, la bannière de France, bleu à trois fleurs de lis dorées, et le pavillon entièrement blanc de la marine royale ou marine de guerre flottent sur les fortifications. En plus du pavillon blanc, que la marine marchande usurpe à l’occasion pour en tirer des avantages commerciaux, les bateaux marchands arborent un pavillon bleu à croix blanche et ensuite le même drapeau orné au centre des armoiries royales.
En mars 1854, la France et la Grande-Bretagne s’unissent pour lutter contre la Russie en Crimée. Au Canada, anglophones comme francophones, brandissent le tricolore français à côté de l’Union Jack, particulièrement après la prise du port de Sébastopol l’année suivante. Pendant la Grande Guerre, le tricolore et l’Union Jack apparaissent ensemble avec des symboles canadiens, surtout la feuille d’érable, pour symboliser l’effort de guerre mené par le Canada avec les deux mères patries. Bientôt, les Canadiens français adoptent le tricolore comme leur drapeau national et parfois lui confèrent un cachet canadien en ajoutant à ses couleurs la feuille d’érable ou un Sacré-Cœur entre deux branches d’érable avec la devise du Québec. Dans la première moitié du XXe siècle, le tricolore cède progressivement la place à un drapeau nommé Carillon-Sacré-Cœur qui, avec des remaniements progressifs, devient le drapeau de la province de Québec en 1948.
L’Union Jack naît en 1606 lorsque la croix de saint George, rouge sur fond blanc, rejoint la croix en sautoir de saint André, blanche sur fond bleu. A ces deux croix s’ajoute le sautoir rouge de saint Patrick en 1801 pour créer l’Union Jack d’aujourd’hui. Ces changements s’effectuent parallèlement sur le Red Ensign qui comprend l’Union Jack, en haut près de la hampe. Ces deux drapeaux, parfois l’un, parfois l’autre, avec une, deux et finalement les trois croix, flottent sur les forts dès les premiers établissements anglais sur le territoire qui forme maintenant le Canada.
Après la Confédération, vers 1870, les Canadiens adoptent spontanément un Red Ensign portant les armes du Canada sur le battant. Ces armes se modifient à chaque fois qu’une nouvelle province se joint à la Confédération ou qu’un nouveau territoire est créé. Ce pavillon rouge canadianisé représente le pays aussi bien sur terre que sur mer. Les tentatives du gouvernement canadien pour mettre de l’ordre dans les emblèmes du pays connaissent un succès mitigé. En 1945, le gouvernement autorise le Red Ensign canadien à flotter sur les édifices du gouvernement et en toute occasion et lieu où il est important de signaler la présence du Canada. En pratique, ce drapeau flotte sur tout genre d’édifice public et en toutes sortes d’occasions, même lorsqu’il n’est pas essentiel d’identifier le pays. À côté du Red Ensign, l’Union Jack demeure en vedette jusqu’au moment où le Canada se dote d’un drapeau national en 1965.
Lors des débats entourant l’adoption d’un drapeau canadien, il est souvent question de choisir un emblème distinctif. Dans les faits, plusieurs des propositions n’ont rien de distinctif dont celle de retenir le Red Ensign avec les armes du Canada, une formule qui remonte au XIXe siècle lorsque la Grande-Bretagne autorise la marine marchande de ses colonies à arborer ce pavillon rouge avec leur marque distinctive sur le battant. D’autres intervenants s’attachent aux symboles des nations fondatrices représentées surtout par l’Union Jack et les fleurs de lis, une combinaison déjà présente dans les armoiries assignées au Canada en 1921 et dans le drapeau de combat de l’armée canadienne de 1939 à 1944. On favorise toujours la feuille d’érable et le castor, très souvent adjoints à des symboles des mères patries. Quelques Canadiens cherchent des concepts qui se veulent innovateurs comme l’étoile polaire, l’aurore boréale, une étoile pour chaque province et territoire ou divers agencements géométriques. Certains croient qu’une personne créative peut concevoir un symbole original qui supplantera la feuille d’érable qu’ils jugent anodine et trop galvaudée, sans doute du fait qu’elle subsiste dans la conscience collective des Canadiens depuis plus d’un siècle et demi. Cette vision des choses soulève une question essentielle à savoir s’il est possible, dans un pays démocratique, de faire accepter ou d’imposer un emblème créé de toutes pièces et dépourvu de l’auréole de la tradition?
Au début des années 1960, les libéraux pensent que l’adoption d’un drapeau national distinctif favorisera l’unité nationale. Les conservateurs les accusent de vouloir amadouer le Québec qui recherche une plus grande autonomie en raison de ses origines, de sa langue et de sa culture. Mais vis-à-vis cette controverse, quels sont les sentiments de la majorité des Québécois? Tiennent-ils mordicus à un nouveau drapeau pour le pays ou s’agit-il avant tout d’un débat entre anglophones? Une situation semblable surgit dans les années 1990 lorsque le gouvernement libéral décide d’ajouter la devise de l’Ordre du Canada autour de l’écu canadien. Des politiciens et des journaux anglophones jettent le blâme sur le Québec en affirmant que ce remaniement se produit pour plaire à cette province. Une fois de plus, est-il raisonnable de penser que les Québécois souhaitent vivement cet ajout calqué sur les armoiries royales de la Grande-Bretagne? Ne s’agit-il pas plutôt, et à nouveau, d’une question qui préoccupe surtout les anglophones et dans laquelle on implique, bien malgré lui, le Québec? Par ailleurs, la notion que les agissements du gouvernement visent à apaiser le Québec n’est pas partagée par tous les anglophones.
Au niveau fédéral, les francophones se montrent généralement disposés à abandonner les symboles de l’ancienne France en faveur de symboles canadiens alors que beaucoup d’anglophones veulent retenir les enseignes de la Grande-Bretagne. Ils favorisent en particulier le Red Ensign canadien qu’ils croient constituer un emblème approprié pour le pays bien que l’écu canadien se noie dans une mer de rouge et que seules trois feuilles d’érable miniaturisées en pointe de l’écu représentent le pays. George F. Stanley, historien et héraldiste à ses heures, cherche à mettre au premier plan un symbole du terroir et à honorer les deux métropoles ancestrales. Comme figure principale, il retient la feuille d’érable, un symbole longuement reconnu par les francophones et les anglophones auquel il allie le rouge et le blanc. Ces couleurs, historiquement liées à la France et la Grande-Bretagne, représentent déjà le Canada dans les armoiries que le roi Georges V lui assigne en 1921. On a beaucoup brodé sur le symbolisme de l’unifolié canadien, mais j’estime qu’il faut avant tout se référer à Stanley puisqu’il s’agit de sa création pour ce qui est toutes ses composantes : couleurs, divisions verticales et figure centrale. Pour cette raison, j’inclus une traduction annotée de sa lettre du 23 mars 1964 où il énonce sa conception d’un emblème national approprié à John R. Matheson, un membre clé du comité sur le drapeau, (chapitre III, appendice).
Les trois premiers chapitres mentionnent plusieurs drapeaux britanniques dont l’Union Jack qui se nomme aussi Union Flag ou Royal Union Flag. J’ai évité des traductions comme drapeau de l’Union, drapeau de l’Union britannique, drapeau royal de l’Union ou drapeau Royal Union parce que ces désignations complexes peuvent porter à confusion et du fait que plusieurs ouvrages qui font autorité en matière de vexillologie conservent le nom anglais « Union Jack » qui est compris de tous. Pour les mêmes raisons, j’ai conservé les noms anglais d’autres drapeaux britanniques beaucoup arborés au Canada, notamment le Red Ensign et le White Ensign, pavillons respectivement de la marine marchande et de la marine royale du Royaume-Uni.
Mes remerciements les plus chaleureux à mon épouse, Paula, qui me seconde dans tous mes travaux et qui a joué un rôle majeur dans l’acquisition des pièces de céramiques et des cartes postales héraldiques qui illustrent beaucoup de mes écrits. Elle a monté et administre notre site web heraldicscienceheraldique.com
Auguste Vachon
héraut Outaouais émérite
membre de l’Académie internationale d’héraldique
En mars 1854, la France et la Grande-Bretagne s’unissent pour lutter contre la Russie en Crimée. Au Canada, anglophones comme francophones, brandissent le tricolore français à côté de l’Union Jack, particulièrement après la prise du port de Sébastopol l’année suivante. Pendant la Grande Guerre, le tricolore et l’Union Jack apparaissent ensemble avec des symboles canadiens, surtout la feuille d’érable, pour symboliser l’effort de guerre mené par le Canada avec les deux mères patries. Bientôt, les Canadiens français adoptent le tricolore comme leur drapeau national et parfois lui confèrent un cachet canadien en ajoutant à ses couleurs la feuille d’érable ou un Sacré-Cœur entre deux branches d’érable avec la devise du Québec. Dans la première moitié du XXe siècle, le tricolore cède progressivement la place à un drapeau nommé Carillon-Sacré-Cœur qui, avec des remaniements progressifs, devient le drapeau de la province de Québec en 1948.
L’Union Jack naît en 1606 lorsque la croix de saint George, rouge sur fond blanc, rejoint la croix en sautoir de saint André, blanche sur fond bleu. A ces deux croix s’ajoute le sautoir rouge de saint Patrick en 1801 pour créer l’Union Jack d’aujourd’hui. Ces changements s’effectuent parallèlement sur le Red Ensign qui comprend l’Union Jack, en haut près de la hampe. Ces deux drapeaux, parfois l’un, parfois l’autre, avec une, deux et finalement les trois croix, flottent sur les forts dès les premiers établissements anglais sur le territoire qui forme maintenant le Canada.
Après la Confédération, vers 1870, les Canadiens adoptent spontanément un Red Ensign portant les armes du Canada sur le battant. Ces armes se modifient à chaque fois qu’une nouvelle province se joint à la Confédération ou qu’un nouveau territoire est créé. Ce pavillon rouge canadianisé représente le pays aussi bien sur terre que sur mer. Les tentatives du gouvernement canadien pour mettre de l’ordre dans les emblèmes du pays connaissent un succès mitigé. En 1945, le gouvernement autorise le Red Ensign canadien à flotter sur les édifices du gouvernement et en toute occasion et lieu où il est important de signaler la présence du Canada. En pratique, ce drapeau flotte sur tout genre d’édifice public et en toutes sortes d’occasions, même lorsqu’il n’est pas essentiel d’identifier le pays. À côté du Red Ensign, l’Union Jack demeure en vedette jusqu’au moment où le Canada se dote d’un drapeau national en 1965.
Lors des débats entourant l’adoption d’un drapeau canadien, il est souvent question de choisir un emblème distinctif. Dans les faits, plusieurs des propositions n’ont rien de distinctif dont celle de retenir le Red Ensign avec les armes du Canada, une formule qui remonte au XIXe siècle lorsque la Grande-Bretagne autorise la marine marchande de ses colonies à arborer ce pavillon rouge avec leur marque distinctive sur le battant. D’autres intervenants s’attachent aux symboles des nations fondatrices représentées surtout par l’Union Jack et les fleurs de lis, une combinaison déjà présente dans les armoiries assignées au Canada en 1921 et dans le drapeau de combat de l’armée canadienne de 1939 à 1944. On favorise toujours la feuille d’érable et le castor, très souvent adjoints à des symboles des mères patries. Quelques Canadiens cherchent des concepts qui se veulent innovateurs comme l’étoile polaire, l’aurore boréale, une étoile pour chaque province et territoire ou divers agencements géométriques. Certains croient qu’une personne créative peut concevoir un symbole original qui supplantera la feuille d’érable qu’ils jugent anodine et trop galvaudée, sans doute du fait qu’elle subsiste dans la conscience collective des Canadiens depuis plus d’un siècle et demi. Cette vision des choses soulève une question essentielle à savoir s’il est possible, dans un pays démocratique, de faire accepter ou d’imposer un emblème créé de toutes pièces et dépourvu de l’auréole de la tradition?
Au début des années 1960, les libéraux pensent que l’adoption d’un drapeau national distinctif favorisera l’unité nationale. Les conservateurs les accusent de vouloir amadouer le Québec qui recherche une plus grande autonomie en raison de ses origines, de sa langue et de sa culture. Mais vis-à-vis cette controverse, quels sont les sentiments de la majorité des Québécois? Tiennent-ils mordicus à un nouveau drapeau pour le pays ou s’agit-il avant tout d’un débat entre anglophones? Une situation semblable surgit dans les années 1990 lorsque le gouvernement libéral décide d’ajouter la devise de l’Ordre du Canada autour de l’écu canadien. Des politiciens et des journaux anglophones jettent le blâme sur le Québec en affirmant que ce remaniement se produit pour plaire à cette province. Une fois de plus, est-il raisonnable de penser que les Québécois souhaitent vivement cet ajout calqué sur les armoiries royales de la Grande-Bretagne? Ne s’agit-il pas plutôt, et à nouveau, d’une question qui préoccupe surtout les anglophones et dans laquelle on implique, bien malgré lui, le Québec? Par ailleurs, la notion que les agissements du gouvernement visent à apaiser le Québec n’est pas partagée par tous les anglophones.
Au niveau fédéral, les francophones se montrent généralement disposés à abandonner les symboles de l’ancienne France en faveur de symboles canadiens alors que beaucoup d’anglophones veulent retenir les enseignes de la Grande-Bretagne. Ils favorisent en particulier le Red Ensign canadien qu’ils croient constituer un emblème approprié pour le pays bien que l’écu canadien se noie dans une mer de rouge et que seules trois feuilles d’érable miniaturisées en pointe de l’écu représentent le pays. George F. Stanley, historien et héraldiste à ses heures, cherche à mettre au premier plan un symbole du terroir et à honorer les deux métropoles ancestrales. Comme figure principale, il retient la feuille d’érable, un symbole longuement reconnu par les francophones et les anglophones auquel il allie le rouge et le blanc. Ces couleurs, historiquement liées à la France et la Grande-Bretagne, représentent déjà le Canada dans les armoiries que le roi Georges V lui assigne en 1921. On a beaucoup brodé sur le symbolisme de l’unifolié canadien, mais j’estime qu’il faut avant tout se référer à Stanley puisqu’il s’agit de sa création pour ce qui est toutes ses composantes : couleurs, divisions verticales et figure centrale. Pour cette raison, j’inclus une traduction annotée de sa lettre du 23 mars 1964 où il énonce sa conception d’un emblème national approprié à John R. Matheson, un membre clé du comité sur le drapeau, (chapitre III, appendice).
Les trois premiers chapitres mentionnent plusieurs drapeaux britanniques dont l’Union Jack qui se nomme aussi Union Flag ou Royal Union Flag. J’ai évité des traductions comme drapeau de l’Union, drapeau de l’Union britannique, drapeau royal de l’Union ou drapeau Royal Union parce que ces désignations complexes peuvent porter à confusion et du fait que plusieurs ouvrages qui font autorité en matière de vexillologie conservent le nom anglais « Union Jack » qui est compris de tous. Pour les mêmes raisons, j’ai conservé les noms anglais d’autres drapeaux britanniques beaucoup arborés au Canada, notamment le Red Ensign et le White Ensign, pavillons respectivement de la marine marchande et de la marine royale du Royaume-Uni.
Mes remerciements les plus chaleureux à mon épouse, Paula, qui me seconde dans tous mes travaux et qui a joué un rôle majeur dans l’acquisition des pièces de céramiques et des cartes postales héraldiques qui illustrent beaucoup de mes écrits. Elle a monté et administre notre site web heraldicscienceheraldique.com
Auguste Vachon
héraut Outaouais émérite
membre de l’Académie internationale d’héraldique