Heraldic Science Héraldique
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Les symboles monarchiques dans les emblèmes du Québec

Auguste Vachon, héraut Outaouais émérite

Publié initialement dans L’Héraldique au Canada, 2-3 (2011), p.31-49.

Dès la découverte du Canada, et tout au long de l’histoire de la Nouvelle-France, la fleur de lis représentait l’autorité royale sur les territoires nord-américains de la France. Avec le  traité de Paris de 1763, la prérogative royale  en matière d’armoiries passait  de la couronne de France à la couronne britannique. Les armoiries royales de France, qui faisaient souvent partie intégrante de l’architecture, subsistèrent jusqu’en 1775, lorsque le gouverneur Carleton reçu de Londres l’ordre de les faire enlever des édifices là où elles se trouvaient encore; une directive qui était répétée en 1791. Au 19e siècle, les francophones comme les anglophones adoptaient la feuille d’érable comme emblème à côté du castor qui occupait cette place depuis des siècles. En 1868, la reine Victoria concédait des armoiries au Québec arborant des fleurs de lis en chef, ce qui leur conférait un statut officiel au Canada pour la première fois depuis 1763. Au 20e siècle, la fleur de lis s’imposait comme emblème incontesté du Québec. 

1.      Armoiries

Les armoiries des quatre premières provinces à former la Confédération ont été choisies en étroite collaboration avec les délégués des provinces qui s’étaient rendus à Londres au printemps de 1867. Les Canadiens communiquaient au Secrétaire d’État aux colonies, Richard Chandos duc de Buckingham et Chandos, ce qu’ils espéraient voir refléter dans les armes de leur province et le duc faisait connaître leurs vœux à Charles G. Young, roi d’armes Jarretière, par l’entremise du Sous-secrétaire aux colonies, Frederick Rogers. Le Collège des hérauts reformulaient les désirs des délégués sous forme de descriptions et de dessins pour l’approbation des délégués et du duc. Au départ, rien n’était gravé dans l’airain. L’Ontario a connu trois versions de ses armes et le Nouveau-Brunswick, deux [1]. Les trois représentants du Québec étaient George-Étienne Cartier, Hector Langevin et Alexander Tilloch Galt, député de Sherbrooke qui représentait les intérêts des minorités protestantes au Québec.

Pourquoi ces délégués ont-ils choisi les fleurs de lis au lieu du castor pour accompagner les feuilles d’érable, ces deux symboles étant les plus importants au Québec à l’époque ? Tout d’abord, s’il est facile de caricaturer le castor, il est beaucoup  plus difficile de le styliser pour lui donner une allure noble. D’un plus grand poids, sans doute, était le fait que George-Étienne Cartier se croyait apparenté à Jacques Cartier qui avait planté des croix arborant les lis royaux lors de cérémonies de prise de possession du pays. Cette conviction se reflétait dans les armoiries de George-Étienne calquées sur celles qu’un héraldiste avait attribuées à la famille de Jacques et qui ressemblaient étrangement aux armes de Saint-Malo, ville natale du découvreur. Il était normal que l’homme politique souhaite renouer avec la fleur de lis qui allait d’ailleurs figurer sur un écusson dans le cimier de ses propres armoiries concédées par les hérauts d’Angleterre le 8 août 1868. [2]

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Dessin inscrit « Great Seal for Canada », 1868, Bibliothèque et Archives Canada (BAC), négatif no C-33849.


Pourquoi deux fleurs de lis bleues sur fond d’or en chef des armoiries du Québec au lieu des trois fleurs de lis d’or sur fond bleu de l’ancienne France royale ? L’héraldiste Chadwick y voit une courtoisie envers la France, conforme à l’ancien usage héraldique et, en même temps, un hommage aux origines des Canadiens français [3]. Il avait raison, du moins sur le plan de la convenance héraldique. Les armoiries royales de France avaient figuré dans les armories royales du Royaume-Uni de 1340 à 1801 pour signifier la prétention des rois d’Angleterre au trône de France. Les rois d’armes britanniques ne voulaient certes pas faire revivre cette prétention dans des armoiries concédées à une province qui avait changé d’allégeance par la force des armes et qui représentait le cœur d’une ancienne colonie française.

En 1883, Etienne-Eugène Taché, architecte du Parlement du Québec, avait introduit la devise « Je me souviens » sous l’écu du Québec, la couronne royale britannique au-dessus et de chaque côté une branche d’érable. À cette époque, la couronne royale surmontait l’écu du Dominion et les écus des provinces, sans l’assentiment royal, et on ajoutait souvent des branches d’érable pour encadrer l’écu. En modifiant ses armoiries au niveau provincial en 1939, sans recourt ni au souverain ni aux hérauts d’armes d’Angleterre, le gouvernement n’avait aucune obligation de conserver la couronne ajoutée sans autorisation officielle. La décision de la retenir a été entièrement celle du gouvernement provincial et reflète, sans doute, le fait que le lieutenant-gouverneur est le représentant officiel de la Couronne, aujourd’hui de la Couronne canadienne, Elizabeth II ayant le titre de reine du Canada depuis 1953 [4].

Sur le plan du nombre de fleurs de lis et de la couleur de fond, la situation n’était plus la même. En 1921, le Canada s’était doté d’armoiries qui incluaient intégralement les armes et la bannière de la France royale. Comme province héritière de l’ancienne France, il semble difficile de reprocher au Québec d’être revenu aux symboles et couleurs des rois de France arborés partout en Nouvelle-France et qui figuraient depuis plusieurs années dans les armoiries du pays. En revanche, les armes de la province prenaient l’apparence de celles d’une bonne ville de France, car les villes françaises qui jouissent de ce titre portent un chef d’azur à trois fleurs de lis d’or.  Notons que le lion d’or sur la fasce de gueules au centre des armes du Québec demeurait un lien direct avec les armes royales d’Angleterre.  

Au sujet de la devise du Québec, nombre de personnes ont posé la question « Je me souviens de quoi ? » et des auteurs ont disserté longuement sur la question. En fait, beaucoup de devises contiennent la même idée. Par exemple, la devise d’Alan Beddoe, héraldiste canadien de marque, est Memini, ce qui est précisément l’équivalent latin de « Je me souviens ». La devise du clan Campbell, Ne obliviscaris (N’oublie pas), exprime la même pensée à l’inverse. Le souvenir porte nécessairement sur le passé et, pour une nation, son souvenir est sa mémoire collective.

Pour demeurer dynamique, un symbole doit conserver une bonne part de mystère et d’imaginaire, voiler tout en révélant [5]. Cette même constatation est valable pour de nombreuses sphères humaines. Toutes les religions ont leurs mystères et, plus on approfondit une science,  plus on confronte l’inexpliqué. Que la devise du Québec conserve un peu de mystère est garant de sa puissance évocatrice et de sa force comme symbole.

2. Drapeaux 

Au fil des années, de nombreux candidats sont en lice pour devenir le drapeau du Québec. Un tricolore canadien, vert-blanc-rouge, arrive sur la scène en 1832 et devient le drapeau des Patriotes pendant les troubles de 37-38. Après la rébellion, un bicolore vert et blanc ne connaît pas la faveur populaire et est remplacé par le tricolore de la république française au milieu des années 1850. Pour le rendre plus représentatif, on y ajoute des lis de la France royale, ou encore des symboles du terroir comme le castor et la feuille d’érables. Certains préfèrent des symboles religieux, par exemple : un Sacré-Cœur, l’effigie de saint Joseph ou de sainte Anne. D’autres veulent y voir figurer les armes du Québec de 1868. Ces orientations donnent lieu à d’innombrables combinaisons. Le tricolore français est présent de façon plus ou moins visible, jusqu’à la Seconde Guerre mondiale.  

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Chope miniature au portrait traditionnel de Champlain, marquant le tricentenaire de Québec. Un castor sur un écu s’ajoute à la bannière royale de la Grande-Bretagne; une fleur de lis brise le tricolore de France. Fabricant inconnu, grès, 1908. Collection de céramique héraldique Auguste Vachon et Paula Gornescu-Vachon, Musée canadien des civilisations.


En janvier 1858, Octave Crémazie publiait son fameux poème Le Drapeau de Carillon mettant à l’honneur un drapeau blanc autour duquel les troupes françaises, les miliciens canadiens et leurs alliés amérindiens, commandés par le marquis de Montcalm, avaient remporté une victoire éclatante sur les troupes britanniques, commandées par James  Abercromby, à la bataille du fort Carillon (Ticonderoga, New York), en 1758 [6]. Un  drapeau blanc était-il présent à cette bataille ? Comme les français arboraient souvent des drapeaux blancs sur leurs forts, on ne peut écarter la possibilité qu’un tel drapeau ait flotté sur le fort Carillon. Notons également que des drapeaux blancs accompagnaient les troupes françaises, puisque les drapeaux colonels, portés par la première compagnie du premier bataillon réglementaire, nommée elle-même compagnie colonelle, étaient généralement entièrement blancs. Il est presque assuré que des drapeaux colonels, signes de commandement, par opposition aux drapeaux d'ordonnance (des régiments), signes de ralliement, se retrouvaient à Carillon. Louis-Antoine de Bougainville nous apprend que le jour avant la bataille de Carillon, les Français avaient planté les drapeaux sur les abattis [7]. Normalement les drapeaux servent à des troupes en mouvement, mais celles-ci étant retranchées derrière des amas de troncs d’arbres, il fallait les arborer autrement. 

Quoiqu’il en soit, sous la plume d’Octave Crémazie, et celles de Louis Fréchette et de William Chapman par la suite, le drapeau blanc s’élève au rang de drapeau national de la France [8]. Nous pensons que ces trois poètes connaissaient, par des recherches ou par tradition, le drapeau blanc des troupes franches de la Marine que la conscience collective canadienne avait porté au rang de drapeau de la nation française au temps de la Nouvelle-France [9]. Toutefois, le drapeau tout blanc n’eut pas d’influence marquée dans la course vers un drapeau national québécois. Certains pensaient que le drapeau de Crémazie ne représentait qu’une métaphore [10].  En effet, Crémazie comme Fréchette et Chapman exprimaient tous de l’amertume envers la France qui, selon eux, les avait abandonnés aux mains du conquérant. Chapman a aussi chanté les louanges de la feuille d’érable; Fréchette, qui admirait la nouvelle république française, opta finalement pour le tricolore français.

Déjà, dans le second quart du vingtième siècle, le tricolore perdait du terrain face à une nouvelle vedette montante qui, après de nombreuses métamorphoses, prendra la forme du drapeau québécois actuel. On attribuait à ce drapeau des origines bien mystérieuses. Vers 1846, l’avocat Louis de Gonzague Baillairgé recherchait le drapeau que le père Félix Berey Des Essarts (1720-1800)  avait semble-t-il rapporté du champ de bataille de Carillon. Baillairgé raconte qu’il retrouva cette relique en janvier 1848 dans le grenier du dernier frère récollet à Québec, Louis Martinet dit Bonami, qui l’avait sauvé de l’incendie de l’église des récollets, le 6 septembre 1796. Le frère le confia à Baillairgé qui refusa jusqu’à la fin de sa vie de le rendre accessible aux chercheurs. À partir de 1848, il permettait à sa précieuse trouvaille de figurer dans le défilé de la Saint-Jean-Baptiste, mais en la conservant bien à l’abri dans son fourreau, sauf pour la première sortie.

Ce n’est qu’après la mort de Baillairgé en 1896 que des chercheurs ont accès à la relique. Ils découvrent une bannière de procession (gonfanon) du genre qu’une confrérie aurait arboré dans une procession religieuse. On y voit, sur une face, les armes royales de France et, sur l’autre, au-dessus des armoiries du marquis de Beauharnois, gouverneur général de la Nouvelle-France de 1726 à 1747, une madone sur un  croissant de lune et l’inscription sur un listel : Refugium Peccatorum. Il est presque inconcevable, que ce  drapeau ait pu occuper une place prééminente à la bataille de Carillon. Selon la légende : « Le Père De Berey, supérieur des Récollets, était un des aumôniers des troupes qui combattirent sous le commandement de Montcalm. Lorsqu'il revint au monastère, après la campagne de 1758, il rapporta avec lui un drapeau troué et déchiré qui, disait-on au couvent, avait vu le feu de Carillon » [11]. Quoiqu’il en soit, ce gonfanon, authentiquement du XVIIIe siècle, s’ornait sur les deux faces, de quatre fleurs de lis, une dans chaque coin, orientées vers le centre et son champ était d’un bleu pâle [12].

En 1902, s’inspirant du drapeau ancien, l’abbé Elphège Filiatrault hissait, sur  le presbytère de la paroisse Saint-Jude, près de Saint-Hyacinthe, un Carillon au champ bleu et à la croix blanche cantonnée de quatre fleurs de lis pointant vers le centre. En 1903, on ajoutait, au  milieu de la croix, un Sacré-Cœur entre deux branches d’érable vertes et, vers 1935, on enlevait le Sacré-Cœur pour revenir au Carillon original lancé en 1902 par l’abbé Filiatrault. Finalement en 1948, après de longues discussions, le Conseil des ministres adoptait à l’unanimité un décret du lieutenant-gouverneur en conseil qui consacrait le fleurdelisé actuel comme drapeau officiel du Québec avec les fleurs de lis droites [13]. La législature sanctionnait ce choix en 1950.  Au début, le drapeau était vu par l’opposition comme celui de Duplessis, ce qu’il n’était pas puisqu’il existait déjà pour l’essentiel à partir de 1902.

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Le Carillon Sacré-Cœur, l’une des étapes vers le drapeau actuel du Québec. Sur certaines représentations, le Sacré-Cœur est beaucoup plus grand. Éditeur officiel du Québec.


 Après une longue période pendant laquelle des tricolores de type républicain connaissaient la faveur populaire, souvent augmentés de symboles religieux ou du terroir, les Québécois s’orientaient vers un emblème ayant toutes les caractéristiques des drapeaux de la France royale. Ce drapeau s’est imposé en peu de temps comme drapeau national incontesté du Québec.

1.      Grands Sceaux

La province de Québec a connu 10 différents Grands Sceaux depuis 1763. Le premier sceau montre à l’avers le jeune George III ceint de la couronne royale, en manteau du sacre, et portant le collier de l’ordre de la Jarretière. Au moyen d’un sceptre, il indique l’emplacement de la province de Québec, sa nouvelle acquisition. Au revers, figurent les armoiries royales de l’époque. La province reçoit un deuxième sceau en 1793, suite à l’Acte constitutionnel de 1791 créant le Haut-Canada et le Bas-Canada. Sur l’avers de ce nouveau sceau, l’effigie du roi cède la place à un chêne sur une île avec, à l’arrière plan, des navires au mouillage devant une ville sur une colline, sans doute la ville de Québec. Un troisième sceau apparait en 1817 suite à des modifications aux armes royales effectuées l’année précédente. L’avers conserve essentiellement la même scène. Sous Georges IV, sauf pour la désignation du souverain, on retrouve les mêmes caractéristiques que pour le sceau précédant.

Le sceau de Guillaume IV n’est plus un sceau appendu par un ruban, mais un sceau plaqué uniface qui deviendra la formule pour les sceaux qui suivront. L’avers de l’ancien sceau est reporté dans le bas avec au-dessus les armoiries royales. Le premier sceau de la reine Victoria en 1839 reprend un arrangement semblable, sauf que l’imagerie  de l’ancien sceau n’est plus encadrée par une forme circulaire, devenant ainsi un simple paysage. Les armoiries dans le haut sont celles adoptées par la reine en 1837 et demeurées les mêmes jusqu’à nos jours. De 1763 à 1837, seul le contenu de l’écu des armes royales se modifie. Les ornements extérieurs demeurent les mêmes [14].

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Sceau du Canada-Uni 1840-1867, sur petit plat commémoratif en porcelaine d’os par Doulton & Co., Angleterre, 1967. L’ancien sceau du Bas-Canada est à dextre et celui du Haut-Canada à senestre. Collection de céramique héraldique Auguste Vachon et Paula Gornescu-Vachon, Musée canadien des civilisations.

Le Canada-Uni formé en 1840 n’a qu’un sceau. Les anciens sceaux du Bas-Canada et du Haut-Canada tenus par deux figures allégoriques féminines représentent le Canada-Est et le Canada-Ouest, le tout surmonté des armoiries royales. À partir de 1867, avec l’avènement de la Confédération, le Québec utilise un sceau intérimaire et illustré des armoiries royales. En 1869, le Québec reçoit un nouveau sceau portant un écu aux armoiries royales sommé de la couronne royale et posé au-dessus des armes concédées au Québec en 1868. Conrad Swan a pertinemment fait remarquer que les autorités britanniques avait manqué une belle occasion de montrer un peu de courtoisie envers la province en titrant le sceau uniquement en anglais au lieu d’en français [15]. Après 1939, la province se dotait d’un sceau inscrit en français où figuraient les nouvelles armes du Québec adoptées par la province, mais toujours accompagnées des armoiries royales. On peut dire que le Québec avait lui aussi manqué une belle occasion de se munir d’un sceau illustré des seules armes de la province comme l’avaient déjà fait la Nouvelle-Écosse et toutes les provinces de l’Ouest [16].

Ce n’est qu’en 1979, que le Québec adopte un Grand Sceau bien à lui. Dans le centre figure une grande fleur de lis à l’intérieur d’un cercle de perles entouré de l’inscription « GRAND SCEAU » dans le haut et « DU QUÉBEC » dans le bas, séparée de chaque côté par cinq perles, le tout enclos dans un cercle alternant fleurs de lis et perles. Le nouveau sceau où l’on voit 17 fleurs de lis proclame que ce symbole  est l’emblème par excellence du Québec. La multiplication des lis n’était pas étrangère à des sceaux du temps de la Nouvelle-France. L’avers du sceau de la Compagnie de la Nouvelle-France (1627-1663) montre une allégorie féminine sur un fond semé de fleurs de lis [17]. Sur le cachet du Conseil supérieur ci-dessous, 13 fleurs de lis sont visibles, trois sur les armes, six dans la couronne et quatre dans le collier de l’ordre du Saint-Esprit.

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Grand Sceau du Québec depuis 1979. Le ministre de la Justice du Québec, à titre de
procureur général, est  le gardien du Grand Sceau.


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Cachet du Conseil supérieur de la Nouvelle-France 1742, BAC, MG 18, H 18, Négatif no C-103324.

Le symbole commun aux armes, au drapeau et au Grand Sceau du Québec est la fleur de lis de la France royale. L’intention de cet article n’est pas de démontrer que les Québécois sont des monarchistes, sinon avoués, du moins par atavisme. Un certains nombre des citoyens du Québec le sont, mais beaucoup d’autres, vraisemblablement une majorité, diraient qu’ils ne le sont pas. Il est vrai qu’on peut vivre tout doucement sous une monarchie constitutionnelle sans en évaluer les mérites. Quoiqu’il en soit, ce que la fleur de lis représente pour les Québécois, surtout la fleur de lis d’argent sur azur du drapeau, sont leurs origines de façon globale et leur conscience collective actuelle, ce qu’ils ont été et ce qu’ils sont aujourd’hui. Le fait que les anglophones, avaient aussi adopté le castor et la feuille d’érable comme symboles a sans doute contribué au triomphe de la fleur de lis au Québec, mais cette question demeure complexe. Comme tant d’autres emblèmes, la fleur de lis a connu un long cheminement et sa part de controverse avant de recevoir l’approbation générale.

***

Un grand merci à mon épouse, Paula Gornescu-Vachon qui m’a secondé à plusieurs niveaux lors de la rédaction de cet article : lecture du texte, préparation des illustrations et conseils sur le contenu.


 Monarchic Symbols in the Emblems of Quebec
Summary

Arms

The arms of the four original provinces to form Confederation were chosen in close cooperation with the Canadian delegates in London during the spring of 1867. The choice of fleurs-de-lis for Quebec can probably be traced to George-Étienne Cartier and his belief that he was related to the explorer Jacques Cartier who had planted the Royal Arms of France on Canadian soil from 1534. George-Étienne had in fact included a fleur-de-lis on an escutcheon in the crest of his own arms granted in 1868. But why two blue fleurs-de-lis on gold instead of the three gold lilies on blue of Royal France? The arms of the kings of France were included as a quarter in the arms of the kings of England from 1340 to 1801 as a pretention to the French throne. E.M. Chadwick believed that retaining the arms of Royal France unaltered in those of Quebec would have been discourteous to France (see his explanation in footnote 3 above).

When the province of Quebec took upon itself to return to the original colours of France in 1939, the situation was completely different. The arms and banner of Royal France had been part of the Arms of Canada since 1921. Nevertheless, it is interesting that the province kept the royal crown which it had adopted freely as all the other provinces had done at one time or another. The gold lion on red in fess remained a direct link to the Royal Arms of England.

Flag

Many flags have vied for the position of national flag of the Canadiens. During the troubles of 1837-38, the Patriots flew a green-white-red flag, which in the mid 1850’s was replaced by the tricolour of Republican France. In 1902, a new rival came onto the scene: a blue flag with a white cross and a white fleur-de-lis in each corner pointing towards the centre. The flag was partly based on an old gonfannon, which reportedly had seen combat at Carillon (Ticonderoga, New York) where General Montcalm defeated the troops of General Abercromby. The Carillon flag was more suited for a religious procession, having on one side the Madonna on a crescent, but it featured on both sides four fleurs-de-lis pointing towards the centre, which imagery was retained for the 1902 design. A Sacred Heart, added in centre, was removed ca. 1935, and in 1948, the present flag was adopted by the Executive Council with the fleurs-de-lis upright, a design which reflected the purest heraldic traditions of Royal France.

Great Seal

Ten different Great Seals have represented the Province of Québec since 1763. The early ones came from England and displayed the Royal Arms on the reverse. During the union, the two Canadas had a common seal incorporating the earlier seals of Upper and Lower Canada. In 1869, Quebec received a seal where the arms of the province appeared below the Royal Arms but with a unilingual English inscription. In 1939, after modifying its arms, the province adopted a new seal and a French inscription, but kept the Royal Arms above the provincial arms. Only in 1979 did the province create a seal that was truly its own, displaying in centre a large fleur-de-lis and around the edge a chaplet of smaller ones.

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The common element to the arms, flag and Great Seal of the Province of Quebec is the fleur-de-lis of Royal France. The object of this article is not to demonstrate that Quebecers are monarchists at heart or unconsciously so. Probably a majority would say that they are not, although it is possible to live quietly within a constitutional monarchy without thinking much about its pros and cons. For Quebecers today, the fleur-de-lis simply represents what they have been and what they are now. The fact that Anglophone Canada also adopted the beaver and maple leaf as emblems undoubtedly favoured the promotion of the fleur-de-lis in Quebec, but the matter remains complex. Before reaching its present status, the fleur-de-lis was the object of protracted discussions and controversies. A.V.

NOTES

[1] Quatre documents attestent du progrès dans le choix des armoiries. Un premier document s’intitule : « Memoranda (sic) Explanatory of the proposed Armorial Bearings for the Provinces of the Dominion of Canada ». Il décrit les armes du Québec et de la Nouvelle-Écosse telles qu’elles figureront dans le mandat royal de 1868. Par contre, ce même document  propose un Union Jack en chef  pour l’Ontario afin de représenter les colons Anglais, Écossais et Irlandais qui ont peuplé la province et, en pointe, une branchette d’érable. Pour le Nouveau-Brunswick, les armes sont un cheval en chef et un navire en pointe. À ce sujet, le document précise qu’un cheval est présent dans les armes de cette province comme étant un élément important et visible parmi les nombreux quartiers des armes de la Maison de Brunswick, mais qu’en réalité, il est l’emblème de l’État d’Hanovre. Bien que le document  n’indique pas d’auteur ni de date, on sait qu’il reflète des concepts spécifiques au Collège des hérauts, car ni les délégués ni le Colonial Office  n’auraient fait une  mise au point au sujet de leur propre choix. Il s’agit clairement d’une savante analyse par  les hérauts au sujet du choix des délégués. Un deuxième document est une feuille avec les dessins des quatre armoiries et des annotations de couleurs. Le Nouveau-Brunswick conserve le cheval blanc d’Hanovre, mais l’Ontario a maintenant opté pour la croix rouge de saint Georges sur argent en chef et une gerbe de blé d’or sur fond vert en pointe. Un troisième document montre  les armes des quatre provinces en écartèlement, combinaison qui devait servir de sceau au Dominion. L’Ontario conserve sa gerbe de blé, mais le Nouveau-Brunswick a remplacé le cheval par le léopard qu’il a aujourd’hui et qui représente beaucoup mieux le duché de Brunswick. Finalement, une lettre de Rogers à Young, datée du 29 avril 1868, précise que, tout en conservant la croix de saint George, le duc et les délégués de l’Ontario préféreraient, en fin de compte, une branchette d’érable au lieu de la gerbe en pointe.  Ces documents se retrouvent dans la collection d’art documentaire de Bibliothèque et Archives Canada,  boîte no 5 intitulée « Coats of arms ». Ils sont décrits dans le dossier 622-6 et portent les numéros d’acquisition 1949-1 et 1949-1-2. 

[2] Auguste VAHON, « L’héraldique de Jacques Cartier » dans L’Héraldique au Canada (ci-après H au C), sept., 1984, p. 5-6.

[3] « The reversing of these colours is the proper mode of symbolizing a country which has had a French origin, as distinguished from the parent country, and is in fact a most delicate courtesy to France, as well as a compliment to the French Canadians, for if the original colours of gold on a blue ground had been used that would, according to ancient heraldic usage, have been discourteous to France. »  E. M. CHADWICK, « The Canadian Flag » dans Canadian Almanac, Toronto: Copp, Clark, 1896, p. 227.

[4] Ce titre figure sur le Grand Sceau du Canada.

[5] Jean CHEVALIER ET Alain GHEERBRANT, Dictionnaire des symboles…, Paris : Seghers, 1973, p. XII, XVII-XIX.

[6] Charles-Désiré-Joseph Wugk dit Charles Sabatier mit en musique le poème de Crémazie alors que Laurent-Olivier David écrivit une pièce de théâtre intitulée « Le Drapeau de Carillon » jouée en 1901. Voir leur biographie dans le Dictionnaire biographique du Canada en ligne.

[7] René CHARTRAND, « Les drapeaux des régiments français en Nouvelle-France » dans H au C, sept. 1972, p. 4, 6.

[8] Particulièrement dans La légende d’un peuple où l’on retrouve le poème « Le dernier drapeau blanc ».

[9] Auguste VACHON,  « Bannière de France et pavillon blanc en Nouvelle-France » dans H au C, 2008, p. 25-26.

[10] F.A. BAILLARGÉ, Le Drapeau canadien-français …. nos raisons, Montréal : Granger, 1904, p. 6. Ses remarques à la page 7 démontrent que Baillargé ignorait  le rôle national du pavillon blanc au temps de la Nouvelle-France.

[11] G.F. Baillairgé, Louis de Gonzague Baillairgé …, Jolliette, 1891, p. 16, citant Ernest Gagnon, « Le drapeau de Carillon », 1882.

[12] Hélène-Andrée BIZIER et Claude PAULETTE, Fleur de lys d’hier à aujourd’hui, Montréal : Éditions Art Global, 1997,  p. 114.

[13] Le cheminement qui a mené à l’adoption du drapeau du Québec a été long et complexe. Pour une étude détaillée, nous renvoyons le lecteur à l’excellent article de LUC BOUVIER, « Du tricolore canadien au fleurdelisé québécois », publié dans L’héraldique au Canada en six tranches, de mars 1994 à juin 1995, et maintenant sur les sites Heraldic America et Impératif français.

[14] Les illustrations des sceaux se retrouvent dans Conrad SWAN, Canada Symbols of Sovereignty, Toronto : University of Toronto Press, 1977, p. 106-114. On peut suivre l’évolution des armes royales dans Richard MARKS et Ann PAYNE, British Heraldry from its origins to c. 1800, London : British Museum Publications, p. 102-105.

[15] SWAN, Canada Symbols ... loc. cit., p. 113.

[16] On trouve des illustrations et descriptions détaillées de ces sceaux dans ibid., p. 105-114 et 169.

[17] Daniel COGNÉ, « Une découverte : le cachet de la Compagnie de la Nouvelle-France » dans H au C, mars, 1983, p. 20-22.

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